Près de 1000 restaurant épinglés pour manque d'hygiène à Genève

Depuis le début de la crise sanitaire liée au Covid, les restaurateurs peinent à recruter du personnel qualifié. Résultat: la conservation et la salubrité des produits laissent parfois à désirer. Les explications du chimiste cantonal, Patrick Edder.

Tous les restaurants genevois ne sont pas des bouillons de cultures. Si la plupart se conforment aux règles de sécurité alimentaire, d’autres se montrent moins circonspects. Deux tiers des 3800 échantillons analysés présentent des manquements et un quart des défauts d’hygiène. L’augmentation, constatée déjà en 2022, du nombre de germes indésirables au menu des tables cantonales, s’explique en partie par la pénurie de personnel qualifié, singulièrement depuis la crise liée au Covid. Ce n’est pas le seul facteur qui vient altérer 
le contenu des assiettes ou des mets vendus à l’emporter. Les étés caniculaires mettent à mal la conservation des aliments. Et puis, en tête de gondole des vecteurs de contamination: l’absence de règles de base comme 
la propreté des mains. Rencontre avec le Dr Patrick Edder, chimiste cantonal.

GHI : Sur les 2000 inspections effectuées dans les restaurants du canton, combien nécessitaient un recadrage?
Dr Patrick Edder:  Vous dites recadrage, je dirais plutôt une mise en conformité. Car notre rôle n’est pas de jouer les cow-boys de l’alimentation mais de remplir notre fonction d’organe de prévention. Ainsi, pour deux-tiers d’entre eux, les inspecteurs-contrôleurs ont relevé des problèmes d’irrespect de la chaîne du froid, de tromperie sur la provenance ou la nature des produits, de négligences des autocontrôles ou encore de défaut d’hygiène.
Revenons-en à l’hygiène. Qu’est-ce qui pèche?
La méconnaissance des règles de conservation tout d’abord. Ainsi , des pâtes ou du riz cuits cinq jours plus tôt sont mal conservés et vont être simplement réchauffés avant de garnir l’assiette du client. Ensuite, dans les échantillons analysés, nous retrouvons des bactéries intestinales, ce qui signifie sans conteste que la personne en contact avec la nourriture ne se lave pas correctement les mains. Et que le port de gants, comme nous l’objectent certains employés de la restauration, n’offre évidemment aucune garantie de propreté, au contraire. Enfin, les autocontrôles (nettoyage des appareils, vérification des dates de péremption, températures) ne sont pas toujours effectués. A cet égard, nous avons mis en place, à l’attention des professionnels de la restauration, des documents types qui listent tous les indicateurs et le rythme des vérifications.
Avez-vous été contraint de fermer des établissements séance tenante?
Les chiffres de 2023 ne sont pas encore publiés mais ils sont sensiblement les mêmes que ceux de l’année précédente. En tout, une quinzaine a dû aussitôt fermer boutique sur les 150 établissements qui présentaient des risques élevés à très élevés. Cette suspension d’activité n’est jamais définitive, elle dure jusqu’à la remise aux normes.
Combien ont été verbalisés?
Sur les 4000 contrôles – incluant les take-away, les foodtrucks et les stands – et sur 8500 produits contrôlés, 2500 décisions administratives ont été prononcées. Tandis qu’environ 1000 amendes ont été décernées aux contrevenants. A noter qu’en qualité de chimiste cantonal, je peux délivrer des amendes pour un montant allant jusqu’à 20’000 francs. Au-delà, l’affaire ressortit du Ministère public. Il faut encore souligner que si nous constatons plusieurs dysfonctionnements mineurs, nous adressons une facture (des émoluments) calculée selon le temps consacré, soit généralement entre 200 et 400 francs.
Et du côté des consommateurs, quel est le nombre de plaintes?
Une centaine de personnes nous adressent annuellement leurs plaintes directement ou en réfèrent au Service du médecin cantonal qui nous informera. Dans près de 30% des cas, les suites données ont confirmé leurs plaintes. Nous avons d’ailleurs des formulaires sur notre site internet qui permettent aux consommateurs de documenter leurs cas.
Vous êtes en fonction depuis seize ans. Quels changements observez-vous?
Je dirais une dégradation globale qui résulte principalement de la difficulté pour les restaurateurs à recruter des employés dûment formés. Cette tendance s’est accélérée avec la crise sanitaire. Des professionnels ont en effet mis le cap sur d’autres métiers. Il est vrai que la restauration ne se limite à savoir apprêter un plat mais nécessite maintes compétences, y compris en termes de connaissances sur l’hygiène et la conservation. Si les gérants de restaurants (titulaires d’une patente) sont parfaitement formés, cela n’est pas toujours le cas pour les personnes qui travaillent sur des stands, dans des foodtrucks. J’ai, en toute humilité, réussi à faire inscrire dans une loi cantonale l’obligation pour les personnes en charge de cette restauration rapide de suivre une formation de base et des cours de mise à niveau. Mais elle n’est pas contraignante pour l’ensemble du personnel. L’autre changement concerne les pics de chaleur estivaux de plus en plus fréquents. Les réfrigérateurs sont-ils aujourd’hui adaptés à des températures qui franchissent les 40 degrés? Ce n’est pas dit. Je pense que nous devrons rapidement trouver des parades à cette nouvelle situation climatique.

Des chiffres-clés

  • 8300 établissements sont soumis au contrôle du chimiste cantonal. Il s’agit des industries alimentaires, des restaurants, 
des cantines scolaires, d’entreprises, des artisans et des commerces 
de distribution.
  • 4000 inspections sont effectuées chaque année par les 14 contrôleurs et inspecteurs du Service.
  • 8500 produits sont analysés dans les laboratoires du chimiste cantonal
  • 2500 décisions de remises en conformité sont émises chaque année.

La Faîtière des cafetiers restaurateurs veut booster la formation

AG • La Société des cafetiers, restaurateurs et hôteliers de Genève (SCRHG) est bien consciente des difficultés rencontrées par ses membres. La directrice, Me Myriam Marquant relève: «Le métier connaît en effet d’importantes tensions. 
Certains professionnels, découragés par les difficultés rencontrées durant la période du Covid, se sont reconvertis. Et du côté du personnel, les candidats dûment formés ne se bousculent pas au portillon.»Toutefois et pour répondre à la situation, la SCRHG est en train de parachever deux formations. L’une continue s’adresse à tous ceux qui travaillent dans les restaurants. Elle porte sur la sécurité alimentaire et l’hygiène notamment. L’autre est destinée aux étudiants de l’Université de Genève (UNIGE) qui souhaitent faire des extras pour boucler leurs fins de mois. «Ils obtiendront une attestation qui facilitera leur engagement dans un établissement public. 
Nous estimons en effet que dans notre domaine, former est plus productif 
que sanctionner», affirme encore 
Me Myriam Marquant. 
A noter qu’en raison de leur statut, 
les foodtrucks et take away ne peuvent adhérer à la faîtière des restaurateurs et hôteliers.