Sur YouTube, il vend des formations pour devenir... frontalier

EMPLOI • Sur sa chaîne YouTube, Loïc Bourget vante 
les mérites de venir travailler au bout du lac tout 
en résidant de l’autre côté 
de la frontière. 
D’après lui, les travailleurs français y trouveraient 
un salut financier et une meilleure qualité de vie.

  • Sur sa chaîne YouTube, Loïc Bourget compte près de 100’000 abonnés. 123 RF

On le voit régulièrement se mettre en scène auprès d’influenceurs à Dubaï avec presque toujours la même obsession: l’argent. Mais aussi dans les rues de Genève, où il interpelle les passants pour leur poser des questions sur ce même thème: «Combien gagnez-vous?», «Avez-vous des conseils à donner aux plus jeunes?» ou encore «Comment devenir riche?». Loïc Bourget, jeune homme de presque 30 ans qui s’est installé à la frontière en 2018 comme il aime le rappeler, défend son mode de vie et son amour de l’argent sur ses différents réseaux sociaux, sur lesquels il est suivi par des dizaines de milliers d’abonnés. Son credo: inciter sa communauté à venir s’installer dans la région genevoise pour bénéficier des salaires helvétiques tout en habitant en France.
Et si Loïc Bourget déploie autant d’énergie pour le bien-être financier de ses compatriotes, ce n’est pas uniquement par grandeur d’âme. Là aussi, sa motivation semble essentiellement pécuniaire, puisque le youtubeur propose de véritables formations pour devenir frontalier, facturées près de 600 euros à ses clients. 
Sa promesse? «Triple ton salaire en moins de trois mois!», assure 
le jeune entrepreneur.
Accès privilégié
Une offre qui comprend une dizaine d’heures de formation, une aide pour réaliser un CV, un accès «privilégié» à certains partenaires ou encore un carnet d’adresses «des meilleures agences d’intérim par secteur».
De quoi faire bondir de nombreux Suisses, qui s’étonnent de cette apologie du mode de vie «frontalier». Parmi les commentaires sous ses vidéos, certains n’y vont pas par quatre chemins: «Passer des heures dans les bouchons, parcourir des centaines de kilomètres par mois et habiter dans une cité-dortoir avec quasiment aucun commerce… plutôt mourir», détaille un internaute. «Pas besoin de payer pour devenir frontalier. Et puis, la Suisse n’est pas une vache à lait…», déplore un autre.
Des commentaires qui ont sans doute conduit le principal intéressé à répondre à ses détracteurs via 
une vidéo qui le met en scène en plein débat avec un «anti-frontalier» (qui se présente comme tel). Sur les images, on voit les deux jeunes hommes s’invectiver, plus ou moins respectueusement. Loïc Bourget n’hésite ainsi pas à traiter de «faux-culs» les personnes qui tiendraient un discours anti-frontalier, alors que son interlocuteur tente de lui expliquer que la Suisse n'est pas qu’un vivier d’emploi, mais que le pays possède également 
des habitants, une histoire et 
une identité propre.   
Côté politique, certains partis s’inquiètent de cette tendance sur internet. A l’image du Mouvement des citoyens Genevois (MCG), qui craint une hausse de la pression sur les salariés locaux. «Cela démontre que la Suisse, et Genève en particulier, est ouverte à une concurrence féroce. C’est une menace pour les travailleurs genevois, ceux qui cherchent un emploi ou ceux qui en perdent», estime François Baertschi, président du MCG.
"Appel d'air"
Pour l’élu, ce type de vidéo n’a rien d’anecdotique. «A première vue, on pourrait s’en amuser. Mais cela risque de créer un appel d’air et de renforcer encore les difficultés que connaît le canton en matière d’emplois. Ce youtubeur fait de l’argent sur le dos des Français 
un peu crédules mais aussi sur le dos des Genevois. On est presque dans une situation de trafic de frontaliers», résume François Baertschi.
Autre son de cloche du côté de la Chambre de commerce, d’industrie et de services de Genève (CCIG), qui voit cette démarche d’un œil plus positif. «Les vidéos de ce youtubeur ne sont pas dénuées d’intérêt et de substance. Il répond à 
une demande clairement identifiée. Certains peuvent s’en émouvoir mais ce n’est pas mon cas: son contenu peut clairement faciliter la vie d’une personne qui cherche à devenir frontalier», considère Vincent Subilia, directeur général de la CCIG.
Plus largement, pour la chambre de commerce, la démarche de Loïc Bourget permet également de répondre à un manque de travailleurs, notamment dans certains secteurs, comme la restauration, 
la santé et l’hôtellerie. «A ce titre, si on veut continuer à faire tourner 
la machine, la main-d’œuvre frontalière est simplement indispensable. Genève est un véritable poumon économique pour toute la région. Les flux sont dictés par la bonne tenue du tissu économique et la croissance soutenue. Souvenez-vous pendant le Covid: comment aurions-nous fait sans les infirmières et les infirmiers de l’Ain ou de 
la Haute-Savoie? Finalement, la démarche de ce jeune entrepreneur est flatteuse pour la Suisse», conclut le directeur.