Sébastien Devrient, une plume virevoltante qui donne des ailes

PORTRAIT - Aventurier et documentariste, Sébastien Devrient a réalisé une trentaine de films entre le Népal, le Pakistan, l’Arctique et le Groenland.Il vient de signer son premier roman, «IMMpact», chez l’éditeur  Plaisir de Lire. Rencontre avec un homme toujours épaté par l’immensité du monde.

  • Photo Gustave Deghilage

C’est parce qu’il a été contraint de rester alité plusieurs mois suite à un accident sur l’Annapurna que Sébastien Devrient s’est mis à écrire. Enfant, déjà, ce grand dévoreur de films d’aventures rêvait de devenir caméraman d’expédition. Emerveillé par les beautés du monde, il décide de partir en faire le tour, pour les filmer. Las, s’il a fait celui de la planète, il n’a pas fait celui de la question. Même si la sève du cinéma documentaire est la transcription de la réalité, cela fait quand même trente films et donc trente histoires à raconter. A force, Sébastien a eu envie de raconter la sienne, une fiction qui naîtrait non pas d’un voyage mais d’une pure création de son esprit. C’est justement parce qu’il ne pouvait plus voyager que le réalisateur aventurier a franchi le pas. Ainsi est né «IMMpact», l’histoire d’un tournage contrarié au cours d’une expédition et autour de trois personnages. 
Nombreux mystères
«J’avais envie d’écrire quelque chose qui pourrait être adapté en film par la suite. J’avais vu un documentaire incroyable, «Grizzly Man», l’histoire d’un homme qui part au bout du monde pour vivre près des grands grizzlys d’Amérique du Nord. Le type se filme au cours de cette expédition solitaire et jusqu’au-boutiste. C’était fascinant. J’ai eu envie de partir sur ce même schéma: on retrouve les rushes de tournage d’un documentaire et on essaye de comprendre ce que ces gens cherchaient, voire ce qu’ils ont trouvé.» Ce processus dit de found footage a fait les grandes heures du cinéma de genre et d’horreur, du «Projet Blair Witch» à «Cloverfield». Pas question de gore ou d’horreur toutefois dans «IMMpact», même si les mystères y sont nombreux. «Je voulais écrire sur l'exploration du monde, mais aussi sur l’exploration de soi. Partir, c’est un peu s’explorer soi-même.»
Il est beaucoup question de ça dans «IMMpact», et le héros, à force d’explorer et d’aller plus loin, va forcément se mettre en danger. On découvre, au fur et à mesure du visionnage des bobines de 8 mm qui ont été retrouvées dans le roman, que cet homme parti aux confins de la Sibérie a peut-être trouvé quelque chose qu’il n’aurait pas dû. «Plus il s’enfonce dans son voyage, plus il s’approche de son but, un mystérieux cratère sibérien, et plus on a l’impression qu’il sombre dans la folie.» Comme si plus on était proche de la vérité, moins on était sûr de la trouver.
Tutoyer les limites
Même si le roman emprunte des codes bien connus du cinéma d’horreur, l’aiguille du trouillomètre ne s’affole pas, et il reste avant tout une enquête palpitante. «Quand j’ai eu ma blessure au genou, qui m’a physiquement obligé à l’immobilité, j’ai trouvé une autre manière d’aller voir ailleurs en écrivant un roman. L’important c’est d’être en mouvement.» Né en Bourgogne, c’est d’abord la montagne qui a attiré Sébastien Devrient, qui a tutoyé nombre de sommets, du Cervin à l’Annapurna.
Aujourd'hui, il pratique la plongée et explore les grottes sous-marines, dans un souci d’inversion de l’altimètre qui prend tout son sens. Sébastien Devrient a-t-il peur de s’endormir sur ses lauriers? «C’est la routine qui m’endort.»
La liberté avant tout
Finalement, c’est une essentielle quête de liberté qui propulse Sébastien Devrient au fil de ses explorations, qu’elles soient planétaires ou littéraires. Cette quête, éminemment universelle, retrouve des échos partout, et l’aventurier a observé que la liberté était souvent le bien le plus précieux de celles et ceux qui savent encore posséder peu.
«On est parti récemment avec toute ma famille à la rencontre d'une tribu Papou au milieu de la jungle de Nouvelle Guinée. Ils n’avaient jamais vu un enfant blanc. Je trouve ça fascinant que ces gens vivent de la et dans la forêt uniquement. Et moi je suis incapable de vivre dans cette forêt. Si on me laisse trois jours dans la forêt, je ne saurai pas quoi faire. Je trouve ça merveilleux d'avoir toute leur connaissance, et la liberté de savoir vivre dans cet environnement naturel. J'aimerais savoir vivre partout.»