"Il ne faut pas repousser la fin de l'exploitation des carrières du Salève"

Rédigé par
Adélita Genoud
Canton & Communes

ENVIRONNEMENT • La plus genevoise des montagnes françaises n’en finit pas de subir les assauts des extracteurs de roche. Chaque année des tonnes sont ainsi prélevées. Au grand dam des habitants des communes franco genevoises limitrophes qui assistent impuissants à l’extension des fissures scarifiant le Salève. L’association pour la sauvegarde du Salève (ASSAL), basée à Genève tente d’alerter les opinions publiques de part et d’autre de la frontière. Rencontre avec Henri Roth, représentant de l’ASSAL.

– GHI: La fin de l’exploitation du Salève est prévue pour 2033. Les associations de défense, comme l’ASSAL, craignent que cette date butoir ne soit pas respectée. Qu’en est-il? 
Henri Roth: Dans les années 1990, il était question d'arrêter l'exploitation des carrières du Salève au début du XXIe siècle. Puis un arrêt préfectoral du 16 mai 2003 a prolongé l'autorisation d'exploiter  pour 30 ans, jusqu'en 2033. Tout le monde avait promis qu'après, ce serait fini. Les exploitants s'étaient engagés à rendre le site renaturé en 2033. Leur argument, c'est qu'il fallait continuer l’activité pour renaturer en parallèle. Mais nous nous sommes rendu compte que ces promesses n'étaient pas tenues. A mi-parcours, en 2018, la renaturation était peu avancée. Une recherche menée par la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (Hepia) souligne les difficultés de cette renaturation. Alors? Non seulement nous n'avons pas de nouvelles garanties que la date de 2033 soit tenue, mais au contraire un nouvel arrêté préfectoral d'octobre 2024 modifiant l’arrêté de 2003 ouvre la voie au lancement d’une étude pour une prolongation de l’exploitation. Ce nouvel arrêté dit en effet qu'il reste assez de matériaux pour 90 ans d’exploitation selon une estimation de décembre 2023.  L'arrêté prend acte de la demande de prolongation d’exploitation de 30 ans, ce qui est très inquiétant à nos yeux.
Ce texte affirme ne rien changer à l'exploitation, ce qui signifie qu'il admet qu'elle se poursuivra comme à présent. 

– Combien d’entreprises puisent dans ces carrières? Certaines sont-elles suisses, genevoises? 
Après plusieurs fusions des diverses entreprises installées dans les  communes d'Etrembières et de Bossey, il n’en reste depuis 1998 qu'une seule: Les Carrières du Salève.

– Les entreprises de construction de Genève utilisent-elles les roches du Salève? 
Oui, sur les 500’000 tonnes de matériaux  extraits chaque année, un cinquième environ va dans le canton de Genève.

– Quels sont les leviers que votre association peut actionner? 
Nous nous efforçons d'informer sur le fait que les promesses ne sont pas tenues. Nous estimons que le délai annoncé pour la fin de l'exploitation de ces carrières ne devrait pas être une fois de plus repoussé. Nous sommes conscients que les carrières étant en France, les décisions à leur sujet se prennent en France. C'est donc avant tout à des associations françaises de faire pression sur les autorités hexagonales pour que les promesses soient tenues. Cela dit, les autorités suisses et genevoises peuvent exercer des pressions auprès de leurs partenaires français.


Un parcours long  et rigoureux

François Garcin, directeur du développement au sein de Chavaz Père & Fils, exploitant des Carrières du Salève, explique que l’entreprise a bien l’intention de prolonger son activité au-delà de 2033. «Mais pour obtenir une autorisation de renouvellement, nous devons constituer un dossier adressé à la préfecture comprenant de nombreux volets dont une étude d’impact avec un état des lieux et des mesures associées. Il faudra, entre autres études (géologique, trafic, bilan carbone…), une analyse biodiversité sur le site et ses abords couvrant a minima une période de 24 mois (8 saisons). Les services de l’Etat, représentés par la préfecture, peuvent ensuite, au regard des études déjà produites, exiger divers compléments spécifiques que nous confierons à des bureaux d’études externes. Une fois complétée, la demande d’autorisation fera ensuite l’objet d’une instruction par les services de l’Etat avec notamment une phase d’enquête publique à l’issue de laquelle, le commissaire désigné par l’Etat pourra donner un préavis, favorable ou non avant que la décision finale ne soit formalisée par le préfet.» 

Berne sensible à la cause du Salève

En 2022, le conseiller national Christian Dandrès avait déposé une motion demandant au Conseil fédéral d’intervenir auprès des autorités françaises pour la réhabilitation du site des carrières du Salève et la fin de son exploitation. Le conseiller fédéral, Albert Rösti, à la tête du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication avait alors précisé que: «tant au niveau fédéral que cantonal, les contacts et les procédures nécessaires existent pour faire part aux autorités françaises compétentes des préoccupations exprimées dans la motion. C'est pourquoi nous comprenons cette préoccupation, mais rejetons la motion, comme il est d'usage dans de tels cas, car nous prenons en compte cette inquiétude dans le cadre du processus mis en place au sein de la coopération transfrontalière bilatérale existante. Nous partons du principe que la demande de renouvellement de la concession d'exploitation sera déposée vers 2026/27 et que celle-ci portera sur une durée de 30 ans à compter de 2033. A ce jour, nous n'avons pas encore été contactés officiellement par la France.»

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