A Plan-les-Ouates, des groupes de jeunes exaspèrent la population

Rédigé par
Tadeusz Roth
Canton & Communes

Plan-les-Ouates connaît un regain de la petite délinquance. Rodéos, dégradation du mobilier public et rixes entre bandes rivales se multiplient. La faute à l’urbanisation galopante de la commune? 

«Tirs de feux d’artifice dirigés vers les habitations, dégradations du mobilier urbain et de propriétés privées, vols dans les jardins, comportements menaçants, souillures en tous genres, incendies de véhicules, rodéos sauvages, trafic de drogue ou encore affrontements entre bandes de jeunes, parfois armés de taser.» A Plan-les-Ouates, les agissements de groupes de jeunes exaspèrent habitants, commerçants et politiques.
Parmi eux Jean-Christophe Delfim, président de la section UDC de Plan-les-Ouates, qui s’inquiète de voir sa commune changer de visage. «Cela fait 40 ans que je vis entre Plan-les-Ouates et Lancy. Tous les jours, je constate une évolution négative. Certains jeunes veulent vraiment faire la loi ici: ils tirent des feux d’artifice sur les immeubles, détruisent le mobilier urbain et intimident ceux qui leur font des remarques. Il y a quelque temps, ils ont même tenté de mettre le feu à un cabinet médical!», s’horrifie le candidat au Conseil administratif. Parmi les lieux les plus touchés: le quartier du Vélodrome, l’avenue du Mail 2000, la place des Aviateurs, les Sciers, les écoles primaires de la commune, le secteur de la Mère Voie ou encore les abords du cycle des Voirets.
Sur place, une partie des habitants partage cet avis. C’est le cas de Marie-Thérèse, retraitée, qui ne peut plus ouvrir ses fenêtres la nuit lorsqu’il fait trop chaud. «Ça hurle jusqu’à l’aube. Si je demande de faire moins de bruit, ils m’insultent. J’ai donc renoncé à le faire, pour éviter les ennuis. Mais ça donne un sentiment d’impuissance.» De leur côté, plusieurs commerçants concèdent que la situation a empiré. Régulièrement, leurs discussions avec les clients tournent autour du sujet. «Cela inquiète nos aînés, qui n’ont pas besoin de ce stress», estime une commerçante. 
Près du Vélodrome, un homme avec son chien, abonde en ce sens: «J’évite certains lieux quand je me promène, surtout le soir, pour ne pas qu’on vienne m’embêter. Cela s’est produit, il n’y a pas longtemps, juste parce que j’avais regardé avec trop d’insistance un petit groupe qui dérangeait tout le monde. Mais que font les parents?» 
D’autres habitants croisés pour ce reportage ne voient – eux – aucun problème. «Il faut bien que jeunesse se passe», estiment par exemple deux enseignants à la retraite, en reconnaissant tout de même vivre dans un secteur plus calme, un peu en retrait. «C’est vrai qu’on n’aimerait pas vivre aux Sciers», finissent-ils par lâcher. 
Deux visages
Y aurait-il donc deux Plan-les-Ouates? C’est effectivement l’avis de Jean-Christophe Delfim, qui rappelle que la commune connaît une très forte croissance. «J’observe que les nouveaux arrivants se sont moins intégrés au reste de la commune, alors que Plan-les-Ouates avait encore récemment un côté villageois, où tout le monde se connaissait. Finalement, on a le sentiment de voir pousser des quartiers excentrés, sans créer du lien avec les habitants déjà sur place. Résultat? Les jeunes aujourd’hui ne partagent plus de socle commun», déplore l’UDC. 
Parmi les mesures demandées par tous, un renforcement de la présence policière. «Par rapport à d’autres communes, nous n’avons pas assez d’effectifs de police municipale. Et puis, il faudrait étendre les horaires, afin que les agents municipaux puissent travailler plus tard en soirée. Actuellement, on confie cette tâche à une entreprise de sécurité, mais les agents privés ne peuvent pas intervenir directement», déplore encore Jean-Christophe Delfim. Qui appelle également à mieux former et équiper les agents municipaux, par exemple avec des tasers de nouvelle génération.  
«Bon vivre»
Du côté des autorités locales, la Mairie se veut rassurante. «De manière générale Plan-les-Ouates demeure clairement une commune où il fait bon vivre. Cela est confirmé par les chiffres cantonaux liés à la délinquance, le Diagnostic local de sécurité, les observations de notre police municipale et celles de la police cantonale. Depuis toujours, les nuisances se déroulent par pics, de façon cyclique», répond la conseillère administrative chargée de la Sécurité, Fabienne Montbaron. Qui reconnaît toutefois que les guerres de quartiers existent: «Nous relevons par contre que les épisodes de rivalité dite «territoriale», survenant depuis quelques années entre les «1228» (code postal de Plan-les-Ouates) et les «1212» (Grand-Lancy), se manifestent chez des individus de plus en plus jeunes. La collaboration et l’échange d’informations entre les différentes entités concernées par cette jeunesse sur notre territoire permettent généralement de prévenir ou de régler rapidement tout cas pouvant se présenter.»
Nuisances
Loin d’idéaliser la situation, la Mairie reconnaît des situations problématiques. L’année dernière à la même période, des rencontres se seraient effectivement déroulées «de façon un peu plus soutenue et régulière que d’habitude», près du Mail 2000. La Municipalité fait aussi état de nuisances sonores dues à des feux d’artifice, des rodéos de deux-roues ou des rassemblements nocturnes rapportés par certains habitants du quartier du Vélodrome. Pour tenter de trouver des solutions, une séance publique a été organisée en juin de l’année dernière, en présence des autorités, des acteurs sociaux ainsi que des polices cantonale et municipale. L’occasion de rappeler les activités organisées pour les jeunes ainsi que les dispositifs sociaux et sécuritaires existants, mais aussi de répondre aux questions des habitants. «A la suite de cette séance publique, la police municipale a intensifié ses passages et une patrouille de sécurité privée a été engagée sur ce quartier pour les mois d’été. La police cantonale a également accru ses rondes, sans formuler d’alertes importantes. Les habitants ont, pour leur part, été priés d’informer systématiquement les autorités de toute nuisance afin que la gêne ressentie puisse être plus précisément quantifiée, qualifiée et que les heures de survenance soient recensées pour permettre la mise en place d’actions plus répréhensives aux bons moments», détaille la magistrate.  
Du côté de la police municipale, on évoque peu de doléances, «malgré quelques regroupements sporadiques de jeunes gens qui génèrent par moments des nuisances», notamment à l’approche des beaux jours. «Reste ouverte la question des riverains qui constatent ou subissent des désagréments et ne les signalent pas. Soit car ils ne veulent pas déranger, soit parce qu’ils estiment que cela ne sert à rien si la police cantonale arrive trop longtemps après. Les échanges de renseignements entre les polices (cantonale et municipale), mais aussi avec le Département de l’instruction publique (DIP) étant régis par des directives cantonales très strictes, il arrive que des cas ne soient pas connus des autorités, ni même de la police municipale, ce qui est regretté et regrettable pour cette dernière.» 
Sentiment d’appartenance
Pour améliorer les choses, la commune exclut une approche exclusivement répressive, qui pourrait déplacer le problème sur d’autres territoires sans le régler. En plus du volet préventif et des réunions organisées avec la population, elle étudie la possibilité d’offrir un lieu de rencontre supplémentaire pour la jeunesse, comme cela lui a été demandé au Conseil administratif. Enfin, la Municipalité se dit défavorable à l’installation de caméras, hormis aux abords des déchetteries. «Certains espaces publics intérieurs ont été équipés de caméras depuis une dizaine d’années, plus pour le confort des usagers que pour des notions de sécurité. Leur présence a un effet tant dissuasif que répressif, et les nuisances ont très largement diminué à ces endroits, le problème ayant peut-être été déplacé (mais vraisemblablement pas sur notre territoire). Nous sommes attachés à promouvoir une belle qualité de vie au travers des offres culturelles, sociales, sportives et associatives afin que nos habitants développent un sentiment d’appartenance et de respect.»

«Violence juvénile inquiétante» 

Du côté de la police cantonale, qui tenait justement ce lundi 24 mars une conférence de presse en lien avec la criminalité, on observe une évolution dans la typologie des auteurs et des victimes. «La violence juvénile continue à être une problématique inquiétante (…) Il est à relever que la part des mineurs auteurs d’infractions et de violence tend à croître», indiquent les données cantonales. Parmi les infractions en hausse: la participation à une rixe (+62%) ou encore la participation à une agression (+48%). La police annonce avoir pris des mesures, notamment en augmentant sa présence dite dissuasive au sein de certaines zones jugées sensibles pour tenter de limiter les confrontations entre bandes rivales annoncées, ou encore en centralisant le renseignement avec les différents partenaires, notamment sociaux.  Pour Plan-les-Ouates, la police indique que les quartiers problématiques font l’objet d’une attention particulière, avec une présence régulière sur place, notamment par le biais des points de contact, des dispositifs permettant d’assurer une «veille active» et un dialogue direct avec les habitants. Pourtant, il n’y aurait pas de quoi s’inquiéter. «De manière générale, nous ne considérons pas que l’insécurité publique se soit dégradée dans le secteur mentionné. Les phénomènes signalés relèvent essentiellement d’incivilités isolées, commises de manière épisodique par des jeunes qui résident dans ces quartiers. La police demeure toutefois vigilante et continue de déployer les moyens nécessaires pour garantir la tranquillité publique», précise Tiffany Cudré-Mauroux, porte-parole.

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