Marc Voltenauer : "En tant qu'auteur, je me sens responsable de donner une voix à celles qui restent dans l’ombre"

Rédigé par
Thomas Lécuyer
Culture & Loisirs

LITTÉRATURE• Marc Voltenauer sort son dernier roman «Fatal Abîme» construit autour de la problématique de la violence conjugale.

Lausanne Cités: On s’arrête d’abord au Phare, le Centre d’hébergement d’urgence pour les personnes victimes de violences dans le couple ou la famille où beaucoup de personnages et de points de l’intrigue vont converger. Cela vous tenait à cœur de représenter ce grave problème de société?
Marc Voltenauer: Le point de départ de cette intrigue m’a été inspiré par la lecture de nombreux faits divers tragiques liés aux violences domestiques et aux violences faites aux femmes. Les chiffres sont alarmants: en Suisse, près d’une femme sur cinq subit des violences de la part d’un proche, et les féminicides restent tragiquement fréquents. En 2023, la police a recensé 19 918 infractions pour violences domestiques, alors que seulement cinq pour cent des victimes osent porter plainte. En tant qu’auteur, je me sens responsable de donner une voix à celles qui restent dans l’ombre, piégées par la peur ou la honte. Ces réalités m’ont poussé à interroger l’impact de ces actes et la réponse de la société, parfois indifférente. J’espère à travers cette intrigue non seulement captiver, mais aussi sensibiliser les lecteurs à une problématique qui nous concerne tous.

Comment avez-vous approché l’écriture des scènes et des personnages liés au Phare? Quel a été le travail de préparation?
J’ai mené de nombreuses recherches en lisant des articles, écoutant des podcasts et témoignages, et en étudiant plusieurs affaires criminelles réelles. Un centre d’accueil à Malley, qui a inspiré Le Phare dans mon intrigue, m’a particulièrement marqué. Après avoir rencontré son directeur, j’ai découvert la réalité de cet endroit qui accueille des victimes de violences conjugales. La Fondation MalleyPrairie, en offrant un refuge et un accompagnement global, aide les victimes, mais aussi leurs enfants, à se reconstruire et propose aussi du soutien aux auteurs de violences. Ces éléments ont nourri la création de mes personnages et de l’intrigue.

La cathédrale de Lausanne est aussi mentionnée plusieurs fois, et notamment un «café en face». Alors lequel ça pourrait être? Je parie pour l’Evêché…
Les deux protagonistes sont en effet à l’Evêché bien que je ne le mentionne pas explicitement. Un autre établissement historique est également le cadre de plusieurs chapitres où Mikaël, le compagnon d’Andreas, interviewe une avocate lausannoise. Il s’agit du Café Romand.

Et surtout, cette cathédrale, vous nous la faites visiter de fond en comble dans une scène clé assez spectaculaire… 
La cathédrale de Lausanne, majestueuse et emblématique, était le cadre parfait pour la scène finale du livre, surtout en plein hiver, sous un épais manteau de neige. L’atmosphère glaciale et silencieuse, accentuée par la neige qui étouffe les bruits de la ville, renforce le suspense et l’intensité dramatique de ce moment clé. Dans cette scène, je voulais non seulement exploiter la verticalité et les espaces cachés de la cathédrale, mais aussi en faire un personnage à part entière. Chaque recoin contribue à intensifier le suspense.

Il y a aussi évidemment le majestueux Tribunal d’Arrondissement, lieu où se tiendra un procès hautement sensible et médiatisé… Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet sans rien divulgâcher?
Un autre endroit emblématique de la ville. Mikaël a été engagé par le  24 heures en tant que chroniqueur judiciaire et il se rend au tribunal pour suivre le procès hautement médiatisé du commandant de l’armée suisse, accusé de viol aggravé. Le procès se verra reporté en raison de la récusation de l’ensemble du Ministère public vaudois… Affaire à suivre…

Lausanne, c’est un bon décor de polar?
Absolument, Lausanne est un décor idéal pour un polar. Mes intrigues précédentes se déroulaient principalement dans le Chablais, à Gryon et Bex, mais cette fois, un cadre urbain était nécessaire. Lausanne, avec son mélange de vieille ville médiévale et d’architecture moderne, ses ruelles étroites et sombres, et son lac bordé de montagnes, crée une atmosphère parfaite pour le suspense. Les quartiers contrastés offrent une variété d’ambiances, allant des lieux paisibles aux zones plus inquiétantes.

Votre héros Andreas Auer va aussi devoir une fière chandelle au CHUV!
Le CHUV joue à nouveau, après «L’Aigle de sang» où Andreas s’y rend au chevet de son compagnon, un rôle clé dans l’intrigue. Cet hôpital universitaire, avec ses couloirs labyrinthiques et son atmosphère unique, est le théâtre de plusieurs scènes cruciales où les personnages se croisent et se rencontrent au fil de l’enquête.

Quand vous écrivez comme ça sur des lieux familiers, existants, proches, vous vous référez à ce que vous en avez observé, connu, vous vous documentez, vous allez en immersion sur place pour écrire, ou bien vous laissez libre cours à votre imaginaire?
En général, j’écris sur des lieux que je connais ou que j’ai visités en lien avec mes intrigues, comme ce fut le cas pour l’Albanie dans «Cendres ardentes». Il me semblait indispensable d’aller sur place pour écrire sur une famille albanaise et l’Albanie. Lorsque je travaille sur des lieux réels et familiers, j’utilise un mélange d’observation, de documentation et d’imagination. Les visites sur place me permettent de saisir l’atmosphère unique des lieux, en observant les détails, les interactions et les ambiances spécifiques, ce qui rend les descriptions plus vivantes et authentiques. Cependant, je laisse parfois libre cours à mon imagination pour créer des scènes et des situations qui, bien qu’elles ne correspondent pas toujours à la réalité, servent au mieux l’intrigue.

Vos personnages se baladent dans la capitale vaudoise, on croise les inspectrices Karine Joubert et Kinga Nowak du côté de la place de la Palud ou du quartier Sous-Gare, notamment, là où l’inspectrice Joubert habitait. Et vous quel est votre quartier lausannois préféré, celui où vous aimez flâner?
Je ne suis pas vraiment un amateur de vie urbaine; je préfère la tranquillité de la campagne et de la montagne, ce qui explique pourquoi je vis à Gryon. Cependant, lorsque je suis à Lausanne, j’apprécie les promenades le long du lac à Ouchy ou dans la Vieille-Ville. Les lieux que je fréquente le plus en ville sont clairement les librairies…

La fin du roman annonce clairement une suite… et un retour de l’inspecteur Andreas Auer, non?
La dernière scène du livre, qui se passe au CHUV, ouvre effectivement sur une suite, avec un retour de l’inspecteur Auer… mais je laisse les lecteurs découvrir qui vient le rencontrer dans sa chambre d’hôpital… car c’est loin d’être anodin…

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