«On ne sort plus juste pour manger, mais pour vivre une histoire»

Rédigé par
Marie Karatsouba
Culture & Loisirs

RESTAURATION • Des brunchs familiaux aux bars cachés, des bistrots revisitant les cuisines du monde aux restaurants immersifs, la nouvelle génération d’entrepreneurs genevois débordent d’imagination pour créer des lieux à vivre et pas seulement à manger. Laurent Terlinchamp président de la Société des cafetiers, restaurateurs et hôteliers de Genève, dresse le portrait d’un secteur en pleine effervescence.

GHI: Genève n’a jamais semblé aussi bouillonnante sur le plan culinaire. Comment l’expliquez-vous? 
Laurent Terlinchamp: Nous assistons aujourd’hui à un foisonnement d’initiatives. La ville offre tout ce qu’on trouve à Bruxelles ou à Londres. Grâce au numérique, chacun peut découvrir en quelques clics un concept, un lieu ou une carte. Cela crée une émulation formidable. Les restaurateurs rivalisent d’imagination pour se démarquer, et le public en redemande. D’ailleurs, nous comptons presque autant d’établissements qu’à Bruxelles, pour trois fois moins d’habitants.

Cette créativité concerne-t-elle surtout les grandes tables? 
Non, c’est justement l’un des points les plus enthousiasmants. L’innovation vient de partout. Des brunchs familiaux aux bars cachés, des bistrots revisitant les cuisines du monde aux restaurants immersifs, tout le monde s’y met. Même les établissements de quartier proposent des formules inventives, un décor original, une touche personnelle. L’esprit novateur ne se limite plus au haut de gamme.

D’où vient cette nouvelle énergie? 
D’une génération d’entrepreneurs décomplexés. Beaucoup de jeunes trentenaires ouvrent leur propre lieu sans avoir suivi la filière traditionnelle. Ils ont voyagé, observé, testé. Ils rapportent des idées glanées à l’étranger et les adaptent ici. Ils ne s’interdisent rien. Ces nouveaux visages font bouger les lignes, inventent des lieux à vivre, pas seulement à manger.

Et le public suit? 
Plus que jamais. Les Genevois ne sortent plus pour se nourrir, mais pour vivre une expérience. Ils veulent du sens, du plaisir, du décor, de la mise en scène. Le contenu de l’assiette compte autant que l’ambiance. Ce besoin d’évasion est universel. Avant, il suffisait d’un restaurant asiatique ou oriental pour voyager. Aujourd’hui, de nombreux établissement cherchent à recréer cette sensation de dépaysement.

Le Covid a-t-il accéléré ce virage? 
Oui, le confinement a changé notre rapport au temps et au plaisir. En ressortant, les gens voulaient revivre, se faire du bien. Et les restaurateurs ont compris qu’ils devaient s’adapter. Le digital, les réservations en ligne, la communication sur les réseaux… tout cela s’est imposé. Le public est devenu plus spontané, plus exigeant, et il faut lui donner envie, tout de suite. C’est une question de survie, mais aussi d’opportunité et ceux qui ont su rebondir s’en sortent très bien.

Les réseaux sociaux jouent un rôle clé dans cette transformation? 
Evidemment. Aujourd’hui, un restaurant doit être «instagrammable». Une photo suffit à créer un engouement. L’image circule, les gens veulent essayer, partager. C’est un bouche-à-oreille instantané. Mais au-delà de l’effet de mode, il faut garder une vraie cohérence. Et les établissements genevois y parviennent très bien, en surfant sur la modernité tout en gardant un côté authentique.

Les restaurateurs genevois ont donc encore de beaux jours devant eux? 
Oui, parce qu’ils sont connectés à leur époque. Le secteur a toujours suivi les tendances entre fast-food, burger gourmet, sushi, brunch, street food chic… Les modes passent, mais l’envie de bien manger reste. 
 

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