CIRCULATION • A Genève, les agents de circulation se multiplient aux carrefours, où ils remplacent le plus souvent des feux. Reconnaissables à leur gilet jaune, ils tentent d’organiser le trafic, au milieu des vrombissements de moteurs et des automobilistes impatients. Pour comprendre ce métier particulièrement exposé, GHI a rencontré un homme qui exerce cette fonction depuis plusieurs années. Interview.
Vous avez tenu à vous exprimer dans la presse, notamment après notre récent article qui mettait en lumière différents problèmes. Quel message voulez-vous faire passer?
Thierry Gumy: J’aimerais avant tout appeler les différents usagers de la route, que ce soit les automobilistes, les piétons ou les cyclistes, à être attentifs, à écouter nos consignes et à se mettre à notre place. Si on se trouve sur ce carrefour, c’est qu’on a été mandaté pour cela, ce n’est pas un choix personnel. Nos missions consistent à sécuriser ces intersections et à améliorer la fluidité, puisqu’un feu tricolore ne peut pas s’adapter en fonction des différents flux: on le fait donc pour améliorer la vie des Genevois, rien d’autre. Mais c’est un métier très difficile, nous sommes au milieu des pots d’échappement et du bruit, parfois sous la pluie ou sous un soleil de plomb. Notre objectif n’est pas de ralentir qui que ce soit ou de privilégier tel ou tel conducteur. Et puis, j’ai une famille et des enfants, qui sont inquiets de me voir aller travailler dans ces conditions. J’aimerais que les gens prennent conscience de cela.
Vous êtes souvent confronté à des comportements dangereux?
Malheureusement oui. La majorité, heureusement, écoute et respecte. Mais une minorité n’en fait qu’à sa tête, et c’est parfois dur à gérer. La plupart du temps, ce sont des personnes qui accélèrent pour passer alors qu’on leur demande de s’arrêter. Je veux leur rappeler qu’en cas d’accident, ce sont elles qui sont responsables. Mais dans les situations les plus graves, on nous menace, on nous insulte, on nous crache dessus, et même, on nous percute. En six ans, on m’a percuté volontairement deux fois , et on m’a menacé à de multiples reprises! Je regrette que de nombreux usagers ne nous prennent pas au sérieux et qu’ils n’arrivent parfois pas à attendre 10 secondes. Et puis, l’inattention des conducteurs est un vrai problème: je ne compte pas ceux qui téléphonent au volant ou les comportements inadéquats. J’ai même vu une femme qui allaitait son bébé en conduisant.
Lorsque des comportements vous mettent directement en danger, que faites-vous?
J’appelle la police et je porte plainte. Heureusement, les forces de l’ordre ont toujours été réactives dans ce genre de cas et elles interviennent rapidement sur les lieux. Souvent, il y a des caméras aux carrefours: elles sont précieuses pour démontrer qu’il y a eu un problème, et peuvent servir de preuves en cas de plainte. Encore récemment, j’ai sollicité les forces de l’ordre après avoir été menacé de mort par un automobiliste à qui je demandais de s’arrêter pour laisser passer des piétons.
Comprenez-vous que certains automobilistes soient énervés, parfois indépendamment de vous?
Absolument, je suis moi-même un conducteur et je me rends compte tous les jours de la difficulté de circuler à Genève. Il y a une surcharge de trafic à de nombreux endroits, ce qui crée des bouchons et du stress. Nous ne pouvons pas faire de miracles: les lieux systématiquement bloqués le sont aussi quand on nous appelle. Mais je regrette aussi qu’il y ait autant de travaux en même temps. Parfois, c’est un véritable parcours du combattant pour aller d’un point A à un point B. Je pense d’ailleurs que si ces travaux étaient mieux échelonnés, cela simplifierait la vie de tout le monde. J’ai grandi ici et j’ai vu la ville évoluer. J’aime beaucoup ce canton et j’espère que nos autorités vont réussir à calmer tout cela. Car il y a vraiment de quoi s’énerver quand on voit tous ces chantiers simultanés.
Comme évoqué dans notre précédent article, la formation est relativement courte, à peine un ou deux jours. Cela vous paraît suffisant?
Oui, la durée me semble bonne, on nous explique correctement les choses et nous sommes bien encadrés, notamment par la brigade routière. D’ailleurs, des contrôles sont également effectués pour s’assurer que l’on respecte les règles. Pour moi, s’il y a parfois des problèmes, c’est avant tout lié à l’humain et à l’expérience. Le plus important, c’est d’effectuer une gestuelle claire et de se placer au bon endroit. Régulièrement, je croise des collègues qui négligent cet aspect, ce qui est dommage. Autre aspect important: l’équipement doit être irréprochable. Nous devons porter des gants blancs, un bâton ainsi qu’un gilet jaune.
Vous qui êtes dans le métier depuis longtemps, comment ce travail est-il perçu par vos collègues?
C’est un métier difficile, à cause des mauvais comportements et de la météo. Aussi, la plupart ne restent pas longtemps et il y a donc un turnover important. D’autant que ce n’est pas un métier particulièrement bien payé. Heureusement, il y a aussi des côtés plus positifs, comme lorsque des conducteurs sympathiques ou des piétons nous remercient, souvent d’un petit geste de la main. C’est gratifiant de rendre service à la population. D’ailleurs, un de mes meilleurs souvenirs, c’est lorsqu’en pleine canicule, un conducteur arrêté devant moi m’a offert une bouteille d’eau fraîche