Anne Hiltpold: «Il est temps de restaurer 
l’autorité à l’école!»

Rédigé par
Adélita Genoud
Genève

La vie des chefs du Département de l’instruction publique (DIP) n’est pas un long fleuve tranquille. Singulièrement lorsqu’il s’agit de faire souffler un vent de réforme. Anne Hiltpold, aux commandes des Ecoles genevoises depuis un an, le sait. Ses pistes de changements comme ses projets de loi n’ont pas tous l’heur de plaire à l’ensemble des acteurs scolaires. A commencer par la réduction du temps de formation des enseignants du primaire adoptée par le Grand Conseil et qui amènera les Genevois aux urnes le 22 septembre. La patronne du DIP veut enfin faire passer le message: l’autorité au sein de l’institution scolaire doit être restaurée. Rencontre.

GHI: La lutte contre la violence à l’école figurait en bonne place dans votre feuille de route. Quelles mesures avez-vous mises en place? 
Anne Hiltpold: La violence n’a évidemment pas sa place au sein des écoles genevoises. Il faut restaurer l’autorité dans le périmètre institutionnel. Si un enfant se rend coupable de faits de violence à l’endroit d’un de ses pairs ou de son enseignant alors il sera sanctionné. Cette rigueur vaut également pour les parents qui ne sont pas toujours respectueux à l’égard des maîtresses et des maîtres. Ces derniers doivent être assurés qu’ils seront soutenus par leur hiérarchie. Je souhaite faire passer ce message. Les enseignants ne doivent plus hésiter à faire remonter toutes les situations problématiques à leur hiérarchie qui les traiteront ou informeront la direction générale, voire moi-même. Les familles devront comprendre que certaines limites ne peuvent être dépassées.

Le Service de recherche en éducation (SRED) rapporte que 8 élèves sur 10 atteignent le seuil de réussite aux épreuves cantonales de français. Les performances en maths atteignent, elles, près de 90%. Même observation au niveau des 8P avec toutefois un taux de réussite en français un peu moins bon. Comment l’institution scolaire peut-elle redonner le goût à la lecture pour cette génération happée par l’image? 
Si le taux de réussite en français est tout à fait respectable, il y a des efforts à consentir s’agissant de l’apprentissage de la lecture. D’une manière générale, plus on commence tôt, plus les savoirs s’acquièrent aisément, raison pour laquelle des enseignants chargés du soutien en lecture sont présents dans les écoles pour les enfants des classes de 1p à 4p. Mais ce n’est pas tout, la lecture occupe une place prépondérante dans l’ensemble des programmes scolaires. De multiples initiatives ont été lancées dans les établissements, sous la forme de concours, de quart d’heure durant lequel la classe cesse toute activité pour lire (Silence, on lit), d’autres incitations sont mises en œuvre à travers des lectures de BD (prix BDZoom). La lecture est une des priorités de l’ensemble des chefs de département de l’instruction publique de Suisse occidentale. Mais, les parents ont aussi un rôle essentiel à jouer.

La lecture est une des priorités de l’ensemble des chefs de département de l’instruction publique de Suisse occidentale. Mais, les parents ont aussi un rôle essentiel à jouer.

La «surmédicalisation» des élèves n’a-t-elle pas conduit à une inflation de sections spécialisées? Et donc à votre volonté d’intégrer – sous condition – davantage d’enfants dans les filières traditionnelles? 
Depuis quelques années, plusieurs troubles comme la dyslexie, la dyscalculie, la dysgraphie, la dysorthographie ou certains s’inscrivant dans le spectre de l’autisme sont en effet mieux et plus précocement diagnostiqués. C’est une chance, car plus nous intervenons tôt, mieux nous pouvons aider ces enfants à progresser. Je suis favorable autant que possible à ce qu’ils soient scolarisés dans l’enseignement régulier, en bénéficiant de mesures de soutien. Mais pour que cela fonctionne, nous devons aider les enseignants. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place la co-intervention pour épauler le maître titulaire et faciliter l’entrée en scolarité des petits. Cette mesure se déploie depuis la dernière rentrée en 1P-2P. Il faut relever contre toute idée reçue que la présence d’enfants en difficulté d’apprentissage n’affecte pas les résultats des autres écoliers. L’intervention d’un second adulte en soutien bénéficie à l’ensemble de la classe. C’est cela qui est nouveau: proposer des mesures à visée collective, car si nous devons aider les élèves les plus vulnérables, nous devons aussi nous préoccuper des élèves qui vont bien et nous assurer qu’ils continuent à progresser.

L’horaire continu pourrait se généraliser en 2028? 
Sa mise en œuvre nécessite un important travail en amont donc je ne me suis pas fixée de date butoir. Les résultats du récent sondage lancé par le DIP auprès de parents et des élèves montrent qu’ils y sont favorables. Plusieurs communes se disent également intéressées. Il ne s’agit pas de réduire le temps d’apprentissage mais d’organiser ou d’augmenter le temps extra-scolaire, mais de répartir les cours différemment. Et ceci en maintenant l’offre parascolaire afin de permettre aux élèves de pratiquer des activités sportives ou artistiques durant des plages horaires aujourd’hui trop restreintes en fin de journée ou toutes concentrées le mercredi. L’idée est en outre de favoriser l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée des familles. Il est fondamental que les horaires de l’école s’adaptent à l’évolution de la société. Mais évidemment, cette nouvelle planification passe par une large consultation de nos partenaires et une organisation d’ampleur avec les associations sportives, les écoles de musique ou d’autres disciplines ainsi que le Groupement intercommunal pour l’animation parascolaire (GIAP).

Réforme du Cycle d’orientation: le principal reproche concernant le modèle actuel est qu’il ne joue pas son rôle d’orientation. Où en est la réforme? 
Tout d’abord, il faut savoir que certaines mesures sont déjà effectives. Des séances dédiées à l’orientation scolaire et professionnelle sont organisées à l’intention des parents afin qu’ils puissent mieux appréhender l’ensemble des filières et des apprentissages existants. Et pour les familles qui auraient une indisponibilité, cette présentation sera mise en ligne. Les stages en entreprises vont devenir obligatoires. Nous allons aussi accélérer le rythme de nos publications comme Le génie des métiers, un magazine destiné à faire découvrir aux parents la palette des métiers à travers l’offre de formation professionnelle. Nous voulons enfin que des représentants de différents secteurs viennent parler de leur activité dans nos établissements. Quant à la réforme à proprement parler, de nombreuses discussions sont en cours avec toutes les parties prenantes.

La maturité devrait être elle aussi prochainement dépoussiérée. A quelle échéance? 
Cette révision relève d’une ordonnance fédérale. Elle n’aura pas d’incidence sur la durée d’étude au collège mais devrait permettre une simplification du système d’options. Le plan d’études cadre a été adopté au niveau fédéral et nous examinons les modalités de mise en vigueur sur le plan cantonal.

Le Département de l’instruction publique est aussi chargé de la surveillance des lieux d’accueil d’urgence pour les enfants de familles rencontrant des épreuves ou dysfonctionnelles. Le service responsable de cette supervision vous en rapporte-t-il directement? 
Oui, le DIP est chargé de la surveillance de ces lieux qui sont gérés par des fondations ou des associations. Les alertes me sont transmises, c’est d’ailleurs c’est d’ailleurs une exigence de ma part. Pour pouvoir agir, il faut que les informations nous parviennent. Mais il en va aussi de la responsabilité des directions de ces lieux d’accueil. 

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