Votations • Le 24 novembre prochain, le peuple genevois est appelé à se prononcer sur deux objets relatifs au droit du bail. Le premier texte soumis au vote propose de «clarifier» les règles en matière de sous-location, et ce afin d’empêcher d’éventuels abus. Le second objet, lui, poursuit l’objectif de «simplifier» les résiliations du bail pour les besoins du propriétaire.
Christophe Aumeunier , Chambre genevoise immobilière (CGI). «Des règles équitables et transparentes»
OUI •
Pourquoi recommandez-vous d’accepter ces deux objets relatifs au droit du bail?
Les deux projets de loi ne touchent qu’une petite partie des baux à loyer en vigueur. Ils contribuent toutefois à rendre les règles actuelles plus équitables et transparentes et remédient à certaines situations problématiques dont peuvent souffrir les bailleurs et les locataires, de même que l’ensemble des résidents d’un immeuble.
Les opposants estiment que ce changement représente un recul des droits des locataires. Votre avis?
Selon le résultat des urnes, lors de la conclusion d’une sous-location, un vague arrangement oral entre le bailleur et le locataire ne suffira plus. La révision exige une demande écrite du locataire ainsi qu’un accord écrit du bailleur. Par ailleurs, les conditions auxquelles le bailleur peut refuser son accord à la sous-location sont précisées et complétées. Le bailleur ne sera plus tenu d’accepter une sous-location si celle-ci est prévue pour une durée supérieure à deux ans. Les locataires ne pourront plus sous-louer abusivement leur appartement pour en tirer un profit indu. Ce qui retirait des logements du marché. Des règles plus précises seront donc bienvenues pour mettre fin à ces abus. Les droits légitimes des locataires ne sont pas touchés car ils pourront, comme aujourd’hui, sous-louer tout ou partie d’un logement ou d’un local commercial avec l’accord du bailleur. Les locataires qui partent par exemple en voyage pendant plusieurs mois ou à l’étranger pour des raisons professionnelles pourront continuer de sous-louer leur logement jusqu’à deux ans. Comme aujourd’hui, le bailleur ne pourra refuser de donner son accord à une sous-location que si celle-ci se fait à des conditions abusives.
Face à une pénurie de logements, ces nouvelles règles ne risquent-elles pas d’aggraver la situation?
Non, en évitant des sous-locations abusives, on maintient sur le marché des logements locatifs à disposition de familles genevoises. S’agissant du second objet qui veut mieux définir les conditions d’un congé pour besoins propres, c’est un cas singulier qui permet à un particulier (les sociétés, caisses de pensions, grands propriétaires en sont exclus) de résilier le bail pour, à terme, occuper lui-même les locaux. La révision n’autorise pas des résiliations de bail à n’importe quelles conditions. Cela se fait, souvent, sous contrôle judiciaire. Une vague intention d’occuper soi-même un logement acheté ne suffit pas. Au contraire, le nouveau propriétaire devra, comme aujourd’hui, démontrer que son besoin propre est justifié. Les tribunaux continueront d’examiner chaque situation. Le locataire pourra comme aujourd’hui contester la résiliation et, en cas de validation de celle-ci, demander une prolongation du contrat de bail. Il en résulte un juste équilibre entre les intérêts des locataires et ceux des bailleurs. Cette réforme est aussi utile aux PME qui se développent. Elles ont souvent besoin de locaux plus spacieux. Si elles en font l’acquisition, elles doivent pouvoir les utiliser dans des délais raisonnables.
Christian Dandrès, conseiller national socialiste: «Le locataire ne serait plus pleinement chez lui»
NON •
Pourquoi recommandez-vous de rejeter ces deux objets relatifs au droit du bail?
Les 2 lois faciliteraient les congés en supprimant de facto le droit de sous-louer et la protection contre les congés de représailles. Sous-louer tout ou partie d’un logement ou d’un local commercial est un droit soumis à conditions: obtenir le consentement du bailleur, ne pas faire de profit au détriment du sous-locataire, sous-louer pour une durée limitée (dans le cas d’une sous-location entière). Le bailleur ne peut pas refuser son consentement si ces conditions sont remplies, sauf inconvénient majeur. La loi changerait tout en prévoyant: 1) l’obligation d’obtenir le consentement du bailleur au préalable et par écrit. La violation de cette obligation purement formelle entraîne le congé. 2) Une extension à l’infini des motifs de refus du consentement. La seule condition serait le bon vouloir du bailleur.
Les partisans estiment que ce changement est nécessaire. Que leur répondez-vous?
Les bailleurs prétendent assurer la sécurité du droit, lutter contre Airbnb et protéger le sous-locataire. Concernant la sécurité du droit, c’est tout le contraire. Il ne serait plus possible de savoir, avant d’avoir eu la réponse du bailleur, si une sous-location est possible ou non. Quant à la protection contre les abus, les bailleurs pratiquent des loyers abusifs à large échelle, mais voudraient protéger le sous-locataire. Quel cynisme! Qu’arrive-t-il lorsqu’un un bail est résilié? Le logement est reloué, en principe jamais au sous-locataire, à un loyer hyper abusif. Concernant Airbnb, la loi interdit déjà de transformer un logement en appart-hôtel. Cette protection a été gagnée par l’Asloca contre les milieux immobiliers, parce que Airbnb concerne surtout des propriétaires. Enfin, ce que les bailleurs ne disent pas, c’est que leur loi vaut pour la sous-location partielle et les locaux commerciaux. Il est aujourd’hui possible de sous-louer une partie d’un logement sans limite de temps, par exemple dans le cadre d’une colocation ou à un proche comme un enfant majeur ayant terminé sa formation et payant un loyer pour sa chambre. Avec ces lois, cela ne serait plus possible si tel est le bon vouloir du bailleur. De même, le bailleur pourrait selon son bon désir refuser à une entreprise de sous-louer une partie du local à sa propre filiale.
Face à une pénurie de logements, ces nouvelles règles ne risquent-elles pas d’aggraver la situation?
Ces 2 lois ne visent pas à protéger les locataires ou les sous-locataires, mais à faciliter les congés. Elles menacent des milliers de locataires. Les bailleurs pourraient contrôler chaque grand moment de la vie de son locataire, professionnelle, affective, des affaires. Le locataire ne serait plus pleinement chez lui, mais devrait toujours compter avec l’intervention du bailleur. Voulons-nous donner ce pouvoir supplémentaire aux bailleurs? N’en ont-ils pas déjà assez?