CRIMINALITÉ • Les malfrats élaborent des pièges de plus en plus sophistiqués pour dépouiller les aînés. Face à la recrudescence du nombre de victimes d’, la ministre du Département des institutions et du numérique (DIN), Carole-Anne Kast, lance l’offensive. Rencontre.
GHI: Selon les dernières statistiques policières, les escroqueries perpétrées par des faux policiers et ciblant les aînés ont augmenté en 2024 et la tendance se poursuit. Pouvez-vous rappeler les chiffres ?
Carole-Anne Kast: En 2024, 238 cas ont été enregistrés et 6 individus ont été interpellés. Mais le sentiment de honte et de culpabilité fait que bon nombre de personnes ne dénoncent pas ces escroqueries alors qu'elles en ont été la cible. Ce qui inquiète, c'est aussi la hausse importante, entre 2023 et 2024, du nombre de plus de 65 ans victimes de vol à l'astuce et d'escroquerie.
Quels sont les moyens utilisés par les malfrats pour s’emparer des biens de leurs victimes?
Ces escrocs, hommes ou femmes, se renseignent sur leurs victimes en amont pour être convaincants lorsqu’ils appellent ou se présentent à leur domicile en prétendant être de la police. Ils utilisent des techniques de manipulation bien rodées. Ils n’ignorent rien des noms des proches, des habitudes,… et connaissent des détails personnels qui poussent leurs proies à agir dans l’urgence et à remettre leurs cartes bancaires, codes d'accès, argent liquide ou objets de valeur. Les arnaqueurs se prétendent assistants sociaux, banquiers, assureurs, policiers, plombiers ou encore électriciens. Tous les prétextes sont bons pour se rendre crédible et pousser la victime à croire à un scénario plausible et parvenir ainsi à leurs fins. Or, et c'est LE message à retenir: la police ne contacte JAMAIS (par téléphone, mail ou en toquant à la porte) des citoyennes ou citoyens pour demander leur carte bancaire, code secret ou la remise de valeurs, que ce soit pour les placer en sécurité ou pour les besoins d'une enquête.
Les statistiques parlent d’utilisation frauduleuse d'un ordinateur, de quoi s’agit-il?
L'utilisation frauduleuse d’un ordinateur est le fait d’utiliser une carte de débit/crédit dans un distributeur de billets, à une caisse d’un magasin ou en ligne, après l’avoir dérobée/obtenue auprès de la victime ou avoir subtilisé les données de la carte. Cette infraction est souvent associée aux précédentes.
Police, services sociaux et autorités communales multiplient les messages de prévention. La persistance de ce phénomène s’explique-t-elle pour partie par le machiavélisme des auteurs?
Oui. Les nouvelles technologies ou les réseaux sociaux permettent de se renseigner, de faire des enquêtes d'entourage et ainsi d'abuser leurs victimes avec des scénarios très élaborés. D’où l'importance de sensibiliser les seniors à ces risques et de leur rappeler les bons réflexes à avoir pour se protéger. Il faut éviter de partager sur les réseaux sociaux des informations sur nos proches, nos dates de vacances ou notre mode de vie.
Avez-vous des exemples de modes opératoires particulièrement pervers?
Oui, par exemple deux personnes très gentilles viennent sonner à la porte en se faisant passer pour des assistantes sociales mandatées par la commune. Elles affirment qu’elles sont là pour savoir si l’aîné a besoin de soutien. Elles en profitent pour poser des questions sur sa situation financière et elles s'en vont. Peu de temps après, deux faux policiers qui disent enquêter sur ces «fausses» assistantes sociales leur succèdent. Ils prient leur hôte, à des fins de sécurité, de leur confier leurs cartes et codes ou alors de leur montrer où sont les bijoux.
Autre exemple: un prétendu policier contacte téléphoniquement une dame âgée et tente de la convaincre de lui révéler ses données bancaires. La victime se doute qu'il s'agit d'une escroquerie et ne donne pas suite. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Une arnaqueuse, apparaissant dans une fausse tenue d’agente de police, prend la suite des opérations en main. Elle vient alors féliciter la personne visée de ne pas être tombée dans le piège car, dit-elle, elle a bien lu les recommandations de la police. Dès lors, elle peut avoir confiance, qu'il s'agit ici réellement d'une enquête de police. La fausse policière lui demande de l'accompagner jusqu'au bancomat munie de ses cartes. Cette démarche de soi-disant vérification a pour but de la rassurer sur l’état de ses comptes.
Comment votre Département peut-il tenter d’endiguer ce fléau?
Il fallait faire une prévention ciblée pour les seniors car souvent ceux-ci ne sont pas actifs sur Internet et les réseaux sociaux et peuvent ignorer les bons comportements à adopter.
Dès lors, nous avons choisi d'écrire aux 92’000 personnes de plus de 65 ans résidant à Genève afin de les sensibiliser à ces risques et en leur donnant des conseils de prudence. Au dos de cette lettre, un flyer rappelant les bonnes pratiques est imprimé et pourra ainsi être conservé.
Une campagne sur les réseaux sociaux va se déployer sur une période de plusieurs mois. Il s’agit de sensibiliser l'entourage des seniors afin que celui-ci puisse rappeler les principes de précaution. La police cantonale distribuera également des flyers directement et fera de la prévention régulièrement à diverses occasions.
Quels conseils pouvez-vous dispenser à la population?
Si une personne est contactée par téléphone, elle ne doit jamais transmettre d'informations bancaires. En cas d'insistance, le mieux est de raccrocher. Si après un tel appel un policier se présente, vérifier sa légitimité en appelant la police. Les personnes qui ont un doute pourront toujours et en tout temps s'adresser au 117. Dans tous les cas, il ne faut jamais remettre ni éléments bancaires ni valeurs à des inconnus même s’ils affirment qu’ils sont policiers, banquiers, plombiers ou assureurs. Si des informations bancaires ou des valeurs ont été remises à un tiers, il est impératif de contacter le 117 et de bloquer ses cartes auprès de la banque. Les victimes ne doivent pas avoir honte, les malfaiteurs sont capables de gruger n'importe qui!
