Circulation: dans 
la jungle des infractions à Genève

Rédigé par
Tadeusz Roth
Genève

Inattention, désinvolture, usage du téléphone, sentiment d’impunité: les entorses aux règles de circulation sont légion et les situations à risques se multiplient aux quatre coins du canton Tour de piste dans le trafic genevois avec un expert du TCS. 

Plusieurs dizaines d’infractions constatées en à peine une heure. Lorsqu’on prend la route à Genève, il ne faut pas chercher bien loin avant d’observer des comportements délictueux. Automobilistes, cyclistes, trottinettistes, scootéristes et même piétons: aucune catégorie ne reste dans les clous. C’est ce que nous avons pu constater avec Jean-Pierre Knoblauch, responsable sécurité et prévention de la section genevoise du Touring club suisse (TCS). Reportage motorisé et commenté avec un observateur expérimenté du trafic.
Dès le premier coup de volant, sur la route de Meyrin, une trottinette électrique lancée à toute allure slalome sur les voies centrales du tram, pourtant formellement interdites. «Cela peut gêner les trams mais aussi être dangereux pour l’utilisateur lui-même, puisque ce lieu n’est pas prévu pour lui. Les trottinettes électriques, c’est sur les voies cyclables ou sur le bord de la route», rappelle l’expert. Quelques mètres plus loin, c’est un scooter qui remonte la file de voitures par la droite, en empiétant sur la piste cyclable. Problème: le deux-roues veut aller tout droit, alors que les véhicules devant lui tournent à droite. L’un d’eux devra piler les freins pour laisser passer le jeune scootériste inconscient, afin de ne pas le renverser. «L’automobiliste a besoin de temps pour réagir. Ce type de comportement, à savoir un scooter qui roule à toute vitesse dans l’angle mort des automobilistes et qui coupe la route, c’est dangereux mais aussi stressant pour les autres usagers de la route», commente Jean-Pierre Knoblauch.
Prévention et répression
A l’approche de la Servette, c’est un cycliste qui s’engage sur un trottoir au mépris des passants. Puis qui grille un feu rouge. Pendant tout le trajet, c’est d’ailleurs l’infraction la plus constatée: en une heure, c’est près de la moitié des petites reines croisées qui n’ont pas respecté les signaux lumineux. «Comme ils n’ont pas de plaques d’immatriculation, beaucoup pensent qu’ils sont au-dessus des lois. Pourtant, ils paient un lourd tribut en termes d’accidents. Il est impératif de renforcer l’information, la prévention et la répression si l’on veut améliorer la situation», estime notre spécialiste. Nous voilà maintenant sur la rue de Lausanne où, là aussi, plusieurs scooters empruntent sans vergogne la piste cyclable, pour se retrouver devant nous au feu rouge. «Ils prennent des risques et en font courir aux cyclistes pour gagner quelques secondes de trajet. Mais à quel prix?», interroge le spécialiste. Sur ce même axe, un cycliste traverse en sens inverse un carrefour alors que la signalétique est au rouge et s’engage dans une rue à sens interdit. Combo gagnant! Mais qui ne doit pas jeter l’opprobre sur l’ensemble des cyclistes respectueux du code de la route.
Aménagements
Nous effectuons ensuite un petit crochet par le quartier des Pâquis, pour constater que les aménagements routiers peuvent également être une source de danger. «Ici, certains carrefours ont une particularité: en plus d’avoir une priorité à droite avec une route à sens unique, des bandes cyclables permettent de circuler en contresens et les cyclistes ont le droit d’arriver depuis la gauche. L’automobiliste doit donc surveiller les deux côtés alors que logiquement le trafic principal vient depuis la droite, ce qui peut être piégeux. Heureusement, on ne roule pas vite ici.» Une fois passée la gare Cornavin, nous prenons le pont de la Coulouvrenière. Arrivé au feu rouge, un cycliste lancé à toute vitesse a mal calculé ses distances et doit effectuer un freinage d’urgence sur le passage piéton pour ne pas percuter d’autres cyclistes pour qui le feu est vert. Puis il redémarre, bien avant que la signalisation ne passe au vert pour lui.
Manœuvres d’évitement
Quelques mètres plus loin, sur l’avenue du Mail, deux véhicules de livraison sont garés sur la voie de bus. «Pourtant une place livraison à une vingtaine de mètres est disponible», observe Jean-Pierre Knoblauch. Qui poursuit: «Cela oblige à des manœuvres d’évitement: le bus doit se déporter sur les voies de circulation et risque de gêner à son tour les autres usagers qui les empruntent. On sous-estime souvent les conséquences d’un petit écart.» 
Mais aux abords de Plainpalais, ce sont surtout les piétons qui se distinguent, en prenant parfois tous les risques. A l’image de ce couple qui n’hésite pas à traverser une rue au milieu du trafic, en franchissant deux lignes blanches et en contraignant les véhicules à freiner. Un klaxon se fait même entendre. Quelques encablures plus loin, deux piétons s’engagent au rouge, alors que les véhicules démarrent. Une nouvelle scène de danger.
Sur la route du retour, une auto ne respecte pas le stop à la rue de Vermont. Elle s’arrête finalement au milieu du carrefour pour éviter un choc. Un peu plus loin, c’est une autre automobiliste l’oreille collée à son téléphone portable qui se fait remarquer, comme si de rien n’était. «La majorité des accidents de la route sont dus au manque d’attention. L’usage du téléphone ralentit énormément notre temps de réaction et nous empêche de nous concentrer sur le trafic comme il le faudrait. Pourtant, on voit ce genre de scène très souvent», regrette l’expert.
Pacifier les relations
Heureusement, au milieu de ce capharnaüm, on relève aussi des bons comportements. Des piétons qui attendent tranquillement au feu rouge, des cyclistes qui descendent de leur monture pour traverser la route, ou encore des scootéristes qui n’essaient pas de dépasser coûte que coûte le véhicule devant eux.
Et c’est précisément le message de Jean-Pierre Knoblauch, qui organise d’ailleurs aussi des cours de prévention avec le TCS pour tous les usagers de la route: «Notre objectif est de pacifier les relations. Il faut comprendre que la mobilité n’est pas un jeu et que les comportements agressifs ou non respectueux peuvent avoir des conséquences dramatiques, comme le montrent malheureusement les chiffres de la police (lire encadré).
Pour améliorer la sécurité, il est impératif de rappeler les bons gestes, d’informer et de prévenir», conclut le spécialiste. 

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