
TOURISME - Les années Covid, qui avaient mis le tourisme à genoux, ne sont plus qu’un lointain souvenir. Genève, redevenue une destination prisée par les visiteurs et les congressistes, a bel et bien relevé la tête. Après des chiffres records enregistrés en 2024, elle affiche un premier trimestre 2025 prometteur, les nuitées ont cette année encore pris l’ascenseur et affichent une hausse de 4,7%. Mais face à l’instabilité mondiale, qui pourrait impacter la Suisse, l’heure reste à la prudence. Comment la cité de Calvin tire-t-elle son épingle du jeu? Quels sont ses axes stratégiques? Quels pays courtise-t-elle? Rencontre avec Philippe Schwarm, président de la fondation Genève Tourisme et Congrès.
GHI: Le monde est parcouru de spasmes économiques et géopolitiques menaçant le secteur touristique. Comment Genève se positionne-t-elle?
Philippe Schwarm: En 2024, l’hôtellerie genevoise a enregistré des chiffres historiques: 3’787’800 nuitées, soit une hausse de 6,6% par rapport à 2023. Le premier trimestre 2023 reste sur la courbe ascendante avec 4,7% de nuitées de plus que l’année dernière. La montée en puissance de l’offre hôtelière répond de toute évidence à une demande à la hausse. Toutefois, la situation demeure tendue pour nos hôteliers car le taux d’occupation reste encore en dessous des niveaux pré-crise sanitaire. Il se situe à 65% en moyenne annuelle et 58% pour le premier trimestre 2025. Mais il faut préciser que la haute saison touristique se concentre sur les mois de juin, juillet et août.
En dehors du tourisme d’affaires, d’où viennent les visiteurs qui découvrent Genève?
Les Suisses représentent à eux seuls un quart de la fréquentation. Les voyageurs en provenance des Etats-Unis leur emboîtent le pas, suivis par les Français et les Anglais. Genève Tourisme explore activement de nouveaux marchés, comme l’Inde, et la Chine.
Vous courtisez aussi le Brésil?
Oui avec succès. Cette clientèle aisée fuit l’effervescence du Carnaval de Rio. Elle fait du shopping dans les boutiques, fréquente aussi les bonnes tables genevoises. Nos visiteurs brésiliens nous permettent de combler en partie le creux du mois de janvier.
Les touristes en provenance du Golfe ont-ils déserté la Rade?
En aucun cas. Notre cité figure toujours parmi leurs destinations de prédilection. Mais contrairement à ce que l’on pouvait observer auparavant, ils sont présents tout au long de l’année, pas seulement durant la belle saison.
L’offre culturelle et événementielle est-elle suffisante?
L’Office du tourisme n’a pas la main sur ce domaine. Mais, force est de constater que les festivals foisonnent. Sans compter que les nouvelles plages ont, ces dernières années, transformé Genève et les communes lacustres en véritable station balnéaire. Il serait donc injuste de dire que les loisirs ne se sont pas considérablement intensifiés. Et ceux qui circonscrivent l’attrait de Genève aux feux d’artifice ont une approche étriquée.
Comment l’Office du tourisme se prépare-t-il à l’accueil des visiteurs?
Depuis 2023, nous avons mis sur pied le programme Geneva Excellence Club qui dispense des formations à tous ceux qui sont en lien avec le tourisme. A ce jour, plus de 500 participants en ont bénéficié. Il s’agit du personnel d’accueil, de réception et de service, dans les hôtels, les lieux d’hébergement, les bars, les commerces, les organisations internationales, les restaurants. Sans oublier nos Points info à la gare Cornavin, la gare routière, Visitor Center de Genève Aéroport. Et depuis, 2024, les gardiens de parcs de la Ville de Genève, les contrôleurs et surveillants des Transport publics genevois profitent aussi de cette formation. Nous avons la volonté en 2025 et pour les années suivantes de l’élargir à d’autres acteurs.
Quelle est votre stratégie pour maintenir Genève dans la short liste des destinations?
Il y a une forme de tourisme qui nous paraît porteuse. Il s’agit des événements corporates, organisés par les entreprises internationales. Ces hôtes veulent combiner séances de travail et activités de cohésion d’équipe, puis découvrir la ville, ses lieux insolites, ses bonnes tables, goûter aussi à la cuisine du monde. Notre canton est particulièrement bien doté. Nous avons donc une carte à jouer. Par ailleurs 31 congrès associatifs ont été signés en 2024 pour les années à venir, un chiffre en augmentation de 24% par rapport à 2023. lls rassembleront quelque 27’000 participants. C’est réjouissant car on pensait que les habitudes prises durant le confinement, lié à la crise sanitaire, avaient complètement fait voler en éclats les rencontres en présentiel. La réalité dissipe très clairement cette crainte. J’ajoute que le succès résulte du renforcement des effectifs du Bureau des congrès et de l’engagement des équipes. Nous constatons que Genève conserve sa position acquise de longue date de destination de pointe pour des congrès dans le domaine médical. A cet égard, nous devons saluer le rôle joué par les professeurs de médecine des Hôpitaux universitaires de Genève et de l’Université qui, lorsque le dossier genevois est en concurrence avec d’autres villes, font pencher la balance de notre côté. Ces ambassadeurs nous sont précieux comme le soutien de notre ministre de l’économie, Delphine Bachmann. Nous visons d’autres secteurs tels que le droit, la finance et l’ingénierie.
Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes?
Oui, si l’on considère la manière dont notre canton est perçu à l’étranger, attractif, propre et sûr. Mais, il y a quelques freins. Tout d’abord, pour investir, il faut dégager des moyens financiers. Aujourd’hui, nous percevons la taxe de promotion payée par les acteurs économiques des zones touristiques et la taxe de séjour versée par les touristes. Cette dernière est fixée à 3,75 francs (par nuit) quelle que soit la catégorie d’établissement, à l’exception des campings (2,50 francs). Autant dire, qu’elle se situe plutôt dans la fourchette basse si l’on se réfère à d’autres cantons. Adapter ces sources de financement permettrait de développer encore davantage un accueil de pointe, un soutien aux congrès et événements ainsi que la visibilité de Genève. Ceci profiterait évidemment à notre économie.
Que faudrait-il pour que le canton brille encore?
Une plus grande flexibilité concernant l’ouverture des magasins le dimanche serait utile. On peine à comprendre la posture des syndicats alors que toutes les conditions sont réunies afin que les employés ne soient pas péjorés. Et puis, même si le droit de manifester doit pouvoir s’exercer, force est de constater que les défilés qui entravent encore davantage la mobilité en ville, sont dissuasifs. Enfin, un lieu dédié à des expositions de prestige constituerait un atout de plus pour la Genève touristique.