A Lancy, des locataires à bout, 
et une régie aux abonnés absents

Rédigé par
Tadeusz Roth
Canton & Communes

IMMOBILIER • A Lancy, plusieurs locataires dénoncent les conditions de vie à l’intérieur de leur appartement. L’Asloca les encourage à agir. 

«Aucune isolation sonore et thermique, des fissures récurrentes avec effondrement de plafond, des logements non répertoriés dans le cadastre, des chaleurs insupportables en été, aucun accès pour les ambulances et impossibilité pour les secouristes d’entrer dans le couloir, trop étroit pour un brancard. Et puis, une régie complètement absente.» Au 29 chemin de la Vendée, à Lancy, plusieurs locataires ont décidé d’exprimer leur détresse au grand jour. Des locataires qui ne vivent pas dans la tour, mais dans une structure en béton collée à l’édifice, ressemblant davantage à un parking qu’à des logements.
C’est notamment le cas de Caroline*. Ces dernières années, elle a été réveillée plusieurs fois par des chutes de pans entiers de ses murs et de ses plafonds, éventrés par des fissures. A chaque fois, les professionnels du bâtiment envoyés par la régie se seraient contentés d’un peu de peinture. «Résultat: ça revient et ça nous inquiète. Est-ce que ça risque de s’effondrer?», s’interroge la jeune femme. Qui déplore aussi une isolation sonore insuffisante, l’empêchant de dormir. «On entend mon voisin aux toilettes, les discussions, les jeux des enfants… je suis même allée dormir à l’hôtel plusieurs fois», témoigne Caroline. Un problème également rencontré par sa voisine Léa*, dont les nombreuses plaintes à la régie et directement auprès de ses voisins n’ont pas amélioré la situation. 
Grave crise
Problème, la régie Brolliet, qui administrait l’immeuble, traverse toujours une grave crise, qui a d’ailleurs conduit la section genevoise de l’USPI (Union suisse des professionnels de l’immobilier) à la suspendre pendant six mois. Conséquence: depuis des mois, les locataires lancéens désespérés doivent batailler, simplement pour savoir à qui s’adresser. 
Et pour cause. Lorsqu’on tente aujourd’hui de se rendre sur le site Internet de la régie genevoise, celui-ci nous renvoie sur une autre plateforme: «Vimova». Un changement que les locataires en colère disent avoir découvert d’eux-mêmes, sans aucune communication du bailleur. De quoi se perdre au milieu des noms d’entreprises: depuis la vente de la régie par Laure Brolliet en 2016 à l’entreprise Domicim, une filiale suisse du groupe français Foncia, l’entité a encore changé deux fois de noms, d’abord DBS puis aujourd’hui Emeria.  
Les locataires, eux, ont tout fait pour obtenir des réponses. Pour cela, ils contactent directement leur propriétaire, la Caisse de prévoyance de l’Etat de Genève (CPEG). «On nous a expliqué que la caisse est en conflit avec la régie et qu'elle va probablement rompre le contrat avec elle, mais en attendant ils ne peuvent rien faire pour nous. Par conséquent, je ne sais pas vers qui me tourner!», relate Caroline. 
Contactée, l’Asloca (association de défense des locataires), partage le constat des locataires. «Il est assez rare d’être confronté à de tels problèmes. De la part de la CPEG, ce n’est pas ce qu’on voit d’habitude», indique Christian Dandrès, juriste. Qui avance quelques pistes. D’après l’association, le premier point consiste à savoir si l’espace est habitable ou non. «Si un locataire loue un appartement, c’est pour y vivre. Il a donc le droit d’exiger que le propriétaire rende les lieux habitables, en effectuant les travaux nécessaires.» Sa solution? Saisir la commission de conciliation en matière de baux et loyers. «Le propriétaire est alors convoqué à une audience. Si Brolliet n’est pas capable de réagir, la CPEG mandatera un avocat ou enverra un chargé de pouvoir. Le locataire aura alors enfin quelqu’un à qui parler.» 
Plus largement, Christian Dandrès appelle à réguler le fonctionnement des régies. «Celles-ci traitent trop souvent les locataires comme quantité négligeable, lorsqu’elles ne les menacent pas. Vu le pouvoir dont elles disposent, ces abus doivent cesser. Il faut soumettre les régies à un contrôle, un peu comme les avocats. Celles qui violent leurs obligations vis-à-vis des locataires devraient être sanctionnées. En cas de manquements graves et répétés, la sanction devrait aller jusqu’à l’interdiction d’exercer.»
No comment...
Du côté de la CPEG, on refuse de commenter «l’état de ses relations d’affaires». «De manière générale, la régie est l’interlocuteur privilégié des locataires. En cas de dysfonctionnement ou de manque de réactivité avéré, il leur est recommandé de lui adresser un courrier recommandé, en mettant la CPEG en copie, afin que nous puissions intervenir auprès du mandataire», précise Julie Chappuis, chargée de communication. Sur le fond, la caisse de prévoyance se défend. D’après elle, les accès dédiés au service de secours répondent bien aux normes et l’isolation a d’ores et déjà été améliorée en 2016, avec la rénovation de la toiture et la pose de nouveaux verres isolants.
Et pour le bruit? «L’isolation phonique entre appartements est liée à la conception d’origine, il n’est pas possible d’en modifier la configuration», assure la CPEG. Concernant les fissures, la caisse se veut également rassurante: «Un bureau d’ingénieurs a confirmé le caractère purement esthétique des fissures sur les joints de façade – côté ouest notamment. Des travaux sont planifiés pour 2027.» 
Enfin, d’après le propriétaire, l’immeuble est dûment cadastré. «Depuis sa construction, aucun logement n’a été créé par la CPEG dans cet immeuble», conclut Julie Chappuis. 
A noter que la régie Brolliet, tout comme Vimova, n’ont pas répondu à nos questions.
*prénoms d’emprunt

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