ÉCONOMIE • Au cours des dix dernières années, le marché des fiduciaires romand a été marqué par de très nombreuses acquisitions. Ainsi, institution vaudoise vieille de 50 ans, le Groupe Michel Favre vient d’ouvrir une filiale en ville de Genève. Une expansion qui s’inscrit dans un contexte particulier dans le domaine financier et fiduciaire de l’arc lémanique. Explications.
L’univers des fiduciaires vous semble lointain? Il s’adresse pourtant à un nombre considérable de petites et moyennes entreprises. Ce sont en effet, ces experts qui prennent en charge leur fiscalité et leur comptabilité. Ils sont par ailleurs mandatés pour effectuer des audits et des évaluations et ils interviennent lors de transmission d’entreprises familiales. Mais ce n’est pas tout. Les fiduciaires comptent dans leur clientèle des particuliers qui s’adressent à elles pas seulement pour remplir leur déclaration d’impôts, les soulageant ainsi de cet épisode fastidieux, voire douloureux.
Créer des filiales
Au cours des dix dernières années, le marché des sociétés fiduciaires en Suisse romande a été marqué par de nombreuses acquisitions, généralement motivées par la consolidation du secteur et les perspectives de croissance pour les acteurs de taille moyenne. Certaines des opérations les plus notables ont vu des groupes suisses et internationaux acquérir plusieurs PME régionales. Par exemple, le groupe français In Extenso (déjà présent en Belgique et au Luxembourg) a absorbé le vaudois Fidexpert actif en Suisse romande, les genevois Berney Associés en ont fait de même avec la société vaudoise Ofisa SA, et BDO a acquis CRF SA à Nyon (VD). Il y a quelques jours, c’est le Groupe Michel Favre, fondé en 1975 en terres vaudoises, qui a décidé de se lancer sur le marché genevois.
Cette tendance générale dans ce secteur révèle-t-elle une crise vécue par l'univers fiduciaire romand? Ou est-ce une preuve d'un dynamisme réjouissant qui se traduit par des expansions? «De tout temps l’activité des fiduciaires suit les fluctuations économiques, qui sont plutôt bonnes sur le bassin lémanique», estime sereinement Gilbert Anthoine, porte-parole de la section genevoise de l’Union suisse des fiduciaires. «Il convient toutefois de souligner que les exigences en matière d’approbation pour les activités d’audit conduisent beaucoup de petites fiduciaires à y renoncer, précise-t-il. Cela pourrait aussi expliquer le regroupement dans certaines situations.»
Dans le cas récent du Groupe Michel Favre, sa stratégie a consisté non pas à racheter une fiduciaire locale existante, mais à créer sa propre filiale au bout du lac.
Pourquoi cette préférence? Membre associé de la direction à Lausanne, Cyril Schaer explique la situation ainsi: «L’expérience montre qu’il est très compliqué d’intégrer une fiduciaire déjà existante. Que ce soit les cultures d’entreprise à aligner, les portefeuilles de clients acquis, les différents collaborateurs, tout cela est difficile à conserver après une acquisition.» Il estime que l’intégration après une acquisition ne fonctionne pas toujours bien car la confiance entre les clients et leurs conseillers, à l’image des avocats par exemple, repose généralement sur une relation personnelle très forte, développée dans la durée. «Il est très difficile de la maintenir une fois l’acquisition effectuée, en remplaçant simplement le comptable ou l’expert fiduciaire en question par un nouveau collaborateur. C’est du moins notre opinion, et certains exemples récents dans la région tendent à le confirmer: l’alchimie n’a pas fonctionné.»
Culture d’entreprise
Et Cyril Schaer de poursuivre: «En développant de manière organique, c’est-à-dire avec l’engagement de personnel et l’extension de clientèle à l’interne à moyen terme, on évite ces écueils. La culture d’entreprise demeure la même et ceci est très important.» Une analyse partagée par la section genevoise de l’Union suisse des fiduciaires: «Les clients sont fidèles notamment si une relation de confiance durable se construit au fil du temps avec son interlocuteur au sein de la fiduciaire, déclare Gilbert Anthoine. Un changement de politique et de stratégie a également son importance. De manière générale, la clientèle n’aime pas le changement si elle était satisfaite jusque-là.»
Et fanfaronner publiquement lors de la fusion que les deux entités partagent exactement les mêmes valeurs ne suffit pas à masquer ensuite les problèmes qui surviennent. Pour faire simple, constituer sa filiale dans un autre canton ou une autre région coûte moins cher mais l’acquisition de clientèle et l’expansion sont plus lentes. Tandis qu’en rachetant une entité concurrente déjà existante, on acquiert ainsi déjà un réseau tout en tenant compte du risque d’une perte de clients et l’opération est plus coûteuse.