INVESTISSEMENTS • PrimeEnergy Cleantech (PEC), spécialisée dans les installations solaires a plongé des centaines d’investisseurs suisses dans une détresse sans précédent au moment où elle annonçait sa faillite en octobre dernier. Témoignages.
Environ 800 créanciers de PrimeEnergy Cleantech se battent pour récupérer une partie des fonds perdus. Marc*, touché de plein de fouet, se souvient du moment où il a appris qu’il faisait partie des lésés. «J’ai découvert cela un vendredi soir, en fouillant dans mes spams pour retrouver une commande de déguisements Halloween pour ma famille. Là, je tombe sur un courriel qui m’annonce un surendettement! Cette découverte marquait le début d’un véritable cauchemar puisque les pertes totales de PEC dépasseraient les 100 millions.» La première réaction de Marc* a été de contacter la société pour obtenir des explications. Sans réponse, il a envoyé un courrier recommandé exigeant le remboursement de son capital, prêt à renoncer aux intérêts. En vain.
Des vies brisées
C’est par les médias que Marc a entendu parler de la task force, ce groupe informel constitué pour aider les investisseurs lésés. «Le 30 octobre, nous étions plus de 300 réunis dans les sous-sols d’un restaurant à Genève. On a aussi monté des groupes WhatsApp et Facebook pour échanger. L’ambiance y est pesante.» Pour beaucoup, les conséquences sont dramatiques. Certains ont investi toutes leurs économies et ont convaincu leur famille et leurs amis de faire de même. Ils se sentent maintenant coupables. Marc a eu plus de chance: «Je n’ai perdu que 20’000 francs». Pour rappel, la société PEC s’était positionnée comme un acteur majeur de la transition énergétique, mais sa réalité financière était bien différente. Avec 50 millions de pertes au premier semestre 2024, la société a prêté 19,5 millions de francs à son actionnaire majoritaire, Laurin Fäh. Selon lui, «les pertes de l’entreprise sont avant tout comptables et ne reflètent pas une carence en liquidités. Les actifs, notamment les immeubles et les installations solaires, conservent leur valeur. Il n’existe actuellement aucune mise en demeure ni facture impayée, ce qui tempère les inquiétudes liées à une liquidation immédiate.»
Pilule difficile à avaler
Il explique que la crise trouve son origine dans des difficultés spécifiques à l’environnement économique et énergétique. En cause: la hausse rapide des taux d’intérêt en Suisse et en Europe qui a affecté la rentabilité des crédits immobiliers, le manque d’ensoleillement des années 2023 et 2024, l’inflation et la conjoncture économique défavorable. Les investisseurs, qui s’interrogent sur l’utilisation de certains fonds, misent sur la vente des actifs et des actions pénales pour récupérer une partie de leur mise. Pour Jérôme Fontana, membre bénévole de la task force, la faillite de la société est toujours difficile à digérer: « Il y a la sensation pour les victimes d’avoir été grugées. L’image de Bertrand Piccard en tant qu’ambassadeur a participé à donner un sentiment de fiabilité au projet.»
Sur le plateau de l’émission Mise au Point, l’explorateur a rappelé avoir vu dans PEC «un modèle qui peut protéger l’environnement et en même temps être économiquement rentable». Plus surprenant, certaines filiales, comme PrimeEnergy Technics, continuent leurs activités malgré la liquidation de la maison mère. «Ils montaient encore des panneaux solaires la semaine dernière sur la nouvelle patinoire de Coppet», précise Jérôme Fontana. Interrogé, le président du groupe PrimeEnergy, Khalid Belgmimi, se soucie de préserver l’image de sa société: «PrimeEnergy Technics est spécialisée dans l’installation de centrales photovoltaïques. Malgré un climat tendu, nous nous battons pour nous dissocier des difficultés de PEC.»
Un point d’interrogation majeur reste l’emprunt de 19,5 millions accordé à Laurin Fäh. Pour Jérôme Fontana, si cet argent était rendu rapidement, il pourrait être redistribué aux créanciers. Mais l’opacité des chiffres rend ce scénario incertain.
*Nom connu de la rédaction