Médecines alternatives remboursées: est-ce vraiment un bien?

Rédigé par
Gil Egger
Société

SANTÉ • Se soigner, c’est indispensable et cher. L’assurance de base représente une couverture  pour tout ce qui est… indispensable. Mais où se situent les médecines dites «complémentaires»?  Dans un monde à part, celui des assurances portant le même nom.

Il y a eu une belle bataille ces dernières années autour des médecines que l’on appelle alternatives, complémentaires, empiriques, etc. Avec le coup de force du Conseil fédéral voulant les exclure, l’initiative qui en a résulté et que le peuple a acceptée, les choses semblaient rentrer dans l’ordre. 
Cinq disciplines sont remboursées par l’assurance de base, la fameuse LAMal. Pour autant que ce soient des médecins qui les dispensent. Pour tout le reste, on bascule dans le camp des assurances complémentaires, et là ce n’est pas la clarté qui prédomine. Les thérapeutes suivent un vrai parcours du combattant pour accéder à la reconnaissance. Rappel raccourci: en 1994, la loi fédérale reconnaît quatre médecines complémentaires, l’acupuncture et médecine traditionnelle chinoise, l’homéopathie, la médecine anthroposophique et la thérapie neurale. Coup de tonnerre en 2005. Après un processus d’évaluation contesté, elles sont exclues de l’assurance de base. Un argument curieux surgit: cette assurance porte sur la maladie et non sur le bien-être, et la psychothérapie est aussi visée, déclenchant un tsunami de protestations. 
Il n’en fallait pas davantage pour qu’un front très large s’insurge. Une initiative populaire est lancée la même année «Oui aux médecines complémentaires». Sentant le vent venir, le Conseil fédéral propose un contreprojet plus léger et le vote du 17 mai 2009 le plébiscite par 67% des voix (78,4% dans le Canton de Vaud). Il faut attendre 2014 pour la concrétisation et que quatre disciplines entrent dans l’assurance de base: la médecine anthroposophique, la médecine traditionnelle chinoise/acupuncture, l’homéopathie et la phytothérapie. Mais cela ne concerne que les médecins ayant suivi une formation adéquate.
Thérapeutes non-médecins
Pour les autres thérapeutes, le chemin est différent. Leur pratique n’entre pas dans l’assurance de base, mais concerne les complémentaires. Chacune est libre de faire à peu près ce qu’elle veut. Fort heureusement, la concurrence joue et les assurés peuvent comparer afin de choisir ce qui leur convient. Dans la plupart des cas, la liste est longue. Les limites strictes fixent un maximum de remboursement (du genre 80 francs par séance) et un plafond annuel (moins de 1000 francs).
Cette manière de faire montre que les assurances ne sont pas trop favorables au travail de fond, comme les remises à niveau nutritionnelles ou des thérapies de terrain à long terme. Qui peut dispenser des soins? Des thérapeutes reconnus. Mais cela ne se fait pas à la tête du client, des associations certifient la qualité professionnelle. 
Les assurances complémentaires peuvent toujours décider de ce qu’elles remboursent ou pas, mais il semble que la valse des thérapies admises ou non devrait se calmer. Les thérapeutes sont dans une situation particulière depuis un ou deux ans. Les exigences ont partout augmenté. Les écoles se sont adaptées, car un diplôme fédéral a vu le jour. Les «anciens» thérapeutes avaient jusqu’en 2022 pour faire reconnaître leur pratique sans examen. Pour tous les autres, les formations sont indispensables. Nous avons interrogé les responsables d’Amarylis, Anne-Françoise Roland, à Fribourg et Lausanne et d’Esclarmonde, Guillaume Baudois, à Genève. Pour avoir une reconnaissance la plus large possible, le titre de «naturopathe avec diplôme fédéral» est devenu le plus prisé. Il requiert un parcours très complet. Parfois, on observe une différence entre la Suisse alémanique et la Suisse romande. «De l’autre côté de la Sarine, on se fonde sur le cursus des Heilpraktikers, fort peu usité ici, d’ailleurs il n’existe aucune traduction des livres de cours, malgré les sollicitations des écoles», relève Anne-Françoise Roland.
Devenir thérapeute? «Cela demande une bonne organisation. Souvent, les personnes intéressées ont un métier, où elles peuvent dégager du temps, en travaillant à moins de 100%», constate Guillaume Baudois, dont l’école offre cette souplesse. Cette formule convient à la plupart des candidats, qui ne peuvent consacrer un plein temps à cet écolage, dont les coûts sont tout de même conséquents. «La flexibilité de l’enseignement permet de commencer par une méthode, massage, réflexologie, nutrition, de pratiquer en cabinet, puis de compléter pour parvenir, par exemple, au diplôme fédéral de naturopathe», ajoute-t-il.
Côté patients
Les thérapies alternatives ont souvent affaire avec de la prévention, ou du moins une approche générale plus ou moins éducative. Ce qui peut demander un plus grand nombre de séances que pour une démarche de type médical: affection, diagnostic, remède. Les assurances limitent le nombre de séances. 
Et avec les nouvelles règles, les patients ont tendance à regarder la liste des thérapies et thérapeutes que leur complémentaire agrée pour choisir. Alors que, peut-être, la bonne personne la plus adéquate n’y figure pas. On revient au fondement de la santé: nous sommes responsables, sommes-nous prêts à l’assumer, quitte, parfois, à payer de notre poche?

Les assurances et leurs méthodes

Chaque assurance complémentaire peut choisir ce qu’elle rembourse, à quel niveau et pendant combien de temps. Certaines précautions leur laissent toute latitude, par exemple: «Sympany verse des contributions aux coûts de la médecine complémentaire pour autant que le traitement soit médicalement nécessaire ainsi qu’efficace, approprié et économique et qu’il soit effectué par un prestataire reconnu par nous.» Chez Helsana: «Les assurés de Completa Extra conservent leur couverture aux conditions de ce produit (75% des frais de traitement à concurrence de 750 francs par année).» Assura Natura: «Première consultation/bilan de santé: 50 à 130 francs, séances ultérieures: 50 à 110 francs. Maximum 800 francs par année, Franchise annuelle 200 francs, quote-part annuelle 10%.» Pour le Groupe Mutuel, quatre niveaux sont proposés: de 1 à 70 francs la séance (500 max/an), le 2, idem jusqu’à 2000 par an, le 3, 3000 par an et le 4, 4000 par an, avec également des niveaux progressifs pour les médicaments. Chez EGK, selon le niveau choisi, l’accès est libre auprès de plus de 14 000 thérapeutes et naturopathes enregistrés. Sur le site de la Confédération, une précaution: «Vous pouvez résilier une assurance complémentaire, si vous pensez ne plus en avoir besoin. Mais réfléchissez bien. Car une fois votre assurance complémentaire résiliée, vous ne pourrez pas en conclure une autre facilement. C’est surtout le cas pour les personnes âgées de 55 ans et plus ou en mauvaise santé.» Vous voici prévenus...

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