"A Migros Genève, nous allons miser sur les petits magasins!"

Rédigé par
Adélita Genoud
Canton & Communes

STRATÉGIE • Le commerce de détail n’en finit pas de subir les assauts de l’implacable concurrence des enseignes en ligne. Assauts que les années Covid ont rendus encore plus vigoureux. A cette profonde mutation s’ajoute le changement dans les modes de consommation, la clientèle semble peu à peu se détourner des hypermarchés au profit des petites surfaces proches de leurs lieux de vie ou de travail. Comment la coopérative qui a annoncé un changement de cap l’an dernier va-t-elle concrétiser sa nouvelle stratégie dans le canton. Rencontre avec Grégory Décaillet, directeur général de Migros Genève.

GHI: Votre enseigne a décidé de se recentrer sur son corps de métier, à savoir l’alimentaire, le non alimentaire, la banque et la santé. A Genève, quels magasins ne seront plus sous le «label» Migros? 
Grégory Décaillet:  melectronics (repris par MediaMarkt), SportX (Ochsner Sport) et Do It + Garden (OBI). En revanche, rien n’est encore décidé concernant Micasa.

Ne craignez-vous pas que votre image d’entreprise sociale ne soit écornée par les licenciements consécutifs à l’abandon de ces marques? 
Notre coopérative met tout en œuvre pour préserver les emplois. En recherchant des repreneurs solides et reconnus, conditionnant ces rachats au réengagement du personnel concerné, nous avons pu, à l’exception des 2 magasins Bike World, atteindre notre objectif: éviter les licenciements à Genève. Nous pouvons désormais focaliser tous nos efforts sur notre cœur de métier, le supermarché.

La volonté du groupe est de proposer des prix très attractifs. Concrètement, quelle sera votre action? 
Nous allons accélérer une dynamique mise en place l’an dernier visant principalement les fruits et légumes, mais aussi la viande, le poisson ou les plats prêts à consommer. A savoir: proposer un assortiment de 1200 produits du quotidien au tarif le plus bas du marché. Et ceci de manière pérenne.

En vous alignant sur des tarifs très bon marché, vous empiétez sur le terrain de Denner qui figure dans votre portefeuille. Ce dernier ne risque-t-il pas de disparaître? 
En aucun cas. Denner ne dispose pas d’un panel de produits aussi large que celui de Migros. La cohabitation des deux enseignes est parfaitement harmonieuse et chacune y trouve son compte. La concurrence à l’interne est enrichissante pour tout le monde!

Vous allez investir 8 milliards de francs dans les 5 ans à venir. Comment cette somme sera-t-elle ventilée? 
500 millions seront injectés dans des baisses de prix conséquentes au bénéfice de notre clientèle. Afin de s’adapter aux nouveaux modes de consommation, plus de 2 milliards seront investis dans de nouveaux concepts de magasins et la rénovation de plus de 350 lieux de vente en Suisse. Le reste dans l’ouverture de plus de 140 nouveaux supermarchés ainsi que dans les transports, la logistique, la technologie et le développement de nos marques propres. Mais aussi dans la santé, la durabilité, le gaspillage alimentaire, l’éducation, la culture... Notre engagement en faveur de la société est unique en son genre. 

Vous évoquez un nouveau format de magasins, de quoi s’agit-il?  
Tout d’abord, il faut savoir que l’ère des très grands supermarchés est révolue. Les consommateurs ont changé leurs habitudes. Avant l’émergence de la pandémie, la clientèle ne faisait déjà plus ses achats pour la semaine mais au jour le jour ou pour deux jours au maximum. Cette tendance s’est encore accentuée. Question de temps et d’efficacité, la majorité de la clientèle a tendance à ne plus vouloir s’attarder dans des grandes surfaces. Ce constat vaut aussi pour la communauté internationale ou les pendulaires, de plus en plus nombreux sur le territoire cantonal. Cette clientèle privilégie les magasins situés à proximité de son lieu de travail. Elle n’a pas le temps de se rendre à l’autre bout de la ville, ce d’autant plus que la mobilité n’est pas aisée. Elle va donc s’approvisionner au plus près. Par conséquent, à court et moyen termes, nous allons multiplier l’ouverture de plus petits magasins dont la surface oscillera entre 400 et 1000 m², et maintenir quelques hypermarchés avec une surface de 3000 m² ou plus.  Cette phase d’expansion va démarrer d’ici à deux ans et se déployer en ville comme en périphérie. Il y a aujourd’hui de vastes espaces – c’est par exemple le cas depuis la rue Vibert jusqu’à Thônex – qui sont dépourvus de magasins. Ce développement est générateur d’emplois. Il s’agit aussi de revoir l’organisation des magasins pour répondre à trois types de consommateurs qui suivent des parcours différents: celui qui veut acheter un produit précis sans perdre de temps (consommation immédiate), celui qui achète des produits pour son repas (consommation dans les 24 heures) et celui qui se rend au magasin avec une liste d’achats plus complète. Nous allons ainsi revoir notre modèle afin que les clients puissent s’orienter efficacement.

Récemment, vous expliquiez qu’il ne vous serait pas possible de tenir vos exigences sur la viande en provenance de l’étranger? 
Il faut tout d’abord relever que la viande vendue à Migros est à 100% suisse s’agissant du porc, à 95% pour le bœuf et le veau et à 85% pour le poulet. Concernant ce dernier, la production en Suisse ne couvre malheureusement pas la demande, ce qui nous contraint à acheter à l’étranger. L’importation, conforme à la loi suisse, même limitée, est donc inévitable. Quant aux critères de qualité, la Suisse est déjà bien au-delà d’autres pays et Migros est encore un cran en dessus. Autant dire qu’il est vraiment très difficile voire impossible hors de nos murs de trouver un produit qui réponde entièrement à ces très hautes exigences.

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