
TUBES DU PASSÉ - En 2004, trois garçons et un refrain en roumain font danser la planète entière. Derrière Dragostea Din Tei, un tube kitsch, viral et fleuri… avec du tilleul, du Mozart et même un soupçon de Dracula.
Le truc chouette avec les tubes de l’été, c’est que ça fait voyager: le Brésil de la Lambada, l’Espagne de la Macarena, le Cuba de Mambo N°5… et la Moldavie de O-Zone. Oui, la Moldavie, ce pays méconnu et frontalier de la Roumanie, auquel Hergé fait un clin d’œil avec sa Syldavie fictive dans «Le Sceptre d’Ottokar» notamment.
Car avouons-le, qui connaissait réellement la Moldavie avant l’avènement de ce hit interplanétaire? Pas grand monde, à part évidemment les Moldaves eux-mêmes, leurs voisins roumains, et Poutine, qui devait déjà lorgner dessus. Votre humble chroniqueur y est allé aussi, et s’est notamment égaré dans l’une des plus grandes caves à vin du monde, Cricova, 1,3 million de bouteilles, dans un labyrinthe souterrain époustouflant. Ça vaut le détour.
La riante Moldavie est aussi le pays des vampires, et du plus célèbre de tous, Vladislav III, couramment appelé Vlad «Dracul» (le fils du dragon), Prince de Valachie au XVe siècle, qui englobait alors la Moldavie et la Transylvanie pour former l’embryon de ce qu’on appelle aujourd’hui la Roumanie. À peu de choses près, on est dans «Game of Thrones».
À la conquête du monde
À l’instar de leur illustre ancêtre aux dents longues, le boys band O-Zone partira lui aussi à la conquête du monde au printemps 2004. Du Portugal jusqu’à la Norvège, «Dragostea Din Tei» a inondé les divers classements continentaux. Pourtant, au début, le titre marche seulement en Roumanie.
En février 2004, des producteurs italiens, sans en avertir O-Zone, font enregistrer une reprise par le chanteur roumain Haiducii. Cette version a littéralement envahi les classements italiens, où elle est restée six semaines en tête des charts dance. En réparation de cette reprise non autorisée, Haiducii a été condamné à verser 10’000 euros. Peu après, le label italien Time Records prend contact avec O-Zone, leur propose un contrat d’un an et lance la version originale du groupe dans plusieurs pays européens. Le single s’est alors hissé à la première place dans dix pays d’Europe de l’Ouest, notamment en Belgique où il s’est écoulé à 100’000 exemplaires, mais il a rencontré un succès encore plus retentissant chez nos voisins français, avec plus d’un million de ventes. Au Japon également, le hit a fait un carton, totalisant près de 4 millions de singles vendus. Au total, «Dragostea Din Tei» s’est vendu à huit millions d’exemplaires et a décroché la pole position dans 27 pays. Les paroles de «Dragostea Din Tei» sont volontairement légères, composées de quelques vers en roumain avec beaucoup de jeux de sonorités – «Tu veux partir mais tu ne veux pas m’emmener avec toi / ton visage et l’odeur des tilleuls me rappellent tes yeux». Le titre, qui signifie «L’amour des tilleuls», puise par ailleurs une partie de son refrain dans la Sonate pour piano n° 17 de Mozart, tandis que la référence arboricole est un clin d’œil au tilleul, qui occupe une place prépondérante dans la littérature roumaine.
Billet de 500 lei
L’un de ses plus illustres poètes, Mihai Eminescu, lui a dédié de nombreux vers, et sa symbolique apparaissait même sur le billet de 500 lei, où l’on voyait le poète accompagné d’une feuille de tilleul. L’idée «d’amour des tilleuls» est profondément ancrée dans le folklore roumain, évoquant un sentiment véritable, puissant et pur. Reprise au États-Unis par le «Numa Numa Boy», dans ce qui devait devenir la première vidéo virale d’Internet, la chanson envahit bientôt la planète, et sera samplée plus tard par David Guetta et Rihanna, notamment.