
SYSTÈME PÉNITENTIAIRE • Annoncé en mai 2023, le plan de réforme des prisons genevoises semble être au point mort. Alors que Mauro Poggia avait prévu la démolition de Champ-Dollon pour 2030.
Valérie Geneux
Champ-Dollon sera-t-elle bien démolie en 2030, comme l’avait annoncé Mauro Poggia, avant d’être reconstruite? Après la présentation du plan de réforme des prisons genevoises par l’ancien conseiller d’Etat en mai 2023, le projet de la nouvelle prison semble être en suspens au sein de l’administration.
«Les normes fédérales ont évolué. Elles imposent des modalités plus strictes en matière de taille des cellules et d’organisation des espaces de détention. Le projet initial a dû être adapté. Selon mon interprétation, celui énoncé par Mauro Poggia n’était pas réaliste, car démesuré», avance Sylvain Thévoz, député socialiste au Grand Conseil et membre de la commission des visiteurs officiels qui se charge d’évaluer les conditions de détention dans les prisons.
Mauro Poggia avait annoncé la démolition du bâtiment actuel de Champ-Dollon, jugé vétuste et insalubre par toutes les parties prenantes au dossier. Dans ce contexte, il envisageait la construction d’un bâtiment neuf contenant 300 places pour hommes pour la détention avant jugement, ainsi qu’un agrandissement de 352 places pour la prison de La Brenaz, destinée à l’exécution de peine des hommes. Cet établissement contient actuellement 168 places. Pour la détention des femmes, 30 places avant jugement et 55 places d’exécution de peine ont été annoncées.
En prison pour factures impayées
«Le projet initial avait pour but de densifier. Il se basait sur des prévisions de récidive trop fortes émises par l’administration et une difficulté à envisager autre chose que l’enfermement», explique Sylvain Thévoz. Ce dernier milite en faveur d’une prison plus petite et d’une révision de la politique d’incarcération. «Des gens se retrouvent en prison pour des factures impayées ou de la mendicité. Ces cas pourraient être drastiquement réduits en investissant davantage dans des mesures sociales, des travaux d’intérêts généraux, le port d’un bracelet électronique ou avec un accompagnement adéquat pour lutter contre la récidive, avance-t-il. Une plus grande prison implique plus d’incarcérations et plus de frais payés par les contribuables. C’est un échec collectif», conclut le député.
«Le projet suit son cours, mais tout cela prend du temps», affirme, de son côté, Masha Alimi, députée Libertés et justice sociale au Grand Conseil et présidente de la commission des visiteurs. La députée assure qu’elle et sa commission rencontrent régulièrement Carole-Anne Kast, la conseillère d’Etat en charge du Département des institutions et du numérique, pour discuter de l’avancée du projet qui reste pour l’heure confidentiel.
Des réponses en juin
Le nombre de places avancé par l’ancien conseiller d’Etat sera-t-il maintenu? La prison va-t-elle être détruite puis reconstruite, ou seulement rénovée? Quelle sera l’emprise au sol? Un budget est-il estimé? Des études de faisabilité ont été lancées en 2024. Elles ont pour objectif d’établir un cahier des charges précis des infrastructures pénitentiaires envisagées.
«Nous examinons le concept de fonctionnement des infrastructures prévues. Cela comprend l’implantation des différents bâtiments, leur densité, les surfaces de détention nécessaires dans les volumes constructibles des terrains à disposition, le fonctionnement des bâtiments, l’organisation du personnel, entre autres», indique Laurent Forestier, directeur de la communication de l’Office cantonal de la détention. Les résultats seront présentés fin juin aux magistrats en charge de la Sécurité du territoire, respectivement, Carole-Anne Kast et Antonio Hodgers.
Gilles Marti, le maire de Puplinge, a pourtant déjà posé ses limites sur la base d’une résolution votée par son Conseil municipal. La commune s’opposera à tout projet qui empiétera sur des parcelles privées ou agricoles cultivées. «En revanche, nous ne sommes pas contre le projet d’extension de la prison s’il reste cantonné sur des parcelles appartenant au Canton et si les engagements en termes de protection contre le bruit, d’intégration paysagère et de mobilité sont tenus», explique l’élu. Le maire termine son mandat au mois de mai et ne s’avance pas sur les futures positions de ses successeurs.
Les études en cours devraient apporter des éléments de réponse d’ici l’été. Reste à voir si les autorités genevoises parviendront à concilier contraintes légales, oppositions locales et nécessité d’adapter l’infrastructure carcérale.