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Un taux d’absentéisme de 6,4% en 2023. A Genève, le nombre de fonctionnaires malades ou victimes d’accident est resté particulièrement élevé, notamment au regard des objectifs fixés par les autorités. C’est ce qu’indique sans appel le bilan social de l’Etat. Des chiffres qu’il s’agit toutefois de pondérer par la nature de l’absence – maladie ou accident.
Ainsi, on apprend que le Département de l’économie et de l’emploi compte 7,4% d’absence pour cause de maladie, auquel il faut ajouter 0,8% pour des accidents, soit un total de 8,2%.
Sur son site internet, la conseillère d’Etat à la tête des Finances, Nathalie Fontanet, le reconnaît: «Le taux d'absence maladie et accident (…) dépasse nettement celui des autres administrations publiques suisses. Le taux d'absence maladie seul (5,4%) connaît une tendance à la hausse préoccupante, que la pandémie a encore renforcée. Chaque jour, plus de 1000 collaboratrices ou collaborateurs de l'administration sont absents pour raison de santé. L'enjeu pour l'Etat concerne en particulier les absences maladie de plus de 6 mois.»
Dès lors, le Canton – en 2022 déjà – a adopté une série de mesures (lire encadré) afin de faire diminuer les absences pour maladie de 20% à l’horizon 2027: passer d’un taux de 5,4% à 4,4%. «Il est aujourd’hui urgent d’agir pour éviter que la situation ne se dégrade encore», estimait notamment la conseillère d’Etat. Avec un succès relatif: «Le taux d'absence pour maladie est passé de 6% pour l’ensemble de l’année 2022 à 5,4% en 2023», confirme le Département des finances. Qui se justifie: «L'État, c'est plus de 18'000 collaborateurs, soit près de 43'000 personnes employées si l'on ajoute les institutions autonomes. On ne peut pas gérer une entité de cette taille comme on administre une boulangerie ou une start-up. Le rythme des décisions y est différent et les solutions mises en place prennent un peu plus de temps.»
Protection
Malgré les promesses, ces chiffres interpellent. Notamment lorsqu’on les compare à ceux du secteur privé, où les taux d’absence sont bien moins élevés (entre 2,6% et 5,1%).
Mais comment expliquer une telle différence entre le privé et le public? «Le statut de la fonction publique, extrêmement rigide, est sans doute une des explications, tout comme une prise en charge de la durée des absences qui peut aller jusqu’à deux ans à l’Etat de Genève contre six mois dans le privé», répond Véronique Kämpfen. Ce n’est donc pas un mythe: licencier au sein de l’Etat de Genève n’est pas une mince affaire, tant le statut est protégé.
De quoi peser sur notre économie locale estime la Fédération. «L’absentéisme dans le secteur public a un effet négatif sur l’ensemble des services à la population, mais également sur les fonctionnaires présents qui doivent pallier l’absence, parfois longue, de leurs collègues. La différence entre le public et le privé provient du cadre légal qui n’est pas le même et qui, pour le secteur public, rend plus difficile le remplacement des collaborateurs absents pour une longue période», résume Véronique Kämpfen.
«Courage managérial»
Sa solution? «Le secteur public doit faire preuve de davantage de courage managérial et empoigner cette question. Ce sont les contribuables qui paient le salaire des fonctionnaires
et donc les absences à l’Etat. Ce dernier
se doit d’être exemplaire.»
Côté politique, la question divise. D’un côté, on retrouve les partis qui font une analyse contrastée de la situation, à l’image du Mouvement citoyens genevois, qui, lui, met la responsabilité de cette situation sur le Conseil d’Etat. «Ces taux d’absentéisme proviennent non du statut de fonctionnaire mais de l’incapacité du gouvernement à gérer des activités spécifiques et compliquées. Dans le public, on ne peut refuser la demande d’aucun citoyen contrairement au secteur privé. La pression est donc plus forte sur le personnel. Et puis, il y a la difficulté des tâches», estime également François Baertschi, président du MCG.
Pour l’élu, la situation genevoise – exceptionnelle – serait aussi liée à son attractivité dans tous les domaines, plus élevée que dans les autres cantons. «Nous attirons ainsi beaucoup de criminalité de personnes non domiciliées en Suisse. Cela crée des tensions supplémentaires. Et puis, n’oublions pas que nous sommes collés à un pays qui dysfonctionne profondément», estime encore le président. Mais tout de même, ne serait-il pas opportun de pouvoir remercier plus facilement un fonctionnaire dans certains cas, ne serait-ce que pour redorer le blason de la fonction? C’est «niet» pour François Baertschi qui craint l’arbitraire. «Le statut actuel protège le fonctionnaire face au pouvoir politique, qui pourrait être tenté de ne pas voir l’intérêt général. D’ailleurs, ceux qui critiquent la fonction publique attendent souvent eux-mêmes de trouver un poste à l’Etat», s’amuse le président qui tient à disposition plusieurs exemples précis.
S’inspirer du privé
Un son de cloche différent de celui que l’on retrouve dans les partis davantage libéraux. Ainsi, à l’UDC, on l’affirme sans détour: s’inspirer du privé pourrait être bénéfique. «Les taux d’absence actuels à l’Etat sont scandaleux. Il est temps de revoir les statuts et l’impunité totale du fonctionnaire. Si l’écrasante majorité fait correctement son job, il y a aussi quelques individus qui dysfonctionnent et devraient pouvoir être licenciés. Aujourd’hui, ils jettent le discrédit sur la fonction», estime Lionel Dugerdil, président de l’UDC Genève.
Pour l’élu, il serait temps de prendre des mesures. «Aujourd’hui, on se retrouve avec des collaborateurs performants, contraints de rattraper le travail des absents. Cela engendre de la fatigue, et ne permet pas toujours aux missions d’être pleinement remplies.»
Mais ce n’est pas tout. Pour l’UDC, faire baisser ces taux d’absence élevés permettrait également de faire des économies. «Il suffit de voir les cantons où ça se passe mieux. Et en l’occurrence, il s’agit de ceux où les magistrats prennent leurs responsabilités. Là où on peut se séparer des employés toxiques.» Les chiffres 2024 ne seront, eux, dévoilés qu’en mars de cette année.