JUSTICE • La quinquagénaire a été reconnue coupable d’assassinat. Les faits se sont produits à Vernier.
La semaine dernière se tenait le procès d’une femme de 50 ans, d’origine portugaise, accusée d’avoir tué son mari, de 16 ans son cadet, sur les bords du Rhône à Vernier. «Je me sens beaucoup mieux mais j'ai toujours une grande tristesse», confie-t-elle en sanglots, affirmant que son mari lui manque et qu’elle l’aime toujours. Elle a aussi évoqué l’absence de contact avec son fils depuis un an et demi et une agression subie en détention.
L'ancienne aide-soignante décrit une relation toxique faite de disputes et de coups. Elle accuse son mari d’aimer le casino, l’alcool et la marijuana: «Il descendait une bouteille de whisky d'un coup». La présidente du tribunal, Katerina Figurek Ernst, lui rappelle toutefois que les contrôles de police après leurs disputes n’ont jamais révélé d’alcoolémie. Les jours précédant le drame, leur relation restait instable. La magistrate souligne aussi les caméras dans son appartement, y compris aux toilettes, les filatures et l’usage de clés USB pour espionner son mari. «Evidemment que non, ce n'est pas normal», reconnaît la prévenue.
"C'était un bon garçon"
La veille des faits, elle prétend avoir subi un viol au garage sous la menace d’une arme, alors que l’enquête montre qu’ils étaient au casino. Elle affirme que l’arme du crime appartenait à son conjoint. Et ce malgré des recherches sur Internet concernant les armes que les enquêteurs ont retrouvées dans son téléphone mais qu’elle attribue à un piratage. Le soir du drame, raconte-t-elle, elle aurait pris l’arme dans la veste de son mari avant de le suivre. Elle soutient avoir tiré en mouvement après des insultes et ignorait que l’arme était chargée. «Pour moi, il n'avait pas été touché», ajoute-t-elle, tout en peinant à expliquer pourquoi elle a jeté le pistolet.
L’après-midi, la mère du défunt, venue de l’île Maurice, est entendue. Très émue, elle rejette le portrait dressé par la prévenue: «Ce que madame a dit à propos de mon fils est faux… C'était un bon garçon… il me manque beaucoup. Mon cœur est gros mais j'avais le devoir de venir ici pour que mon fils obtienne justice.» Puis deux témoins de moralité cités par la défense interviennent. Son ancienne employeuse évoque une femme «travailleuse et consciencieuse». Le deuxième jour, le procureur Guillaume Zuber ouvre son réquisitoire en rappelant les résultats de l’autopsie: «la victime a été touchée dans le dos, à moins d’un mètre. Vous ne devez pas croire ce qu'elle vous a dit. Les déclarations de la prévenue ont varié tout au long de la procédure.» La quinquagénaire, les mains sur le visage, réagit bruyamment, au point d’être recadrée. Selon lui, «il y avait un rapport de domination…». Il avance plusieurs mobiles: «Elle a tué son mari parce qu'elle était cupide…, car elle était jalouse…, elle voulait le punir de vouloir la quitter. Tout cela démontre une absence particulière de scrupules.» Qualifiant l’acte d'assassinat, il ajoute: «Mon réquisitoire a duré 50 à 55 minutes, c'est la durée de l'agonie de la victime». Il réclame alors 16 ans de prison.
Explication psychiatrique
Place aux avocats de la partie plaignante. Me Timothée Reymond dénonce le manque de remise en question et d'introspection de la prévenue. «Elle a tissé sa toile pour l'enfermer dans un piège meurtrier. Elle a agi avec calme et méthode. Elle l'a vu souffrir et l'a sciemment laissé mourir. Après les faits, elle pousse le vice à essayer d'appeler son mari à trois reprises devant les policiers alors qu'elle sait où il se trouve. Elle était prête à sacrifier une vie humaine pour ses propres intérêts. Elle a agi de manière brutale, perfide et cruelle», a-t-il expliqué. Pour l’avocate de la défense, Me Charlotte Zihlmann: «Le mari n'est pas la victime parfaite… et ma cliente n'est pas le bourreau intégral. Elle avait de quoi se sentir trompée, utilisée et même menacée», souligne-t-elle, évoquant les fréquentations du défunt sur des sites de rencontres et le fait que «pendant six ans, elle a pratiquement été le seul revenu du couple. La thèse de la femme vénale et de l'homme dépouillé ne me semble pas du tout soutenable.»
Pour Me Karim Raho, l’explication est psychiatrique: «La maladie mentale, ce n'est pas une excuse… mais c'est un drame absolu». Il rappelle ses troubles paranoïaques et borderline: «Elle vit dans une réalité qui est différente de la nôtre… Elle a tendance à mélanger et à ne pas respecter la temporalité.» Il conteste aussi la thèse de l’accusation: «La tueuse froide et sans scrupule ne fonctionne pas très bien. Elle a participé pleinement et sincèrement à la reconstitution, même si c'était difficile pour elle.» Il réclame une peine n’excédant pas dix ans: «Je vous demande de ne pas la réduire à son acte.» Le Tribunal criminel la reconnaît coupable d’assassinat et la condamne à quinze ans de prison. Elle devra verser 40’000 francs à la mère de la victime.