SOCIÉTÉ • Une nonagénaire a été contrainte de réaliser un véritable parcours du combattant pour pouvoir mourir avec l’association Exit. En cause, une psychiatre qui estimait que l’état de la retraitée ne lui permettait pas de prendre cette décision.
«Je suis consternée. Je veux m’en aller, mais une dame m’empêche de mourir dignement. Si ça continue, je trouverai bien un autre moyen...», plaisante à moitié Pascaline*, résidente d’un EMS de la rive gauche et âgée de 94 ans. A l’origine de son rire jaune, la décision d’une psychiatre de refuser de délivrer une autorisation à la nonagénaire pour attester qu’elle jouit d’une capacité de discernement suffisante. D’après la professionnelle de santé, Pascaline souffrirait de problèmes «cognitifs» et de «dépression», des troubles qu’elle estime trop importants pour pouvoir prendre une décision éclairée.
De quoi faire bondir la retraitée et ses deux fils, âgés de plus de 70 ans chacun. «A mon âge, c’est bien normal d’avoir quelques soucis. Mais je peux vous assurer que j’ai toute ma tête et que cette psychiatre se trompe!», accuse Pascaline dans le logement qu’elle occupe dans un EMS de la rive gauche. «C’est une honte. Comme si à 94 ans, on faisait une «petite dépression» qui nous empêchait de prendre une décision. N’importe quoi!», renchérit Ludo, l’un de ses deux fils. «Idem pour les problèmes cognitifs qui, bien qu’existants, n’empêchent pas notre mère de s’exprimer avec clarté et de savoir ce qu’elle veut!», ajoute Jean-David, son frère.
Combat acharné
Après plusieurs réunions avec le corps médical, leur mère doit se rendre à l’évidence: elle devra se battre pour se faire entendre et bénéficier de son droit à mourir. «A quoi cela sert-il de cotiser si c’est pour se voir essuyer un refus le moment venu?», s’emporte-t-elle. Réunions, attestations, rendez-vous avec un psychologue… c’est donc à un combat «acharné» que s’est prêtée Pascaline.
Soulagement
Elle a finalement obtenu gain de cause. Un autre psychiatre a accepté de lui délivrer le précieux sésame, une possibilité justement prévue par Exit. «C’est un immense soulagement. Je vais enfin pouvoir m’en aller, comme je le souhaitais. J’ai 94 ans et j’estime que ça suffit. A mon âge, on peut avoir l’impression d’être devenue une sorte d’esclave, dépendante pour se déplacer, pour manger ou pour ranger. Et puis il faut dire merci à tout le monde…», témoigne-t-elle sans perdre son sens de l’humour.
Obstructions
Questionné sur cette mésaventure, Exit rappelle de son côté que ce genre de cas peut occasionnellement se produire, mais que d’autres solutions existent.
D’après l’association, les obstructions de ce type sont le plus souvent rapidement levées. «Lorsqu’une telle décision est rendue par un membre du corps médical, nous pouvons toujours trouver d’autres moyens. Il est par exemple possible de faire sortir le patient pour s’adresser à une autre structure ou à un autre psychiatre», précise Romano La Harpe, co-président de l’association. Qui rappelle également que d’importantes différences peuvent être observées selon le lieu où réside le patient. «Cela va dépendre de l’EMS ou du home ou la personne se trouve. Parfois, les employés sont plus ou moins sensibles à ces problématiques. Cela crée des situations très diverses», résume le co-président.
Excès de prudence?
En cause? La prudence dont font preuve certains pour rendre leur décision, un principe qu’Exit affirme comprendre. «La décision prend deux à trois semaines pour être rendue. Mais si la personne va de plus en plus mal, il est même possible d’accélérer le processus», rassure Romano La Harpe.
Pour mémoire, trois conditions sont nécessaires pour finaliser les démarches: Appartenir à l’association, produire une lettre manuscrite avec ses motivations et la description de ses souffrances (ou un acte notarié) voir un médecin extérieur à Exit pour attester que la personne est capable de discernement.
C’est justement munie de ces différents documents que Pascaline, après un dernier repas en famille dans la campagne genevoise, s’en est allée.n
*prénom d’emprunt