Santé • L’accès aux soins dentaires figure parmi les objets soumis au vote des citoyens le 30 novembre prochain. Au-delà des intérêts politiques, il s’agit d’un réel enjeu de société. Décodage.
Bénéficier de soins bucco-dentaires? Une démarche qui paraît légitime, voire souhaitable pour tous. C‘’est pourtant loin d’être une généralité, du fait du non-remboursement de ces prestations par la Lamal et la paupérisation grandissante de la population. Près de 25% des Genevois renoncent à des soins urgents, révèle une récente étude menée par les HUG. Cette situation précaire concernerait d’ailleurs le reste des Helvètes dans une proportion identique. Par ailleurs, 9000 habitants du canton font appel à des prestations assurées par de simples étudiants en clinique universitaire, alors que des milliers d’autres se font soigner en France voisine pour amoindrir leur facture. Voilà pour le constat chiffré.
Projet pilote
Depuis 2020, la Croix-Rouge genevoise apporte un soutien bienvenu grâce à un Projet pilote unique en Suisse, lancé avec l’engagement bénévole de dentistes, puis poursuivi avec des praticiens salariés. «Notre cabinet des Acacias s’occupe de personnes à faibles revenus n’ayant pas accès aux aides sociales qui permettraient de couvrir ces soins, en particulier des «travailleurs pauvres» issus de l’économie domestique et d’autres emplois précaires», relève Paula Moreno Russi, responsable des activités socio-sanitaires pour la Croix-Rouge. Une prise en charge qui doit toutefois recevoir l’aval d’un pôle social. «En 2024, nous avons pu proposer 1370 consultations à prix très réduit à près de 400 patients, dont beaucoup présentent une dentition fortement dégradée par des années de renoncement aux soins», poursuit Paula Moreno Russi. Depuis 2025, cette prestation reçoit une aide financière du Canton qui permet de compenser la diminution des ressources bénévoles dans un contexte où la demande dépasse largement les capacités maximales du cabinet. En cas d’acceptation de l’initiative 193 ou de son contre-projet, le service de la Croix-Rouge genevoise s’adaptera si nécessaire à la nouvelle donne. Il semble en tout cas que la demande restera forte. «Nous aimerions promouvoir le développement d’une médecine dentaire sociale grâce à un travail en réseau avec les acteurs de la santé bucco-dentaire à Genève», conclut la responsable. Pour rappel, les citoyens genevois avaient refusé en 2019 un projet d’assurance dentaire cantonale obligatoire. Mais l’approche est un peu différente cette fois-ci. «Il n’y a pas que les plus démunis qui sont concernés par le financement de l’hygiène bucco-dentaire, explique la députée socialiste Jacklean Kalibala. C’est le cas de tous les revenus modestes, jeunes et personnes âgées.»
Santé publique
Ce qui explique la large attribution voulue par les initiants d’un chèque aux 135’000 bénéficiaires des subsides d’assurance maladie (voir encadré ci-dessous). «Le fait d’encourager les soins dentaires n’a rien à voir avec des prestations d’ordre esthétique, mais il s’agit d’un problème de santé publique», insiste la rapporteuse de minorité du contre-projet adopté au parlement. Ce qu’elle pense de ce texte édulcoré? «Il reprend certes l’orientation générale des mesures de prévention, mais il manque cruellement de moyens financiers pour les concrétiser efficacement», ajoute-t-elle.
Tout autre son de cloche à droite de l’échiquier politique. Le député Pierre Nicollier, président du PLR Genève, n’est pas surpris par les arguments de la gauche, rejointe d’ailleurs dans son combat par l’association des médecins dentistes. «C’est surtout l’effet arrosoir du chèque qui nous dérange, d’autant plus qu’il se révélerait peu efficace à nos yeux», dit-il. Récemment, l’assemblée des délégués du PLR cantonal a non seulement rejeté l’initiative, mais aussi le contre-projet. Comme le souligne celui qui en a été le rapporteur de majorité, «nous estimons que les mécanismes de soutien aux soins dentaires déjà prévus par l’Etat sont suffisants et que le Conseil d’Etat n’a pas besoin de légiférer pour les renforcer. Nous souhaitons par ailleurs éviter de multiplier les charges contraintes inscrites dans la loi, d’autant plus dans un contexte
de restrictions budgétaires.» Précisons que trois départements sont concernés par ce plan transversal, ceux de la cohésion sociale, de la santé et de l’instruction publique.