
Les travaux qui paralysent la ville engendrent des comportements dangereux chez les usagers de la route. Malgré la grogne qui monte, d’autres chantiers, parfois de longue durée, sont à l’agenda. Comment sortir de l'impasse?
Des insultes, des cris et des conflits, sur fond de klaxons presque ininterrompus. Depuis deux semaines, une véritable anarchie s’est emparée des routes du centre-ville. En cause: des travaux menés par les Services industriels de Genève (SIG) dans les quartiers de Rive et des Eaux-Vives, s’inscrivant dans le projet de réalisation de «réseaux thermiques structurants». Un chantier qui a provoqué la fermeture d’une voie de circulation devant l’hôtel Métropole, le déploiement d’interdictions de tourner ou de circuler à plusieurs endroits, et l’arrivée de très nombreux agents de circulation, censés aider à pacifier les carrefours.
Et pourtant: à toute heure de la journée, y compris les week-ends, traverser la ville est devenu un véritable parcours du combattant. Parmi les lieus les plus touchés, le boulevard Helvétique, déjà régulièrement bloqué avant les travaux. Mais désormais, les voitures s’agglutinent depuis le boulevard de la Tour, non loin des Bastions. A certaines heures, il faut compter plus d’une demi-heure pour rejoindre le quai du Général-Guisan… lui aussi complètement bouché. Même scénario lorsqu’on descend de l’avenue Pictet-de-Rochemont, depuis la Gare des Eaux-Vives, où encore lorsqu’on se rend en ville depuis le quai Gustave Ador. «Ça bouchonne depuis Vésenaz, je n’ai jamais vu ça. Comment les SIG peuvent-ils prendre des décisions aussi absurdes?», s’interroge un entrepreneur se rendant en voiture à Meyrin.
Aux abords de Rive, la situation est encore plus chaotique. Complètement débordés, les agents de circulation, vêtus de jaune, semblent ignorer le fonctionnement habituel de la circulation et oublient régulièrement de laisser passer des piétons et des automobilistes. «Et nous alors?», vocifère-t-on de toute part. Loin de calmer le jeu, ces employés chargés de réglementer le trafic routier à la place des feux de circulation, s’énervent eux-mêmes régulièrement. Certains font même du zèle, prodiguant des leçons de morale aux automobilistes pas assez réactifs, criant parfois ou se plaçant devant un véhicule afin de l’immobiliser pour des raisons qui échappent au bon sens. Une fois qu’ils ont le dos tourné, d’autres usagers s’en donnent à cœur joie et s’engagent dans le carrefour. La gestion du trafic tourne ainsi régulièrement à l’échec.
Comportements problématiques
Autre conséquence, cette congestion encourage les Genevois à commettre de nombreuses fautes pour tenter de s’extirper de la cohue. Partout, des automobilistes qui n’en peuvent plus effectuent des demi-tours au mépris des lignes blanches continues, slaloment, dépassent des files de voitures sur la voie de bus, empruntent des sens interdits, ne respectent pas les interdictions de bifurquer. Les piétons, fatigués d’attendre un geste qui ne vient pas de la part d’un agent, préfèrent désormais traverser au milieu de la rue, là où personne ne les sermonnera. Avec une telle tension, les noms d’oiseaux ne sont pas rares. Le plus souvent, ils viennent de personnes frustrées de s’être fait dépasser. «La prochaine fois, moi non plus je n’écouterai pas les consignes. J’en ai marre d’être un mouton», hurle à tue-tête un motard sur sa petite monture noire décorée d’une flamme. Hilares, des passants témoins de la scène se moquent du râleur impuissant.
L’engorgement des axes de circulation fâche le Touring club suisse. Contacté, son président, François Membrez, martèle: «On aurait dû anticiper! Les SIG auraient dû réaliser des études sérieuses, notamment pour les nouveaux trajets des bus. Des plans de mobilités alternatives auraient aussi été nécessaires.» Sans compter que le lieu des travaux, est déjà régulièrement saturé. «Les autorités n’ont pas tenu compte du fait que c’est un point névralgique pour la circulation genevoise. Pourquoi n’avoir pas échelonné ces travaux, de sorte à ne pas tout bloquer en même temps?» s’interroge Francois Membrez. Sa solution? «Revoir le séquencement des travaux, pour les réaliser de manière successive et non simultanée».
FER préoccupée
Egalement concernée, la Fédération des entreprises romandes (FER) se dit, elle aussi, préoccupée. «Les Genevoises et Genevois ont découvert lundi 12 mai, en pleine sortie des bureaux, l’installation d’un chantier majeur à la rue Pierre-Fatio. Si ces travaux étaient annoncés et prévus, leur impact sur la circulation et la vie quotidienne a manifestement été sous-estimé. Dans la mesure où ils devraient durer plusieurs années et que d’autres chantiers sont prévus sur les moyen et long termes, les milieux économiques demandent des mesures urgente.s» Soit: «une meilleure coordination et concentration des travaux dans une temporalité raccourcie, un accompagnement renforcé ou encore l’élaboration d’itinéraires bis.» Autre solution? L’engagement de deux ou trois équipes assurant les travaux de 6h du matin à 23h.
Côté politique? Une motion du PLR a été approuvée par le Grand Conseil réclamant des mesures de planification et la suspension des nouvelles autorisations de chantier.