VENAISON • Si la chasse est interdite dans le canton de Genève, le gibier abattu par les gardes-faune se retrouve au menu des restaurants locaux.
A l’automne, les cartes des restaurants se parent de filets de chevreuil, de civets de sanglier et de pavés de cerf rôtis. La saison de la chasse est attendue par de nombreux gourmets. Alors que la plupart du gibier proposé sur nos tables provient d’Europe, et plus rarement des cantons voisins, une question se pose: peut-on déguster du gibier genevois, alors que la chasse est interdite dans le canton depuis 1974?
Les gardes-faune régulent presque toute l’année
«Cette année, l’arrêté de tir du Conseil d’Etat prévoit, entre novembre et janvier, la régulation de 25 chevreuils et de 40 cerfs. Pour ces derniers, nous sommes en attente d’une décision du Tribunal administratif sur un recours», explique Yves Bourguignon, chef de secteur des gardes de l’environnement à l’Office cantonal de l’agriculture et de la nature. Mais l’essentiel de l’activité de gestion porte sur les sangliers, dont la population reste difficile à estimer. Leur régulation, ajustée en fonction des observations de terrain et de la quantité de dégâts aux cultures, s’étend donc sur une période plus longue, de juillet à mars. De plus, des tirs ponctuels peuvent avoir lieu en tout temps, par exemple lorsqu’un chevreuil cause des dégâts dans une pépinière.
Eviscérés sur place
«La régulation se fait exclusivement de nuit, car c’est là que les animaux sortent pour se nourrir dans les champs, lorsque la présence humaine est réduite. La consommation du gibier n’est pas une fin en soi, elle permet une forme de restitution. Pour que les bêtes soient consommables il faut qu’elles soient éviscérées dans l’heure», précise le chef de service. Elles le sont donc le plus souvent sur place, ou sinon dans le local avec chambre froide prévu à cet effet. «Nos collaborateurs sont aussi formés sur les questions d’hygiène des viandes. En cas de doute, un vétérinaire intervient et décide si l’animal peut entrer ou non dans la filière de consommation», ajoute-t-il.
Grossiste chargé de la distribution
Une fois les carcasses mises en chambre froide selon les conditions du service de la consommation et des affaires vétérinaires, elles sont confiées à un prestataire unique, désigné par appel d’offres tous les cinq ans. Actuellement, c’est Suter Viande, à Carouge, qui se charge de la découpe et de la distribution. L’entreprise choisie doit être en mesure de traiter rapidement les volumes très variables, jusqu’à dix animaux par nuit.
Selon Christophe Lavy, directeur d’exploitation chez Suter Viandes, 95% du gibier fourni par les gardes-faune sont revendus dans la restauration, dont 80% dans les établissements genevois et 20% dans le canton de Vaud. La viande est également écoulée via Les Garçons Bouchers, boucherie itinérante basée à Meyrin et présente sur les marchés du canton. «Les 5% restants concernent surtout des particuliers qui commandent des sangliers entiers pour les rôtir à la broche», précise le grossiste.
Un gibier comme les autres
Le gibier genevois se distingue-t-il de celui de nos voisins? «Pas du tout», répond Yves Bourguignon. Les animaux circulent librement, franchissent les frontières et se nourrissent de la même façon . Difficile, donc, de faire la différence entre un sanglier genevois, vaudois ou français. «Gustativement, il n’y a aucune distinction».
Une question de demande
Si le gibier local est parfois difficile à trouver, c’est avant tout une question de marché. «Lundi dernier, dix sangliers ont été tirés en une nuit. Si les restaurants genevois n’en commandent qu’un ou deux, le reste part ailleurs», explique Yves Bourguignon. Les coûts de congélation étant élevés, le prestataire privilégie la vente immédiate. Mais pour que cette viande reste dans les assiettes genevoises, encore faut-il que les consommateurs la réclament. «Pour profiter de cette viande locale, demandez-la à vos bouchers ou restaurateurs. Plus la demande sera forte, plus le gibier genevois restera sur les tables du canton, c’est une question d’offre et de demande.»