Démarchage par téléphone: ras le bol!

Rédigé par
Tadeusz Roth
Société

CONSOMMATION - Commerciaux insistants, appels frauduleux, harcèlement par SMS: nos téléphones portables  sont pris d’assaut. Comment se protéger contre ce fléau qui se répand? Police et association rappellent les bons gestes.

«C’est insupportable: je reçois des dizaines d’appels et de messages indésirables par jour. A tel point que cela me gêne quand je suis déjà en ligne ou quand je regarde une vidéo. J’envisage sérieusement de changer de numéro…», désespère Marie-Aline, une trentenaire. Harcelée depuis des mois par une «entreprise de conseils», qu’elle a déjà envoyé balader des dizaines de fois, la jeune femme est désemparée. «Comment ces gens peuvent-ils se procurer nos numéros et des informations sur nous? Que faire quand on est ciblé comme ça? C’est inadmissible!», s’emporte la Genevoise vivant sur la rive droite. Un scénario similaire à celui dont a été victime Angelo, la soixantaine. «Au bout du fil, la personne m’a dit qu’elle connaissait ma profession, mon prénom et mon nom de famille. Lorsque j’ai dit que je n’étais pas intéressé par ses propositions pour un audit, elle est revenue plusieurs fois à la charge. J’envisage de déposer plainte», assure le jeune retraité. 
Comme dans ces deux cas, nombreux sont les Genevois à connaître cette triste réalité. Aujourd’hui, personne ne semble à l’abri: escrocs et commerciaux insistants s’en donnent à cœur joie, notamment en ciblant les personnes les plus âgées ou les plus fragiles. Heureusement, la situation pourrait bien s’améliorer prochainement: dès le 1er septembre, le démarchage téléphonique deviendra illégal en Suisse, notamment pour les courtiers en assurance. Pour le gouvernement, ce type d’appels représentait «une source importante d’agacement pour les assurés». 
Soit. Mais cela ne limitera a priori pas les autres types d’attaques, réalisées par des escrocs toujours plus aguerris. Ainsi, de plus en plus souvent, le numéro qui s’affiche sur notre appareil est usurpé, les arnaqueurs étant capables d’en faire apparaître un faux. Dans certains cas extrêmes, le numéro peut même correspondre à celui de la police ou d’un proche, de sorte à déjouer notre vigilance. On parle alors de «spoofing». 
Face à cette réalité, les autorités appellent à la prudence. Régulièrement, la police alerte dans la presse ou sur les réseaux sociaux pour mettre en garde contre les escroqueries les plus répandues. Elle incite notamment à se rendre sur le site internet de la Prévention suisse de la criminalité (PSC), qui offre de nombreuses explications et conseils en matière de prévention relative aux escroqueries téléphoniques. 
Ne pas rester les bras croisés 
Dans tous les cas, lors de préjudices financiers ou d’infractions graves, les autorités recommandent de ne pas rester les bras croisés. «Il faut déposer plainte auprès de la police et entreprendre les autres démarches nécessaires auprès des prestataires concernés», rappelle Tiffany Cudré-Mauroux, chargée de communication et porte-parole de la police genevoise. Parmi les conseils prodigués: «Ne donnez jamais d’informations sur vos coordonnées bancaires ou sur votre situation financière» ou encore «n’hésitez pas, raccrochez!». 
La police alerte également sur les procédés déployés par les arnaqueurs, notamment en ce qui concerne la fausse qualité, par exemple un faux employé bancaire ou un faux policier. «En pratique, soit l’escroc utilise l’intimidation en mettant la victime «sous pression» et la maintient au téléphone le temps nécessaire au transfert des fonds, soit il y a plusieurs appels effectués par divers intervenants (service de sécurité, gestionnaire, autre prestataire) pour consolider le mode opératoire», détaille la chargée de communication. 
Aide au public
A noter que les forces de l’ordre ont réalisé des micro-trottoirs autour de cette thématique. Là aussi, l’objectif consiste à faire de la prévention. 
Mais la police genevoise n’est pas la seule entité concernée par cette problématique. En première ligne face à cette vague de démarchages téléphoniques intempestifs, on retrouve également la Fédération romande des consommateurs (FRC), qui travaille elle aussi sur ces questions. Pour lutter contre le phénomène, elle propose son aide au public, par exemple dans le cas où vous seriez harcelé par le même call center, ou dérangé par un démarcheur se faisant passer pour une organisation de consommateurs. Dans ce genre de cas, elle a mis en place une petite astuce, qui consiste à donner l’adresse de la FRC comme lieu de rendez-vous à la personne qui vous démarche. Alors que, souvent, ces appels sont passés pour le compte d’un tiers, notamment des courtiers, la FRC leur tend un véritable piège: «Nous nous chargerons d’accueillir le courtier qui aura racheté votre rendez-vous au call center. Notre Fédération lui rappellera les règles de base dans la prise de contact avec la clientèle. Vu les changements de loi que nous avons obtenus (filtrage des appels par les opérateurs, sanctions des courtiers qui travaillent avec des centrales d’appels peu respectueuses, etc.), nous espérons que ce type de démarchage cesse entièrement», détaille la Fédération. 
Etre sec et ferme
La FRC recommande également de demander que vos adresses et numéros soient marqués d’un astérisque dans l’annuaire téléphonique. Une possibilité prévue par l’Ordonnance sur les services de télécommunication qui peut grandement aider à se prémunir contre tout appel non désiré. Mais la FRC le reconnaît tout de même «malheureusement, trop de sociétés et de call centers ne respectent pas l’étoile apposée à côté de votre numéro de téléphone». Sa solution? «Faites-le leur remarquer de manière sèche et ferme, puis raccrochez en n’oubliant pas de leur demander de vous biffer de leur fichier d’adresses! 
Au niveau fédéral, la problématique est essentiellement aux mains du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), qui lutte contre ces phénomènes. «En 2023, il a déposé plainte contre huit auteurs d’arnaques à l’annuaire, sur un total de 11 plaintes. Les trois autres plaintes ont été déposées auprès des ministères publics cantonaux et concernaient des pratiques commerciales trompeuses dans les domaines des compléments alimentaires et des appels téléphoniques payants vers des numéros surtaxés. Dans un cas, le prétexte fallacieux misait à dessein sur la confusion avec un quotidien connu», détaille Philippe Barman chef de secteur au SECO. 
En un an, le secrétariat peut recevoir des milliers de réclamations pour des pratiques commerciales déloyales. Rien qu’en 2021, 13'000 réclamations concernaient des appels publicitaires et 1000 environ des pratiques trompeuses. Cette année-là, 11 plaintes avaient déjà été déposées, qui avaient donné lieu à 23 ordonnances pénales et jugements de tribunaux ou de ministères publics cantonaux. Trois ans plus tard, la situation n’a donc quasiment pas changé. Espérons que les nouvelles règles aient davantage d’impact.

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