FÊTES • La période de Noël fournit l’occasion de cuisiner et de déguster de nombreux biscuits, pains d’épices, bonshommes en pâte, biscômes, bûches de Noël et galettes des Rois. Théologien et gastronome, familier des liens entre alimentation et religion, Olivier Bauer décrypte la tradition multiséculaire des biscuits de Noël, une tradition qui perdure dans une Suisse qui se déchristianise.
Les biscuits ont comme lointaines ancêtres les galettes préparées en Egypte, il y a 10’000 ans. Mais leur histoire commence au XIe siècle avec la fabrication de pains aromatisés avec les épices rapportées des voyages en Orient. Selon le Patrimoine culinaire suisse, les premiers «biscuits suisses» sont vendus à Zurich au XIVe siècle. Ce sont des pains à la cannelle, à la cardamome, au gingembre, au girofle et à la muscade.
Ils se répandent à Bâle où sont produits alors les Lepkuchen, ancêtre du leckerli, à Appenzell avec les Biberli. En 1559, un livre de recettes paru à Coire propose la recette du milanais. La Suisse romande connaît le biscôme et le bricelet.
D’où vient Noël?
A la fin du Ier siècle, le christianisme affirme que Jésus est vraiment homme et vraiment Dieu puisqu’il est né de Marie après avoir été conçu du Saint-Esprit. Mais il faut attendre le IVe siècle, pour que le christianisme fête la naissance de Jésus.
Il fixe alors Noël au 25 décembre, non pas parce que ce serait le jour où Jésus serait né, mais pour signifier qu’il est la lumière.
Au cœur de l’hiver, quand les nuits sont particulièrement longues, il récupère à son profit différentes fêtes romaines de la lumière, liées au Dieu perse Mithra, mais aussi au «Soleil invaincu».
D’où viennent les biscuits?
Dès le XVIe siècle, on accroche des hosties aux premiers sapins de Noël dressés dans les églises alsaciennes. Petit à petit, on leur ajoute d’autres pâtisseries meilleures au goût. Mais parce qu’ils étaient confectionnés pendant un temps de carême, les biscuits de Noël ne pouvaient pas contenir d’ingrédient d’origine animale, ni beurre ni œuf. Les amandes et les noisettes moulues permettaient de donner au biscuit le moelleux du gras. Mais les biscuits de Noël valent aussi par leur apparence. Les emporte-pièce en font des étoiles ou des sapins, les moules donnent des enfants en pâte à pain. Les biscômes portent l’empreinte d’une crèche, un ours, l’image d’un père Noël ou du saint Nicolas.
Les spécialités suisses
D’après une recherche sur Internet, la Suisse privilégie à Noël les biscuits à l’anis (Chräbeli), les bruns de Bâle (Brunsli) et les miroirs ou coquins (Spitzbube). Mais il en existe beaucoup d’autres, plus régionaux. Le Patrimoine culinaire suisse évoque surtout des biscuits suisses allemands: les Fastenwähe (au cumin) de Bâle ou les Brienzer Krapfen (beignet aux poires) de Berne. En 1962, «L’Atlas du Folklore suisse» indiquait que la Romandie mangeait de la bûche à Noël et le Tessin le panettone. Il indiquait que la Vallée-de-Joux mangeait des «tartes à la papette» (à la compote de fruits) pour les fêtes de fin d’année, que Genève préférait les beignets frits, que les Montagnes neuchâteloises réservaient les bonshommes en pâte pour Noël tandis que Fribourg les servait déjà à la Saint-Nicolas et que dans le Jura, on partageait la tresse de Noël.
Qu’on les achète tout prêt dans une boulangerie ou sur un marché de Noël, qu’on les confectionne patiemment dans sa cuisine, ou qu’on se contente d’abaisser et découper un bloc de pâte acheté dans un supermarché, les biscuits contribuent à renforcer la valeur positive associée à Noël, à insuffler un peu de douceur dans un monde trop souvent rempli d’amertume, de propos qui piquent et du sel des larmes.