Fin de la FM: la radio passe 
au tout numérique

Rédigé par
Tadeusz Roth
Genève

NOUVELLE ÈRE • Nos anciens transistors sont devenus en partie muets depuis la fin de l’année. Une mesure  qui touche notamment les seniors, souvent très attachés à leurs émissions. 

Un grand silence. Depuis le 31 décembre, plus aucune émission de la SSR (Société suisse de radiodiffusion) ne sera diffusée en FM. Résultat? Si vous avez toujours votre ancienne radio, il ne vous sera plus possible d’écouter les principales stations publiques, comme la 1ère, Couleur 3, Option Musique ou encore Espace 2. Pour continuer à les capter, deux solutions: passer par Internet ou se doter d’une radio en DAB+ (Digital audio broadcasting en anglais), un système de radiodiffusion numérique standardisé.
Technologie obsolète
D’après la RTS, qui annonce régulièrement cet arrêt programmé pour prévenir ses auditeurs, la FM est désormais «une technologie obsolète que la Suisse a décidé d’abandonner». Pour la Radio télévision suisse, cette nouvelle est vue d’un bon œil. «La technologie DAB+ offre une meilleure qualité sonore et un plus grand choix de programmes que la bande FM. Elle est en outre accessible gratuitement, sans besoin d’abonnement Internet, y compris dans des régions où la téléphonie passe mal. La nouvelle technique de diffusion permet une meilleure maîtrise des coûts d’entretien des émetteurs, notamment grâce à l’efficience énergétique du DAB+», explique l’entreprise de service public. 
Adapter sa vieille voiture
Derrière ces réjouissances, quelques limites pointent toutefois le bout de leur nez. Notamment pour les automobilistes avec une voiture ancienne qui, déjà pénalisés par la hausse de l’impôt, seront également contraints de se mettre à jour pour leur radio. Pour cela, il faudra se munir d’un adaptateur. D’après la RTS, l’installation d’un boîtier serait le moyen le plus simple et le moins cher. Concrètement, il s’agit de petits dispositifs, disponibles dans les magasins d’électronique. Autres possibilités? Faire appel à son garagiste ou encore télécharger une application mobile de diffusion. «Les automobiles moins récentes devront s’équiper en DAB+ pour continuer de capter les chaînes RTS et donc les informations routières, mais aussi pour écouter toute station radio dans les tunnels, où la FM ne passera plus l’an prochain. A domicile, il n’y aura aucun changement pour les ménages écoutant la radio via le téléréseau», indique la chaîne.
Un choc pour les seniors
Parmi les plus touchés par l’arrêt de la FM, les aînés, dont beaucoup disposent encore d’un vieux transistor. De quoi inquiéter l’Association de défense et de détente de tous les retraités et futur retraités (AVIVO), qui suit de près ce dossier pour informer les seniors concernés. «Malheureusement, de nombreuses personnes ne vont s’apercevoir de la disparition de la FM que le jour où cela va couper. Pour elles, ça risque de faire un choc», redoute Ueli Leuenberger, président de l’Avivo. 
L’association relève notamment le fait que la radio accompagne encore une partie des seniors au gré de leur journée. Elle redoute l’impact négatif d’un arrêt de la diffusion, même limitée. «Ce sont des rendez-vous, plus ou moins précis, qui rythment l’existence de certains aînés. La radio a donc une importance cruciale. Certains vont être plongés dans le silence. Cela renforce la fracture numérique», déplore le président. 
Pour faire face, l’Avivo organise régulièrement des cours pour aider cette catégorie de la population à prendre en main les outils numériques. Des cours en partie prodigués par des «digital seniors», qui ont d’ores et déjà fait leurs preuves. 
Mais ce n’est pas tout. Autre problème? Le coût pour acquérir une nouvelle radio. «Nos aînés n’ont pas toujours les moyens de faire une dépense supplémentaire. Cet élément renforce lui aussi le fossé numérique», regrette Ueli Leuenberger. Qui avance une piste: «Je suis certain que de nombreux ménages possèdent plusieurs radios à la maison. Il serait judicieux de mettre en place un système dans lequel un de ces postes pourrait être donné à un senior dans le besoin.» 
Sursis pour les radios privées
Heureusement, si la radio publique n’émettra bientôt plus en FM, ce n’est pas le cas des radios privées, qui ont le droit d’émettre au-delà de cette année et assureront ainsi la transition. Une période qui promet d’être scrutée par les différents acteurs de la branche. Parmi eux, Alexandre de Raemy, administrateur délégué de Media One group, qui réunit plusieurs chaînes, notamment Radio Lac et One Fm. «Nous avons encore la possibilité de diffuser pendant les deux prochaines années. Grâce à ça, nous allons observer comment le public va réagir. Est-ce que les auditeurs vont changer? Est-ce qu’il y aura un impact? Pour l’heure, il est trop tôt pour le dire.»
Contrairement à son concurrent public, Media One se réjouit de pouvoir assurer ses programmes en FM. «Nous pensons que la transition est une bonne chose. Mais en tant que chaînes privées, pour nous, chaque auditeur compte. Contrairement à la SSR, nous ne pouvons pas prendre le risque d’en perdre», explique Alexandre de Raemy. 
Plus largement comment est perçue cette évolution technologique du côté des acteurs privés? «Si le DAB+ permet une meilleure qualité, il offre également un large choix de radios. Pour nous, c’est potentiellement un problème, dans la mesure où cela multiplie le nombre de stations pouvant être écoutées. Dans un contexte hyperconcurrentiel dans lequel le marché de la publicité est tendu, j’émets beaucoup de réserves», s’inquiète l’administrateur. 
Malgré tout, le groupe dit voir la suite des événements plutôt sereinement. «Je pense que la radio a toujours su s’adapter et que ce média a encore de beaux jours devant lui. Mais il faudra faire preuve de réactivité et de créativité», conclut le responsable.

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