
Le protoxyde d’azote se répand comme une traînée de poudre chez les jeunes au point qu'un véritable business s’est développé sur Snapchat. Des mesures sont mises en place pour prévenir et endiguer le fléau qui peut gravement affecter la santé.
C’est drôle, cela fait rire, et même beaucoup, mais en réalité cela peut être très moche et méchant, tant ses complications peuvent faire des ravages chez ceux qui en font un mauvais usage… Depuis quelques mois en effet, le protoxyde d’azote connaît un regain d’intérêt en Suisse romande, particulièrement chez les jeunes générations. Le phénomène n’est certes pas nouveau, il remonte même à la découverte de ce gaz utilisé initialement en médecine, mais il revient régulièrement sur le devant de la scène par vagues successives.
Découvert au 19e siècle
Mais de quoi s’agit-il exactement? Découvert au 19e siècle, le protoxyde d’azote, appelé également gaz hilarant, a longtemps été, et est toujours utilisé en médecine comme analgésique ou anesthésiant. Seulement voilà: à l’inhalation, il a également un effet euphorisant, de courte durée mais intense. Une capacité à mettre facilement de bonne humeur qui lui a très vite conféré un usage récréatif.
Risques liés à la dose et à l’environnement
«La première fois que je l’ai testé, c’était il y a quelques mois lors d’un anniversaire qui se déroulait au centre-ville de Lausanne. L’effet dure à peine 30 minutes, mais on a clairement l’impression que ça dure bien plus longtemps, tant on plane dans un autre monde, et c’est d’autant plus amusant que l’on se retrouve avec une voix très aiguë», raconte Julie*, 17 ans, qui avoue ne pas avoir répété l’expérience, l’un de ses amis français étant depuis devenu paraplégique à la suite d’une consommation frénétique du protoxyde d’azote.
Risques de décès
«La consommation de ce gaz peut induire plusieurs risques selon la dose utilisée et l’environnement dans lequel on se trouve, explique le Dr Marc Augsburger, responsable de l’Unité de toxicologie et chimie forensiques du Centre universitaire romand de médecine légale. Le premier de ces risques est la consommation concomitante d’alcool ou de substances psychotropes. Le second est celui du manque d’oxygène lié à l’usage du ballon de baudruche qui permet de l’inhaler et qui peut aller jusqu’au décès dans les cas extrêmes. Et puis enfin, en cas d’usage chronique, le protoxyde d’azote peut induire des dégâts au niveau de certaines structures cérébrales, avec dans les cas les plus graves, des atteintes irréversibles.»
Produit facile d’accès
En dépit de tous ces risques, il est très facile d’acquérir du protoxyde d’azote. Et pour cause, ce gaz, également utilisé dans des aérosols pour provoquer un effet de mise sous pression, peut librement être acheté dans le commerce pour un usage culinaire, sous forme de cartouches pour siphons de crème fouettée. Mieux, ou pire encore, il est aussi très facile de s’en procurer d’importants volumes sur les réseaux sociaux.
«Sur Snapchat par exemple c’est un vrai business et on peut s’en procurer comme on se procurerait de la drogue en s’adressant à des spécialistes, détaille Julie. Il y a de vrais dealers qui proposent de très grosses bonbonnes et même assorties de ballons colorés pour agrémenter leur offre».
Parlement unanime
En mai 2024 déjà, le député socialiste genevois Léonard Ferati déposait une motion au Grand Conseil. Directeur adjoint d’une structure éducative, l’élu affirme être particulièrement sensible aux problématiques visant les adolescents. «Dans mon texte, je souhaitais que Genève puisse agir à la fois de manière coercitive et préventive. Je voulais tout d’abord interdire la vente de ce gaz à des mineurs. Interdiction que je souhaitais voir appliquée dans l’ensemble des petits et grands magasins. J’avais également demandé qu’une prévention expliquant tant les risques intrinsèques du protoxyde d’azote que ceux découlant d’un mélange avec de l’alcool ou d’autres stupéfiants soit diffusée de manière détaillée à la jeune population. La réponse du Conseil d’Etat, saluée unanimement par le parlement, me semble la bonne riposte», affirme-t-il.
Contrôles inopinés
Depuis l’adoption de la motion, des contrôles inopinés sont effectués dans l’ensemble des enseignes genevoises et dans les discothèques. Selon le député: «Ces actions sont couplées avec de la prévention faite auprès des commerçants qui ne sont pas toujours au fait de la manière dont ce produit peut être détourné. En outre, des brochures exposant les divers dangers liés à ce gaz dit récréatif sont en cours d’élaboration. Elles devraient être distribuées aux élèves du canton.»
Le Département de la santé et des mobilités (DSM) est pleinement conscient de la problématique de l'exposition des jeunes au protoxyde d’azote et des risques pour leur santé. Il précise d’ailleurs que: «Le Conseil d'Etat a répondu en décembre dernier à une motion du Grand Conseil demandant la mise en place d'un plan d'action contre l'usage détourné de ce produit.
Dans son rapport, 4 axes de mesures sont identifiés, à savoir la réalisation de contrôles appropriés, la création et la rédaction d’un cadre juridique cantonal spécifique, l’élaboration et le lancement d’une campagne de sensibilisation auprès de la population cible, ainsi qu'une coordination à l’échelle nationale.»
Le service de la consommation et des affaires vétérinaires, autorité cantonale de surveillance pour les produits chimiques, travaille à la mise en œuvre de ces 4 axes, en collaboration avec l'ensemble des acteurs impliqués, affirme-t-on de même source.