Genève est-elle à l'abri d'un black-out comme celui de l'Espagne?

Rédigé par
Gil Egger
Genève

Electricité • La péninsule ibérique  et le Portugal plongés dans le noir, cela nous interpelle. Et si cela nous arrivait?  La Suisse est à l’abri, enfin, presque.

Un effondrement du réseau n’est pas quelque chose de commun. Cela n’arrive pas souvent, ce fut le cas en Californie il y a deux ans, à cause de fortes chaleurs. Le recours massif et général aux climatiseurs a boosté la demande et patatras! Le réseau n’a pas tenu. Il a fallu plusieurs heures pour le rétablir. En Espagne la cause n’est pas connue (voir encadré). Et si quelque chose de semblable se produisait en Suisse? Ce n’est pas probable, voici pourquoi.
Réseau sous surveillance
Le réseau est géré par Swissgrid. Il n’a constaté que de légères fluctuations lors de la panne espagnole. Ce ne sont pas des situations rares, et plus le réseau est vaste et interconnecté, moins les variations ont d’importance.
Alors, qu’est-ce qui pourrait nous plonger dans le noir? Ne demandez pas cela à un ingénieur qui passe son temps à ce que cela ne se produise pas! En insistant, il admet qu’un tel incident pourrait survenir si une combinaison de facteurs intervenait: événements climatiques extrêmes, erreurs techniques (ça, c’est le facteur humain), instabilités dans le réseau européen. Swissgrid ajoute: «Des petits écarts sont fréquents, et leur compensation à l’aide d’énergie de réglage fait partie du travail quotidien d’un gestionnaire de réseau. Les écarts plus importants sont extrêmement rares, et comme pour tout événement exceptionnel, leur évolution est difficilement prévisible.»
Espagne: la question du renouvelable
L’une des causes de la panne géante en Espagne et au Portugal pourrait être le recours massif aux énergies renouvelables. On a évoqué la cessation de livraison pratiquement simultanée de deux parcs solaires. Un, c’était gérable, deux, le réseau s’est mis en protection. Encore une fois, il pourrait y avoir eu d’autres événements, météorologiques par exemple. En Californie déjà, l’aspect intermittent du renouvelable posait question. La chaleur torride (record mondial de 54,4 degrés dans la vallée de la mort) était survenue sans aucun vent, donc les éoliennes ne tournaient pas. Le solaire est lui aussi intermittent. Stocker de l’énergie est problématique si l’on pense aux batteries. Le nucléaire, même dans la Californie très écolo, n’est pas écarté.
En Suisse, nos stations de pompage-turbinage (comme le barrage de l’Hongrin) interviennent en priorité, pour créer de petits réseaux insulaires alimentant les premiers consommateurs. Nous sommes finalement assez bien dotés!

Des pannes partout 

Aucun pays n’est épargné. 600 millions de personnes furent impactées en juillet 2012 en Inde. Trains arrêtés, mineurs bloqués pendant des heures dans les mines de charbon, etc. A l’époque, la vétusté du réseau a été mise en cause. En 2023, le Pakistan a connu une mésaventure similaire qui a touché 220 millions de ses citoyens. En 2006, 15 millions de Français, d’Allemands, de Belges, de Hollandais, d’Italiens et d’Espagnols se retrouvent sans courant, heureusement pendant une demi-heure seulement. Les Etats-Unis et le Canada sont victimes d’une panne générale en été 2003, affectant 50 millions de personnes, pour une cause que chaque pays renvoie à l’autre. En 1965, il avait fallu treize heures pour redonner vie au réseau, 30 millions de foyers étaient dans l’obscurité à cause d’une surtension dans une centrale des chutes du Niagara. La foudre a frappé plusieurs fois à New York en 1977, le black out suscitant des pillages (4000 arrestations!). Déjà en 1978, trois quarts de la France subissaient une interruption de quatre heures. Seul l’Est était épargné grâce à l’Allemagne et à la centrale française de Fessenheim, fermée en 2020.

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