"Je suis un passeur de plats entre les administrations et le public"

Canton & Communes

Bilan • Son «ministère», inscrit dans la Constitution en 2012, a nécessité de longues années avant d’être opérationnel. Premier ombudsman genevois, élu en 2018, Edouard Sabot est indépendant mais pas autonome. Son action se déploie auprès des administrations cantonale et communale ainsi que des établissements publics autonomes. Et pourtant, il est quasi seul à bord pour régler les différends entre les citoyens et la fonction publique. Bref: le médiateur administratif cantonal a-t-il les moyens et les coudées franches pour résoudre les dizaines d’antagonismes, désaccords et autres dissensions entre ceux qui appliquent les règles et la cité? 

GHI: Sans vouloir être désobligeante, on peut parier que bon nombre de Genevois ignorent votre existence. Comment expliquez votre discrétion excessive? 
Edouard Sabot: Au moment où le service a été créé, il devait être doté d’un médiateur, un adjoint, un juriste et un assistant administratif. Mais, je travaille avec l’aide unique d’une collaboratrice administrative. Toutefois, une disposition prévoit mon remplacement en cas d’indisponibilité liée à la maladie ou au service militaire. Pour le surplus, si je suis trop visible, je risque de ployer sous les dossiers. Or, je n’ai ni l’envie de répondre de manière insatisfaisante aux citoyens ni celle de traiter les cas dans des délais interminables. Ce d’autant que j’ai l’obligation légale d’agir avec célérité. Au cours du prochain mandat, qui prend effet le 1er décembre 2024, un engagement à hauteur de 60% devrait toutefois renforcer les rangs.

Comment expliquez-vous «ce manque d’engouement» à l’égard de votre mission. Les cantons de Zurich et Vaud sont mieux pourvus que Genève? 
Certains politiques estiment que je joue un rôle de super assistant social en tentant de démêler des imbroglios administratifs. Ils arguent que cette mission est déjà remplie par des organismes publics et privés.

Soit, l’an passé 415 plaintes sont parvenues sur votre bureau. Pouvez-vous en synthétiser la nature? 
Si je devais établir un classement, je dirais que tout ce qui touche à l’argent – (prestations ou subsides non versés), et fiscalité – figure aux premières places. Au cours de mon mandat, j’ai dû traiter du cas d’un contribuable qui menaçait de mettre fin à ses jours parce qu’il ne savait pas comment faire face à la facture, plusieurs centaines de milliers de francs, réclamée par l’administration fiscale. Les requêtes concernent aussi la surnumérisation et l’absence de répondant physique ou de lien téléphonique au sein de certains services.

Les plaintes qui vous sont adressées sont-elles justifiées? 
Parfois il s’agit d’une simple incompréhension face à une procédure mais dans 183 cas, une médiation a été nécessaire. J’ajoute que je suis aussi sollicité par les administrations qui rencontrent, elles aussi, des difficultés avec certains citoyens.

Vos interventions n’ont pas force de loi. Ce n’est pas frustrant? 
Ma mission est hors du cadre juridique, je suis un facilitateur, un passeur de plats entre les administrations et le public. Je peux faire des recommandations, rencontrer les chefs de service pour tenter de trouver des solutions. Cependant, il m’est arrivé à quatre ou cinq reprises, face à des lenteurs administratives, de taper du poing sur la table.

Les services publics sont donc dans l’ensemble réceptifs à vos demandes? 
Oui. Mais il arrive qu’ils ne soient pas en mesure, faute de moyens, de satisfaire aux requêtes des plaignants dans des délais raisonnables. Dans certaines situations, c’est le citoyen qui est en cause.

Vous briguez un nouveau mandat. Avez-vous des idées pour accélérer certaines démarches sclérosées (prestations complémentaires, subsides de l’assurance maladie) qui péjorent la situation de personnes vulnérables?
J’aimerais encourager la mobilité des fonctionnaires. En clair, certains pourraient temporairement, lors de situations tendues, prêter main-forte à leurs collègues.

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