La rentrée approche, mais le niveau scolaire s’éloigne de l’excellence

Société

L’école obligatoire peine de plus en plus à faire rentrer les savoirs de base dans nos chères têtes blondes. En Suisse, 35% des jeunes de 15 ans n’ont pas le niveau en lecture et en mathématiques. Des professionnels s’en inquiètent et esquissent  des solutions.

Si la rentrée approche, le niveau scolaire des élèves, lui,  s’éloigne dangereusement de ce qu’il fut il y a seulement dix ans. Ce constat est confirmé par l’expérience de nombreux enseignants.  A l’instar de Marie-Laure, prof de  45 ans, une bonne part déplore qu’«une grosse proportion des élèves de 12 à 15 ans sont incapables de comprendre des textes complexes, de faire des calculs basiques de tête et même de s’organiser dans leur travail, ce qui les empêche d’avancer efficacement dans les apprentissages… Leur mémoire de travail et leur esprit critique ont baissé notablement ces sept dernières années. Et je suis obligée de revoir mes attentes à la baisse!»  se désole-t-elle.
Des chiffres inquiétants
En mai, une étude, menée sous l’égide de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de l’instruction publique, révélait qu’à peine 41% des élèves romands atteignaient les objectifs minimaux en orthographe en fin de scolarité obligatoire. Ce chiffre chutait à 40% à Genève contre 50% dans le Jura et 44% en Valais. En outre, la dernière étude PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves) indiquait qu’en Suisse, 35% des jeunes de 15 ans n’ont pas les compétences de base en lecture et en mathématiques. Et aussi que le niveau baisse dans ces matières clés, respectivement depuis 2012 et 2009… Pour mémoire, en 2016 déjà, une autre étude nationale constatait une baisse du niveau d'orthographe en Suisse depuis les années 50, avec une nette accélération sur les dernières décennies… 
La Vaudoise Jacqueline de Quattro fustigeait cette situation «lamentable» sur Blick.ch en juin. «Au moment où l’IA s’immisce dans notre quotidien, il est indispensable de renforcer les compétences de base», analyse la conseillère nationale. Laquelle déplore que «la majorité de nos enfants passe plus de temps sur les réseaux sociaux qu’à faire leurs devoirs». Soit «une dépendance qui peut les rendre influençables, vulnérables». Marie Pedroni, auteur du livre Désolé pour l'orthografe (Ed. Favre, 2023), estime que des responsabilités sont à trouver dans l'institution scolaire, chez les parents et dans l'omniprésence des écrans. «Il faudra voir si le retour aux fondamentaux, réclamé par une grande partie de la population, se concrétise. Nous faisons face à un problème, qui dépasse les murs de l'école, et il n'est pas certain qu'elle arrive à «redresser» la situation seule», craint cette professeure de français.
Un boulevard pour le privé…
Philippe Favre, auteur du livre Ecole à la dérive? Cap sur les solutions (Ed. Favre, 2025) déplore que la formation des enseignants soit «focalisée sur la pédagogie au détriment de la maîtrise de sa matière et de l’orthographe»; la perte massive de l’autorité des maîtres en classe; et le fait que les parents ne tirent pas toujours à la même corde que les enseignants dont ils se méfient même souvent… 
Le spécialiste invite à mettre un terme à la médicalisation de l’échec scolaire. «L’échec fait partie du processus d’apprentissage», rappelle-t-il. Pour lui, élus et directeurs d’établissement doivent restaurer les enseignants dans leur rôle de maître de la classe. Et ce en recréant les conditions pour qu’ils connaissent bien leurs élèves et ce qui marche avec tel ou tel profil. Les professeurs, de leurs côtés, doivent intégrer et responsabiliser les parents dans la recherche de solutions pour leur enfant. «Sans cela, on continuera à aller vers une école à deux vitesses et à tracer un boulevard pour les établissements privés», prédit cet enseignant fraîchement retraité. 

Le Département de l’instruction publique tempère 

Contacté, le Département de l’instruction publique estime que les données relatives aux compétences fondamentales n’offrent «pas encore assez de recul pour parler d’une baisse du niveau scolaire». Le DIP rassure en soulignant que, selon la dernière PISA (programme international pour le suivi des acquis des élèves), la performance de la Suisse est supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE en mathématiques, sciences et lecture. Mais, le Département concède tout de même depuis 2015 «une légère baisse des compétences des élèves suisses de 15 ans en mathématiques» et souligne que, dans le même temps, les résultats sont «relativement stables» en lecture. Des actions concrètes sont engagées afin de renforcer les exigences en orthographe. «Dès l’entrée en scolarité, les compétences orales des élèves – qui préparent à la maîtrise de l’écrit – font l’objet d’une attention particulière et sont enseignées spécifiquement grâce aux nouveaux manuels romands. Et dès la rentrée 2025, les planifications de l’enseignement seront revues afin de placer plus souvent les élèves dans des situations de production écrite incluant le travail sur le traitement orthographique», explique la chargée de communication Constance Chaix. Dans ce contexte, des dictées régulières seront prévues. Une semaine thématique sera agendée dans les classes autour de l’orthographe, avec notamment un grand concours de dictée. D’autres événements tels que la Journée de la lecture à voix haute ou la Semaine de la langue française et de la francophonie seront aussi valorisés dans les écoles genevoises.  

En savoir plus