ENSEIGNEMENT • Face à une pénurie alarmante de spécialistes en technologies de l'information et de la communication (TIC), estimée à 40’000 postes vacants en Suisse d'ici 2030, Djawed Sangdel, député Libertés et Justice sociale (LJS) et professeur à l’institut privé Swiss Umef, appelle à la création d'une Haute école numérique à Genève.
Son objectif – débattu au sein de la commission de l’enseignement supérieur du Grand Conseil – est en effet de faire de la cité de Calvin un acteur central des transitions technologiques et d’anticiper les besoins croissants en la matière. Le projet n’a pas convaincu la majorité parlementaire. Mais l’élu ne baisse pas les bras.
L’IA: un levier stratégique
L’intelligence artificielle (IA) transforme en profondeur des secteurs essentiels tels que la santé, l’éducation et la cybersécurité. En automatisant des tâches complexes et en offrant des solutions innovantes, elle représente un outil indispensable pour renforcer la compétitivité économique et améliorer les services publics. C’est le constat que fait le parlementaire: «Si nous hésitons à investir dans une Haute école numérique, nous risquons de payer le prix fort. Trouver des solutions dès aujourd’hui est une nécessité stratégique pour garantir notre place dans l’économie numérique de demain.»
Et d’ajouter: «Un rapport de Digitalswitzerland estime que la pénurie de talents numériques pourrait coûter des milliards de francs à l’économie suisse d’ici 2030.
Agir maintenant est indispensable pour éviter un recul technologique majeur et préserver la compétitivité de Genève et de la Suisse.»
Un rôle clé
Selon Djawed Sangdel, il ne s’agit pas seulement de combler un déficit en compétences numériques mais de garantir une souveraineté technologique. «Une institution dédiée pour préparer nos jeunes à relever les défis à venir est dès lors essentielle.» Mais ce n’est pas tout, l’élu met en garde contre les conséquences de l’inaction: «Il y a un risque de délocalisations. Certaines entreprises, comme La Poste, déplacent leurs équipes technologiques à l’étranger pour pallier le manque de talents locaux. En outre, l’absence de spécialistes rend le canton vulnérable s’agissant de la sécurité des données sensibles. Enfin, nous pourrions perdre notre rôle de leader face à des régions mieux préparées.»
Six Hautes écoles
Déjà doté de six hautes écoles spécialisées, le canton renforcerait-il son attractivité internationale grâce à cette nouvelle infrastructure? «La Haute école formerait en effet des experts dans des domaines stratégiques tels que l’intelligence artificielle, la science des données et la cybersécurité.»
En dépit de son argumentaire, l’universitaire a soulevé les objections de certains commissaires. Lesquels arguent des coûts élevés d’un tel établissement et des complexités intercantonales.
Enseignement transversal
Parmi les opposants, la députée PLR, Véronique Kämpfen, assure que: «Genève et la Suisse romande ne sont pas à la traîne en termes de formation. Les hautes écoles intègrent le numérique dans leurs programmes que ce soit en architecture ou en gestion. Les universités et les écoles polytechniques dispensent, elles, des enseignements très spécialisés qui répondent aux besoins des entreprises en quête de profils spécifiques. Des secteurs proposent d’ailleurs des formations continues à leur personnel afin d’optimiser leurs compétences. Les différentes auditions d’experts ont démontré que le développement numérique doit se faire de manière transversale. C’est pour cette raison que la majorité de la commission a rejeté la motion.
Etude de faisabilité
Le groupe LJS prévoit cependant de déposer un amendement visant une étude de faisabilité lors de la prochaine séance plénière de la fin novembre. Malgré l’opposition des groupes PLR, UDC et Le Centre, Djawed Sangdel reste confiant: «Nous espérons qu’ils soutiendront cette démarche pragmatique pour évaluer la viabilité de cette proposition. Il est temps de reconnaître la formation numérique comme une branche principale et non comme un simple complément. Cette proposition est cruciale non seulement pour l’avenir de notre canton, mais aussi pour la Suisse.»