Les chasseurs d’apparts prolifèrent aux dépens de clients aux abois

Rédigé par
Adélita Genoud
Genève

Les chasseurs d'appartements onet le vent en poupe, alors que tarifs peuvent aller de quelques centaines de francs au montant de plusieurs loyers. La Chambre immobilière genevoise et l’Asloca ne cachent pas leur scepticisme face à cette prestation.

Flambée démographique, vieillissement de la population et décuplement des familles monoparentales pèsent sur la pénurie d’appartements. L’an dernier, le taux de vacance du parc immobilier genevois se situait à 0,46%. Autant dire loin des 2%, annonciateurs d’une détente du secteur. En dépit des constructions et des projets de développement en ville comme dans la totalité des communes genevoises, la course aux logements reste effrénée. Une situation aiguë qui semble donner des ailes aux chasseurs d’appartements. Si certains de ces prestataires de services ont pignon sur rue, d’autres font tourner leur boutique avec le simple bouche-à-oreille. Explication. 

Dossiers filtrés

Créé il y a quelques mois, Chasseur immobilier Genève se présente comme un facilitateur d’accès à la location ou à l’achat d’un bien. Comme l’explique son responsable: «Dans un marché locatif genevois tendu, nous sommes là pour permettre aux propriétaires de gagner du temps en sélectionnant des dossiers de candidatures solvables. Et puis, nombreux sont ceux parmi nos clients qui préfèrent mandater un tiers plutôt que d’écumer les plateformes en ligne. A plus forte raison, lorsqu’il s’agit de nouveaux habitants qui ne connaissent pas le canton. Nous sommes un service comme un autre. Ainsi, nous exerçons une sorte de filtre. Les personnes qui ont eu maille à partir avec l’Office des poursuites ou qui n’ont pas de revenus suffisants  – il faut compter 7000 francs pour un appartement loué à 2000 francs – ont peu de chances de passer la rampe. Dès lors, ce sont plutôt des couples ou des personnes qui souhaitent vivre en colocation qui sont privilégiés. Car ils peuvent se prévaloir de ressources financières importantes en raison du cumul des salaires.» Et ensuite? Chasseur immobilier Genève travaille avec un spécialiste du secteur. «Cette personne, qui dispose d’un important réseau de régies et de propriétaires, va pouvoir commencer ses recherches. Selon les exigences du locataire – situation géographique du bien et montant du loyer – le délai d’attente varie entre quelques jours et quelques semaines, mais sans excéder 6 mois. Le montant de notre prestation est fixé à 500 francs pour les frais de dossier auxquels s’ajoute une mensualité», affirme encore notre interlocuteur.

Une affaire de rapidité

Oscar Delabranche cofondateur de Hauspass – établie à Genève et Lausanne – insiste pour sa part sur la nécessité de séparer le bon grain de l’ivraie. «Si nous sommes bel et bien des chasseurs d’appartements, nous agissons en parfaite conformité avec la loi. Notre rôle est avant tout d’aider des locataires d’ici ou venant de l’étranger à se loger. Et si nous parvenons à satisfaire nos clients dans un délai moyen de deux à trois mois, c’est parce que nous intervenons très rapidement. Ceci n’est pas toujours possible pour des personnes qui ont une activité professionnelle particulièrement intense. Moyennant l’équivalent d’un loyer perçu après l’attribution d’un bien, nous recherchons les appartements, préparons les dossiers et nous effectuons les visites aux heures que nous imposent souvent les gérances immobilières et les locataires. Cela requiert aussi une grande flexibilité, ce dont ne disposent souvent pas nos clients. Et c’est précisément cette réactivité qui va nous permettre de satisfaire à la demande. Notre fiabilité – plus de 650 baux signés pour une petite poignée de conflits – nous ouvre les portes des gérances. Y compris lorsqu’il s’agit de candidats étrangers qui ne peuvent fournir ni attestation de non-poursuite ni fiches de salaires en nombre suffisant. Finalement, nous proposons le service client que les régies n’assurent plus». 

Bouche-à-oreille 

D’autres chasseurs d’appartements investissent dans le bouche-à-oreille. Misant sur le rétrécissement de l’offre locative, ils sont directement sollicités par une clientèle qui, de guerre lasse et après maints échecs, parie sur cette «dernière chance». Celle-ci a un prix. Un loyer ou deux à verser pour moitié au moment de la conclusion du «contrat» et le solde à la signature du bail.

Si ces entreprises mettent en exergue leur côté service à la clientèle, elles n’ont cependant pas toujours la cote auprès de représentants des milieux immobiliers.

«Vraiment utiles?»

Christophe Aumeunier, secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière (CGI) demeure à tout le moins sceptique. «Tout d’abord parce que ces chasseurs d’appartements ne sont pas membres des associations professionnelles immobilières. Ensuite, je ne suis pas certain, lorsque ces prestataires garantissent l’octroi d’un bail à leurs clients qu’ils aient véritablement un accès au parc immobilier. Ils ne sont pas en possession d’appartements pas plus qu’ils ne sont à la tête de régies. Sauf, s’ils sont dûment mandatés par un propriétaire, ces intermédiaires ne servent à rien. La meilleure solution pour les personnes en quête d’appartements est de consulter les grands sites Internet immobiliers.» 

«Avoir des locataires dociles»

Avocat à l’Association de défense des locataires (Asloca), Christain Dandrès affirme pour sa part que la crise du logement génère une détresse importante chez des locataires, que certains cherchent à exploiter. «Des activités parasitaires peuvent se développer sur un terreau pareil. Des locataires sont victimes de personnes qui tentent de monnayer leurs services, qui, souvent, ne valent pas l'argent qui est demandé, et qui nuisent parfois même aux locataires», 

prévient-il. Selon lui: «Tout cela est aussi possible parce que l'attribution de logements ne se fait pas sur la base du besoin ou de l'utilité sociale. Grosso modo, les appartements sont aujourd'hui loués aux personnes qui sont dans l'entourage proche ou lointain des régisseurs, du propriétaire, ou de personnes qui disposent d'un carnet d'adresses, ce qui n'est pas le cas de tout le monde. Ce système de pistonnage ou de copinage, si on peut l'appeler ainsi, est d'un grand intérêt pour les bailleurs parce que cela leur permet d'obtenir des locataires fiables selon leur conception, donc des locataires dociles qui ne feront pas valoir leurs droits. Cette pratique, qui n'était pas tarifée jusqu'à présent, commence à le devenir, aussi du fait que des personnes sont prêtes à verser des sommes importantes pour tenter d'améliorer leur situation.». 

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