Manifestation • Evincés des berges du Léman par la Ville, les forains du bout du lac aimeraient revenir là où ils s’installaient chaque année depuis 60 ans. C’est «niet» pour les autorités, qui rêvent de voir les manèges prendre place à Plainpalais.
«Des prétextes, des excuses… mais aucun argument convaincant! On nous a chassés de la Rade de Genève et maintenant, on assiste à un grand n’importe quoi. C’est une immense tristesse et un sentiment d’injustice.» Après avoir découvert les fêtes de Genève qui ne disent plus leur nom, étrangement baptisées «Genève – Genève» cet été, c’en est trop pour les forains genevois. Saleté, insalubrité, manque d’aménagement: photos à l’appui, ils détaillent les dérives de l’événement qui a remplacé leurs manèges au bord du lac. Et les clichés parlent d’eux-mêmes: le mobilier faisait davantage penser à un chantier qu’à une fête, les règles d’hygiène de base semblaient n’avoir pas été respectées et une partie des quais de la rive droite a été transformée en dépôt à ciel ouvert, encadré par des bâches.
Coûts
Mais ce n’est pas tout. D’après les forains, les coûts pour ces réjouissances se chiffreraient à plus de 150'000 francs d’exploitation. De quoi les faire bondir, eux qui, disent-ils, apportaient environ la même somme lorsqu’on les laissait travailler au bord de l’eau. «On est passé d’un événement qui rapporte aux Genevois à une manifestation moche et qui coûte un bras au contribuable», constatent d’une voix les membres des associations foraines. Ils ont le sentiment d’avoir été écartés sans raison valable. «Les autorités nous considèrent comme une nuisance mais autorisent une manifestation bien plus gênante sur tous les plans. Nous avons découvert des fuites d’huile, des câbles électriques qui traînaient un peu partout et une négligence générale. Lorsque nous étions ici, rien de tout cela n’était possible. Comment en sommes-nous arrivés là?», s’étrangle Christian Walder, président de l’Union des forains de Genève, qui représente plusieurs dizaines de familles.
Autre lieu
Et la solution proposée par la Ville – déménager les manèges à Plainpalais – ne satisfait pas non plus les professionnels de la fête. «Il fait 40 degrés sur cette plaine où il n’y a pas d’ombre et pas d’air. En été, les Genevois et les touristes se pressent autour du lac. A Plainpalais, par contre, il n’y a personne. Et puis le revêtement en gorrh pose également des problèmes», détaille Chantal Wetzel, à la tête de l’association foraine de Suisse romande. Les forains demandent de la considération. Mais aussi à être entendus et pouvoir à nouveau prétendre aux quais, desquels ils considèrent avoir été injustement évincés.
De leur côté, les autorités justifient leur décision. «La Ville de Genève a aménagé sur les deux rives de nouveaux espaces de baignade. Pendant tout l’été, sur le quai Wilson, il y a dorénavant un espace avec chaises longues et buvettes en face de l’accès à l’eau», détaille le Département de la sécurité et des sports. Qui ajoute que Plainpalais plaît au public, en attirant des milliers de personnes pendant l’été (Fan zone, Street food festival...). Pour mémoire, le Conseil municipal a refusé l’année dernière une motion du MCG Daniel Sormanni qui demandait un retour des manèges au bord de la Rade. Mais la conseillère administrative Marie Barbey-Chappuis est parvenue à réunir une majorité d’élus pour défendre un déménagement à Plainpalais, estimant que la présence d’un réseau électrique permet d’éviter les génératrices et de préserver les pelouses. D’autres élus, notamment à gauche, considèrent également qu’il s’agit désormais de développer la baignade et les activités sportives. Et que les forains doivent accepter ce changement. Alors, pourquoi la Ville continue-t-elle d’organiser des événements sur la Rade?