
ŒNOLOGIE • Consommés à la maison ou au restaurant, les vins locaux sont de plus en plus plébiscités. Selon Denis Beausoleil, directeur de GenèveTerroir – Office de promotion des produits agricoles de Genève (OPAGE), l’engouement des consommateurs pour les vins du terroir n’est pas un hasard.
GHI: Pourquoi les Genevois se tournent-ils davantage vers les vins locaux?
Denis Beausoleil: Depuis une trentaine d’années, le niveau de qualité a fait un véritable bond en avant, fruit du travail de nos vignerons. Une nouvelle génération, passée par l’école de Changins, a apporté un autre souffle en hissant l’exigence à un excellent niveau. En parallèle, les vignerons ont commencé à sortir de leur cave, à aller à la rencontre de la population et des restaurateurs, à créer du lien. Aujourd’hui, quand vous allez au restaurant, vous trouvez le plus souvent des vins genevois sur la carte.
Ce n’était pas le cas auparavant?
Pas vraiment. Il y avait bien entendu déjà des références mais aujourd’hui le cru local est devenu omniprésent. Même dans des cuisines du monde, comme dans les restaurants chinois par exemple, on trouve du vin genevois. C’est un signe fort.
Qu’est-ce qui a déclenché ce regain d’intérêt?
L’élément déclencheur remonte aux années 1990. C’est à cette époque que les vignerons ont pris un virage décisif. Ils ont réalisé que pour survivre face à la concurrence des vins étrangers, rendue possible par l’ouverture des frontières, il fallait sortir du modèle de production basé sur quelques cépages, comme le pinot noir, le gamay et le chasselas, et miser sur la qualité et la diversité.
Cette transition est-elle propre à Genève?
Oui, en grande partie. Dans d’autres cantons, le marché local se portait mieux à l’époque, donc il y a eu moins de remises en question. Mais Genève était très présent sur le marché du chasselas et du gamay romands, plus vulnérable avec l’arrivée de vins étrangers à bas prix. Ce manque de cépage emblématique, comme la petite arvine en Valais, nous a également poussés à innover davantage en misant sur des nouveaux cépages comme le gamaret à l’époque ou le Divico aujourd’hui.
Comment cela s’est-il traduit concrètement?
Il y a eu une vraie révolution du vignoble. On est passé d’un paysage dominé par trois cépages à plus de 30 aujourd’hui, parfois même jusqu’à 60 si l’on inclut les parcelles d’expérimentation. Ce changement s’est accompagné d’un travail en profondeur sur les méthodes culturales et la vinification. La jeune génération a apporté également un regard neuf en produisant des vins bien adaptés à toutes les gastronomies.
Justement, quel rôle joue la restauration dans cette dynamique?
Un rôle essentiel. D’abord parce que les restaurateurs ont bien suivi l’évolution de cette demande de la part de leurs clients. Ensuite, parce qu’il y a un véritable dialogue entre vignerons et restaurateurs. Ce n’est plus juste une relation fournisseur-client. Ils se connaissent, ils échangent, ils construisent ensemble. Ça change tout.
Malgré cela, les restaurateurs traversent une période difficile.
C’est vrai pour certains: baisse de la fréquentation, difficulté à recruter, des marges qui fondent. A cela s’ajoute une baisse de la consommation du vin en général. Et quand les restaurants souffrent, les vignerons trinquent aussi. Cela a forcément un impact sur la consommation de vin local. Il faut saluer l’initiative des Ambassadeurs du terroir genevois, réalisée en collaboration notamment avec la Société des cafetiers, restaurateurs et hôteliers de Genève, un réseau d’une nonantaine d’établissements qui mettent en avant la production locale, essentielle pour notre canton.