Les maraîchers genevois sont-ils pressés comme des citrons?

Rédigé par
Adélita Genoud
Genève

Terroir • Les maraîchers genevois sont-ils moins bien lotis que leurs voisins  d’outre-Versoix et d’outre-Sarine? Sans doute. Proximité des exploitations avec l’habitat urbain et règlements cantonaux pèsent sur les coûts de production. Les fruits et légumes du terroir ont plus de peine à se frayer un passage jusque dans le panier des consommateurs que ceux en provenance des autres cantons suisses.
Rencontre avec Xavier Patry, directeur général de l’Union maraîchère genevoise (UMG) et président de l’Office de la promotion des produits agricoles de Genève.

GHI: l’an prochain, vous ne pourrez sans doute plus engager d’étudiants pendant la période estivale. Qu’est-ce qui a changé? 
Xavier Patry: En 2020, le salaire minimum a été introduit. Les entreprises agricoles en sont exemptées ou bénéficient d’ajustements pour leurs saisonniers mais ce n’est pas notre cas. Si nous sommes considérés comme relevant du secteur agricole sur divers points, comme l’accès aux crédits d’investissement ou notre implantation en zone agricole précisément, notre statut diffère toutefois s’agissant des conditions salariales de notre personnel. L’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail (OCIRT) nous contraint à appliquer le salaire minimum sur l’ensemble de nos employés, y compris les étudiants qui ne travaillent qu’un mois durant l’été. Notre volonté n’est en aucun cas d’exploiter du personnel de passage mais de pas créer de distorsion entre nos salariés fixes ayant de l’expérience et un rendement plus important que des jeunes, même motivés, qui ne viennent que pour une courte période. Alors, l’été prochain, si les discussions en cours auprès des autorités compétentes, restent lettre morte, nous n’engagerons pas d’étudiants. Nous le regrettons car chaque année, nous recevons des centaines de candidatures. Pour ces jeunes gens, c’était pourtant l’occasion de se familiariser avec le marché de l’emploi et pour nous cela nous permettait d’octroyer des congés durant juillet et août à nos titulaires.

Ce n’est pas le seul frein à votre activité? 
Non en effet. La configuration de notre canton ville n’aide pas à la mise en place de mesures qui pourraient faire fléchir les coûts de production. Ainsi, il faut savoir que nous sommes le seul canton à irriguer avec de l’eau potable fournie par les Services industriels genevois (SIG). De même pour l’énergie , les solutions individuelles telles que centrale à bois ou biogaz ne sont pas envisageables car l’Etat recherche une mutualisation avec d’autres entreprises. Les projets d’agrivoltaïsme se heurtent eux à l’opposition des riverains. Des discussions et des groupes de travail avec l’Etat et ses différents départements sont en cours mais ces démarches sont inévitablement plus longues et fastidieuses que dans d’autres cantons. Car un exploitant qui veut mener à bien un projet individuel n’est pas entravé par nos contraintes.

Quand les Genevois mangent un fruit ou un légume du cru connaissent-ils les étapes qui les ont acheminés jusqu’à leur assiette? 
Non, pas dans la majorité des cas. Et nous sommes nous, les promoteurs du terroir, fautifs car nous sommes restés trop longtemps en retrait. Nous n’avons pas assez expliqué les processus qui mènent de la graine au légume. De même que nous aurions dû proposer des actions didactiques. Mais depuis quelques années, nous multiplions les événements pour faire œuvre de pédagogie en quelque sorte auprès du public. Agri Fête a désormais remplacé la traditionnelle fête de la tomate qui ne mettait pas assez la production en majesté. Chaque année, 6000 enfants issus de 300 classes du canton viennent découvrir les légumes cultivés près du Musée d’art et d’histoire. Nous sommes également en train de concevoir des petites capsules visuelles didactiques qui expliquent de manière ludique la saisonnalité ou qui corrigent les idées préconçues sur les produits de la terre. Ces outils seront à la disposition du Département de l’instruction publique. Au-delà, nous travaillons main dans la main avec les autres offices de promotion de Suisse pour faire émerger des concepts qui donnent une juste place à l’activité agricole.

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