Marie Barbey-Chappuis: "Les Genevois se sentent plus en sécurité"

Rédigé par
Adélita Genoud
Genève

A la tête du Département de la sécurité et des sports de la Ville de Genève, Marie Barbey-Chappuis ne manque ni d’autorité ni de détermination. C’est en tapant du poing sur la table que la magistrate a secoué le cocotier cantonal à propos du déploiement du plan anti-crack élaboré par le Canton. Mais ce n’est pas tout, celle qui se prépare pour un second round à l’Exécutif de la Ville, appelle de ses vœux la réforme des polices de proximité. Rencontre.

GHI: Les habitants qui résident près du Quai 9, aux Grottes, aux Pâquis et à la Jonction sont excédés par la présence des consommateurs de crack notamment. Que leur répondez-vous?  
Marie Barbey-Chappuis:  A la fin de l’année dernière, je suis allée frapper à la porte du Canton pour demander que le plan anti-crack (présenté fin 2023 et fondé sur 4 piliers: prévention, traitement, réduction des risques et répression) s’accélère. Ce train de mesures à large spectre est prometteur. Mais, il tarde à se déployer. Les riverains n’en peuvent plus d’attendre, ils veulent du concret. L’un des enjeux pour renforcer l’impact sur le terrain des mesures socio-sanitaires et sécuritaires réside dans une meilleure coordination des acteurs.  De notre côté plus spécifiquement, nous avons renforcé dans ces quartiers la présence de la police municipale. Les effectifs se concentrent sur la place des Grottes et les rues adjacentes. Aux Pâquis, des agents surveillent l’entrée et la sortie des classes et des activités parascolaires. Nous avons développé des occupations positives comme le Mondialito (terrain de foot mobile). Aux Grottes encore, nous avons aménagé un terrain de foot pour les jeunes en lieu et place d’un parking lugubre. Ce dispositif éloigne les consommateurs et trafiquants. La police municipale verbalise également les personnes en possession de drogue (228 contraventions ont été décernées en 2024). Mais ses compétences sont limitées, seule la police cantonale dispose de prérogatives pour lutter contre le trafic de stupéfiants.

Pourquoi deux polices de proximité, une cantonale, une communale? Cela ne sème-t-il pas la confusion? 
L’organisation actuelle de la police de proximité n’est effectivement pas optimale et le statu quo n’est pas une solution. Les discussions sur un transfert de compétences de la sécurité de proximité aux communes, démarrées en 2022, se sont hélas enlisées. Il est vrai que le dossier n’est pas simple. La réforme du Service de secours et d’incendie a pris dix ans. Toutefois, j’ai le sentiment que le Canton a tiré le frein à main et je le regrette.

Seriez-vous favorable à armer les policiers municipaux? 
Je n’ai pas de tabou. Mais il faut d’abord se mettre d’accord avec le Canton, redéfinir les missions et les compétences des agents avant de discuter de l’équipement ainsi que de la formation.

Genève apparaît comme plus sûre aux yeux des habitants? 
Oui, le diagnostic local de sécurité (sondage effectué tous les trois ans) révèle que le sentiment d’insécurité est passé de 54% en 2013 à 31,8% en 2023. En outre, la sécurité que 46% des Genevois mettaient au premier plan n’en préoccupe plus que 10,9%. C’est un progrès réel mais on ne doit pas s’en satisfaire. Aux Grottes et aux Pâquis, la population attend que l’on fasse davantage.

Certaines incivilités ont augmenté? 
On peut avoir cette impression car il y a davantage de sanctions depuis 2020. C’est le cas des trottinettistes (hausse de 95%  des sanctions) qui roulent sur les trottoirs et génèrent la peur notamment chez les personnes âgées. Le problème se pose aussi avec les vélos (augmentation de 91% de la répression). Nous verbalisons davantage les deux-roues motorisés qui empruntent les pistes cyclables ou les espaces piétons (+79% de sanctions). J’assume complètement ce tour de vis contre les incivilités qui altèrent la qualité de vie. Je déplore en outre les violences verbales qui ciblent aussi les policiers municipaux, les collaborateurs de la voirie et les gardiens d’enceintes sportives. En sus des sanctions infligées, nous avons renforcé l’ancrage de notre police en instituant le «Café avec un agent». Il s’agit pour les habitants d’échanger dans un établissement public avec les policiers, de signaler des conflits ou autres difficultés. Cela nous permet ensuite de réorienter nos priorités.

Vous avez multiplié les campagnes de sensibilisation contre le dépôt de déchets sur la voie publique. Ont-elles porté leurs fruits? 
Certaines habitudes prises durant la période Covid (livraison de marchandises et donc foisonnement d’emballages) perdurent en dépit des 3000 corbeilles installées sur tout le territoire municipal. En matière de déchets (y compris mégots jetés au sol) la Ville a longtemps privilégié la sensibilisation, minimisant la répression. Mais à un moment donné, il faut toucher au porte-monnaie. Nos services ont décerné 4700 amendes au total depuis 2020 (+250% de sanctions en 5 ans). Le montant est de l’ordre de 100 à 200 francs, c’est un petit électrochoc pour celles et ceux qui agissaient en toute impunité.  Mais là encore les habitudes ont la vie dure. Dès lors, nous avons voulu agir aussi en amont. Ainsi, notre voirie intervient dans les écoles de la ville pour expliquer aux enfants la nécessité de respecter le domaine public. Ils sont d’ailleurs les meilleurs ambassadeurs auprès de leur famille. Les tags restent un problème (10’000 ont été effacés en 5 ans). Nous savons que la présence d’un tag favorise sa prolifération.

Tout cela coûte aux contribuables?
Le budget total de la voirie représente en effet près de 25 millions de francs.

En 2022, vous avez lancé une application contre le harcèlement de rue (Genève en poche). Quel est le bilan? 
Cet outil a produit ses effets. Pour rappel, il permet aux personnes victimes ou témoins d’actes de harcèlement sexiste et/ou sexuel dans l’espace public d’effectuer un signalement à la police municipale. Les personnes qui le souhaitent peuvent être accompagnées pour un dépôt de plainte. Nous avons enregistré plus de 550 signalements. Plusieurs autres communes, nous ont emboîté le pas.

Vous briguez un nouveau mandat, si vous êtes élue resterez-vous dans ce département? 
La sécurité et le sport sont des domaines qui me tiennent à cœur. Mais, il est évidemment prématuré de donner une réponse ferme. 

 

Mais que fait la police... municipale?

La mission première de la police municipale consiste à détecter et prévenir les incivilités. Mais elle agit aussi de manière répressive en appliquant différentes amendes ou contraventions.
Amendes administratives
Elles concernent: la gestion des déchets, l’affichage sauvage, le contrôle des marchés et la taille ou l’élagage des haies empiétant sur la voie publique.
Amendes d’ordre
Elles visent les infractions courantes à la Loi sur la circulation routière (LCR) comme le stationnement sur des passages piétons ou devant des locaux du service du feu, la non-détention de permis de conduire ou autres pièces nécessaires à la mise en circulation d’un véhicule motorisé. Les amendes d’ordre peuvent être décernées, lorsqu'il y a détention et/ou consommation, par des personnes majeures, de produits cannabiques (haschich/marijuana), dont le poids total ne dépasse pas dix grammes.
Contraventions
La procédure de contravention s’applique à toutes les infractions relevant du droit pénal hors amendes d’ordre mentionnées dans l’Ordonnance idoine. Il s’agit des infractions de salubrité  (salissures diverses sur le domaine public par exemple) ou de tranquillité publique  (bruit, musique, outrage, etc.) ou encore celles liées à l’inobservation de la réglementation en matière de chiens. Les agents de la police municipale se doivent de dénoncer ces infractions au Service des contraventions du Canton de Genève, lequel émet des ordonnances pénales fondées sur la base des rapports de dénonciation.

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