
Justice • Le procureur requiert 16 ans et 10 mois assortis d’une mesure d’internement.
Un an après sa condamnation à plus de 16 ans de prison pour l’assassinat de Chris perpétré en 2019 dans un parking des Charmilles, l’auteur est de retour devant la justice genevoise. Au deuxième jour du procès, l’atmosphère était un peu moins chargée que la veille. Une trentaine de personnes étaient présentes dans la salle. Le père de la victime avait placé un portrait de son fils, tourné vers le tribunal, qui restera visible durant une partie de la matinée. L’accusé se présente cette fois avec une chemise blanche, rasé de près, les cheveux attachés en catogan.
La matinée débute avec la plaidoirie de Me Robert Assaël, qui le défend. «Il avait 18 ans et 3 mois et c’était un gamin. Il n’est pas dangereux. Moi je vous dis qu’on ne naît pas violent, on le devient.» Citant des psychologues, il insiste: «Il peut reconstruire après avoir tant détruit, après avoir tout détruit.»
Concernant les faits, il affirme: «Il n’a aucun intérêt à feindre l’amnésie». Pour lui, le soir du drame, son client était «dans un état d’esprit festif» et «n’avait aucune volonté de se battre». Il rappelle que lors d’une embrouille au Monte Christo, plus tôt dans la soirée, le jeune homme aurait au contraire «apaisé la situation» en faisant même «un câlin aux filles de l’autre groupe». Robert Assaël met aussi en cause l’ami de l’accusé impliqué dans le drame: «En réalité, il a fait beaucoup plus que créer un climat hostile, il a mis le feu aux poudres».
Réplique cinglante
Revenant sur le déroulé de la bagarre, il insiste sur l’hostilité de l’autre groupe: la victime et son ami «ont enlevé leur veste, visiblement pour en découdre». L’avocat plaide pour une requalification en meurtre par dol éventuel. Sa consœur, Me Yaël Hayat, dénonce des juges de première instance «captifs de leurs émotions». Mais la réplique des parties civiles est cinglante. Me Guglielmo Palumbo, avocat du jeune homme blessé au bras ce soir-là, parle «d’un exercice d’équilibriste de la défense qui consiste à dire que son client a changé tout en le présentant comme une victime». Selon lui, le prévenu était «prêt à tuer, tuer encore et encore. Il était une bombe à retardement qui intervient quand tout était terminé. Moi j’affirme que l’assassinat c’est aussi ces situations d’une futilité extrême, je crois qu’on est dans la froideur de l’assassinat.»
e Vincent Spira, avocat de la famille de Chris prend à son tour la parole: «Les parents du prévenu iront le voir en prison, les parents de Chris vont le voir au cimetière». S’agissant des excuses présentées la veille par l’accusé, il estime que «la douleur est telle, six ans après les faits, que rien n’est audible pour cette maman». Le 19 janvier 2024, il dit avoir fait porter une tartelette au chocolat au Ministère public avec l’inscription «5 ans», pour faire comprendre que la procédure était trop longue. Il revient aussi sur une tentative d’extorsion de 40’000 francs que l’accusé aurait effectuée par message depuis la prison à l’encontre d’une jeune femme.
Sincérité?
Pendant une bonne partie de sa plaidoirie, il met en cause la sincérité du prévenu: «Derrière l’histoire avec des bisounours et des câlins au Monte Christo, il y a un couteau. C’est facile de dire: j’assume mais j’ai tout oublié.» Quant à la fuite possible en Turquie – à laquelle il aurait renoncé – l’avocat assure que s’il avait un passeport, il serait parti. Au 3e jour, le procureur Frédéric Scheidegger a souligné que: «Les faits sont d’une extrême gravité et ont arraché un jeune homme à sa famille». Evoquant le couteau dissimulé par l’accusé avant de passer à l’acte, il l’a qualifié d’«arme de traître, arme de lâche, arme d’assassin». il a ensuite insisté: «Mentir face à la justice, c’est ne pas regretter ses actes», avant de tourner en dérision la sensibilité de l’accusé: «On a vu qu’il est très soucieux de la protection de sa personnalité, il ne supporte pas d’être qualifié d’assassin par la presse». Il a par ailleurs rejeté l’argument des pertes de mémoire, estimant que «ce recours à l’amnésie n’est qu’une forme polie pour exercer son droit au silence». Le procureur a demandé la confirmation de la peine de seize ans et dix mois de prison pour assassinat, assortie d’une mesure d’internement. Le jugement, sera communiqué ultérieurement.