Pierre Maudet: "Il faut désengorger le trafic au centre-ville"!

Genève

Stationner en ville relève du casse-tête chinois, tant en une décennie, le nombre de places en surface s’est réduit comme peau de chagrin. Mais la régulation de la mobilité dans le très exigu territoire cantonal se heurte à des paramètres irréconciliables. Il faut à la fois décongestionner autant le centre que la périphérie, répondre aux impératifs climatiques, améliorer la qualité de vie des Genevois sans ostraciser les automobilistes. Le point avec le conseiller d’Etat chargé de la Santé et des Mobilités, Pierre Maudet.

GHI: A Genève, plus de 3000 places publiques en surface ont été supprimées depuis 2015, un chiffre semblable à Zurich (stationnement incluant zones bleues et blanches). La Ville de Genève propose la suppression d’au moins 12’000 places d’ici à 2040, dans le cadre de la révision de son Plan directeur communal (sur la table du Conseil municipal). A quoi faut-il s’attendre? 
Pierre Maudet: Les villes de Genève et de Zurich ont effectivement réduit le nombre de places de stationnements pour les voitures afin de récupérer de l’espace pour les voies de bus, les élargissements de trottoirs et des places de vélos. En tant que ministre cantonal des Mobilités, je tiens à ce qu’il y ait un équilibre entre tous les usagers. Je rappelle à ce propos que la loi votée par les Genevois prévoit que toutes les suppressions de stationnement doivent être compensées par des places dans les parkings souterrains.
En 2024, le nombre disponible en sous-sol pour cette compensation s’élevait à 3776 places, réparties dans 86 parkings, dont certains sont aux mains de propriétaires privés avec qui l’Etat et la Ville de Genève doivent négocier. Pour moi, ce transfert vers les parkings souterrains ne doit pas être punitif. Il doit donc pouvoir se faire à des prix accessibles afin de garantir que la classe moyenne ne soit pas prétéritée par ces suppressions de places de stationnement. Et c'est la volonté exprimée par le plan de stationnement, qui a été accepté par le Parlement.

Les milieux automobiles ne risquent-ils pas de riposter? 
Pour sortir des blocages, j’ai engagé le dialogue avec tous les acteurs de la mobilité, dont les milieux automobiles. Maintenant, chacun doit assumer sa part et il faut faire des compromis. Libérer une partie de l’espace public va clairement augmenter la fluidité du transport, réduire les temps de trajets et libérer des places pour le stationnement professionnel et les entreprises.

Qu’est-ce qui motive prioritairement ces mesures?  Qualité de vie, impératifs climatiques, développement des transports publics? 
D’abord, il faut trouver des solutions pour désengorger le trafic au centre-ville, qui crée de nombreux problèmes de santé et une perte de temps pour tout le monde. Ensuite, il devient urgent de répondre à l’augmentation des nuisances sonores qui perturbent la qualité de vie des habitants. Pour ce faire, il est urgent d'orienter une grande partie du flux pendulaire vers les parkings et P+R, dont certains présentent des disponibilités, comme le parking du quai Ernest-Ansermet.

Le nombre de personnes, domiciliées principalement en ville, qui ont renoncé à un véhicule motorisé, va croissant. Avez-vous quelques chiffres ? 
Entre 2015 et 2023, il y a effectivement une baisse de 2,7% du nombre de voitures dans le canton, mais aussi une augmentation du nombre de motocycles de 11,9% à la même période. Le nombre de personnes ayant renoncé à la voiture est plus élevé en ville de Genève que dans le reste du canton. En 2021, 29% des ménages du canton ne possédaient pas de voiture. Ce pourcentage était de 43% en ville de Genève. En 2015, ces parts étaient respectivement de 22% et de 41%. 

Quelles solutions pour les automobilistes qui ne veulent ou ne peuvent se séparer de leur voiture. Quelles sont les possibilités de stationnement existantes ou à venir? 
Je rappelle qu’il y a 35'000 places dans la rue incluant les places bleues et les horodateurs, 57'000 places dans les parkings publics ou à usage public du canton sans compter les P+R qui totalisent environ 20'000 places.
Par ailleurs, plusieurs projets de parkings souterrains sont en cours de réalisation à Genève. Par exemple, le parking du nouveau quartier de la caserne des Vernets va permettre de répondre aux besoins des futurs habitants des logements, mais aussi de libérer l'espace public devant la patinoire des Vernets pour en faire un aménagement de qualité, en reportant les places de stationnement extérieur dans le nouveau parking sous-terrain créé en face.

La politique tarifaire des parkings souterrains n’est-elle pas dissuasive? 
Il faut tout faire pour que cela ne soit pas le cas. Dans les parkings aux mains des pouvoirs publics, l’Etat peut mettre en place une tarification attractive. Or, comme je l’ai souligné, les parkings ne sont pas tous propriété des pouvoirs publics et il n'est pas aisé de décréter une uniformisation des tarifs. Mais je vous l’accorde, on ne peut pas exiger des gens qu’ils changent leurs habitudes s’ils ont l’impression d’être punis par une politique tarifaire trop élevée. C’est avant tout une question de justice sociale.

Vous évoquez l’un des principes du plan d’actions du stationnement comme étant le développement de l'offre pour les deux-roues motorisés et les vélos. Est-ce que se garer pour les  deux-roues va devenir payant? 
Je tiens ici à rassurer les Genevois: il n’est pas question de tarifer le stationnement de leur deux-roues motorisé dans la rue!

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