Pourquoi le Skatepark de Montbrillant coûte-t-il si cher?

Rédigé par
Tadeusz Roth
Genève

DENIERS PUBLICS • Le Conseil municipal de la Ville de Genève a accepté deux crédits  pour un montant de 1,1 million de francs. Une facture qui interpelle. 

En mars 2023, les députés de la Ville de Genève ont voté, à l’unanimité, deux crédits en faveur du projet de skatepark de Montbrillant. Dans le détail, la première enveloppe s’élève à 500'000 francs et consiste à réaliser une étude pour la création d’un skate-parkour-park. Le second crédit de 600'000 francs est destiné à la création d’un espace de skate temporaire.
De quoi faire bondir les associations opposées à cette aire ludique, qui qualifient ces montants d’«exorbitants». Il y a un an déjà, le président de Sauvegarde Genève tirait la sonnette d’alarme: «Vous vous rendez compte les sommes engagées? Que fera la Ville si le terrain n’est pas déclassé?», interrogeait-il dans la presse.
Et pour cause. Lorsqu’on s’intéresse  à ces montants, plusieurs éléments saillants frappent le profane. Dans  la proposition du Conseil administratif (PR-1529), on apprend ainsi  que les «honoraires études ingénieur civil» s’élèvent à 180'000 francs,  tout comme les «honoraires études architecte», également devisés à 180'000 francs. Deux montants auxquels il faut ajouter 30'000 francs en «honoraires géomètre», 70'000 francs en «honoraires architecte paysagiste» et 4250 pour les «frais de tirages, impressions». Avec la TVA (35'750 francs), on arrive donc à 500'000 francs pour le coût total des études. 
Espace de skate temporaire
Du côté de la création des infrastructures temporaires, on découvre que la réalisation «d’enrobés bitumineux» coûte 225'000 francs, les travaux de génie civil 115'000 francs et l’évacuation des eaux 15'000 francs. 150'000 francs supplémentaires sont nécessaires pour la «fourniture et la mise en place de modules pour skate», 20'000 francs pour les «bordures pour pose enrobés» ainsi que 10'000 francs pour la «fourniture et la pose de 2 mâts provisoires d’éclairage». Avec la TVA et les «prestations du personnel en faveur des investissements», le coût total se monte à 599'200 francs. 
La proposition indique encore «qu’au stade actuel», il n’est pas possible de prévoir les nouvelles charges potentielles liées à cette délibération. Mais les autorités détaillent tout de même le montant qu’il faudra débourser pour l’entretien et le nettoiement dans le cadre des budgets ordinaires des services de la Ville de Genève: 20'000 francs par année pour le Service voirie ville propre. Mais ce n’est pas tout. D’après la proposition, il faut ajouter 10'000 francs supplémentaires pour le volet associatif.
Pas de quoi rassurer les opposants au projet, qui dénoncent un manque de transparence. En plus de ses doutes concernant les sommes octroyées, l’association Sauvegarde Genève s’étonne d’un tel investissement alors qu’un skatepark tout proche existe déjà aux Pâquis, à Chateaubriand.
Estimations «cohérentes»
Contactées, les autorités se défendent. Le Département de l’aménagement, des constructions et de la mobilité (DACM), qui chapeaute le projet, rappelle qu’une étude de faisabilité a été financée par l’association EFM en collaboration avec le Service de la jeunesse et une entreprise spécialisée en infrastructures de skate et parkour-park, sans préciser la répartition entre les deux entités. «A la date de rédaction de la demande de crédit qui porte sur des études principalement, nous disposions uniquement de l’estimation des travaux issue de cette étude de faisabilité. Celle-ci apparaissait cohérente au regard d’équipements similaires réalisés dans d’autres collectivités du canton ou de Suisse», indique toutefois le Département. 
Mais comment les montants affectés aux études ont-ils été estimés? «Ils l’ont été sur la base du coût de travaux défini dans l’étude de faisabilité indiquée ci-dessus et de taux d’honoraires moyens issus de l’expérience du Service de l’aménagement, du génie civil et de la mobilité. Pour la délibération 2, les coûts de travaux ont été estimés sur la base de ceux définis dans l’étude de faisabilité citée ci-avant, de ratios d’aménagements courants en Ville de Genève et enfin, de prix moyens d’équipements de skate connus par le Service de la jeunesse. Les honoraires de cette délibération sont aussi issus de taux moyens provenant des services de la Ville», détaille le DACM. Qui précise que lors de l’établissement de la demande de crédit, les autorités ne disposaient donc pas de devis d’entreprises ou de mandataires.
Une mise en concurrence de mandataires spécialisés a bien été réalisée, mais après le vote du crédit. «C’est donc cette mise en concurrence qui permet de disposer du meilleur prix, lequel pourrait être alourdi en fonction de critères introduits par la Ville notamment de références, de compétences et de moyens. Il en est de même pour les travaux. La mise en concurrence d’entreprises ou de fournisseurs permet de choisir les offres les mieux disantes», se défend le Département.
Pour l’heure, Sauvegarde Genève et trois riverains ont déposé un recours contre le projet au tribunal administratif, essentiellement pour des motifs écologiques. Affaire à suivre.

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