Aménagement du PAV: mais où en est-on?

Rédigé par
Tadeusz Roth
Genève

Le plus grand chantier genevois du siècle est en marche. Praille-Acacias-Vernets, nouveau cœur de la cité, bat tous les records en termes d’aménagement. GHI vous propose un vaste tour de piste du PAV commenté en chiffres.

Près de 12’000 nouveaux logements, des commerces, des équipements culturels, mais aussi des groupes scolaires, des places publiques, un parc de huit hectares et même des rivières. Présenté comme «un des plus grands projets de renouvellement urbain en Europe», le chantier du PAV (Praille-Acacias-Vernets) est déjà bien entamé et devrait durer 30 ans, et s’achever en 2050. En attendant, une convention d’objectifs avec la Fondation Praille-Acacias-Vernets pour les années 2025 à 2029 a été approuvée par le Conseil d’Etat, fixant les différentes missions du projet. «Concrètement, la Fondation, vise par exemple à acquérir entre quinze et vingt droits de superficie d’ici 2029», précise le Département du territoire. 
Qui précise qu’actuellement, trois chantiers sont ouverts: celui du Campus Pictet de Rochemont et celui de Quai Vernet (tous deux livrés début 2026), ainsi que la remise à ciel ouvert de la Drize (fin de la première étape prévue pour fin 2025).  
Le Canton, qui rappelle que les futurs espaces publics du quartier de l’Etoile ont été dévoilés en novembre de cette année, qualifie de «particulièrement ambitieux» le projet lauréat des mandats d’étude parallèles (MEP, équivalent à un concours) proposant une régénération végétale du quartier. Les premiers travaux sont envisagés pour 2028. 
Agenda
Autres dates clés: En 2025, le quartier des Acacias, dont le PLQ Acacias 1 est entré en force, fera l’objet d’appels à investisseurs. 2026 verra la planification des quartiers Praille Ouest, Grosselin et Etoile se concrétiser avec la présentation de plusieurs PLQ. La transformation du parvis des Vernets et la réalisation de la Voie verte d’agglomération, projets menés par la Ville de Genève, seront en cours.
Neuf nouveaux quartiers 
En tout, neuf nouveaux quartiers doivent voir le jour. Mais où en sommes-nous? «L’année 2024 a été ponctuée de plusieurs jalons importants pour la Fondation PAV qui s’est notamment dotée d’une politique d’attribution de ses terrains lui permettant d’accomplir ses missions en toute transparence et équité, dans le respect des politiques publiques qu’elle se doit d’appliquer», répond Bertrand Reich, président de la Fondation du PAV. Qui informe également que le premier appel à investisseurs pour la réalisation et l’exploitation d’un immeuble de logements destinés aux personnes en formation dans le quartier de l’Etoile a été lancé. «Plus généralement pour le projet PAV, de nombreux indicateurs prouvent qu’il se met en place et avance au rythme des projets d’envergure.» 
Solutions équitables 
Le PAV, un long fleuve tranquille? Pas tout à fait non plus. «La Fondation PAV, en tant qu’opérateur foncier, mène des négociations qui nécessitent du temps et des ressources afin de trouver des solutions équitables pour les entreprises à qui nous rachetons leurs droits de superficie. L’équilibre financier de la Fondation est également un objectif prioritaire», détaille Bertrand Reich. 
Plus largement, sur le plan des coûts, le président se veut, là aussi, rassurant. D’après lui, ils seraient en phase avec les budgets prévus par la Fondation: «Il n’y a aucune raison d’imaginer des dépassements sur la durée». 
Autre questionnement, celui de savoir à qui seront attribués les différents droits de superficie du projet. Alors que les Genevois s’interrogent, la Fondation rassure: «Des jurys indépendants seront constitués à cette fin et leurs décisions se baseront sur de critères qualitatifs et non financiers: le montant de la rente étant fixé à l’avance, ce n’est pas le candidat versant le plus d’argent qui obtiendra le droit de superficie, mais celui qui présente le projet le plus intéressant pour la collectivité. Le processus sera le même pour le logement et pour les locaux commerciaux ou d’activités.» A noter que les terrains de la Fondation seront remis en droit de superficie à des investisseurs. Ce sont eux qui auront la charge de commercialiser les emplacements. «En principe, il n’est pas attendu de la Fondation PAV qu’elle intervienne directement dans le choix des emplacements commerciaux», ajoute Bertrand Reich. 
Un développement du PAV qui réjouit particulièrement les milieux économiques, rappelant que Genève compte quatre emplois pour trois personnes actives résidant sur son territoire. «Dans ce contexte, ces nouvelles constructions sont essentielles pour rétablir l'équilibre entre l'offre et la demande et répondre aux besoins croissants de la population», résume notamment la Chambre de commerce, d’industrie et des services de Genève (CCIG). 
Poumon économique?
Mais le PAV deviendra-t-il un véritable poumon économique? Pour Vincent Subilia, directeur général de la CCIG, «ce nouveau quartier s’érige comme une nouvelle centralité genevoise. A ce titre, il s’agit d’un précieux levier économique, à valoriser avec soin et détermination. Le PAV a toutes les chances d'attirer de nombreuses entreprises et investisseurs. L'arrivée de nouveaux habitants et la création d'emplois renforceront également son impact sur l'économie locale. Par ailleurs, en tant que projet d'envergure, il devrait stimuler les secteurs voisins, créant ainsi un effet d'entraînement bénéfique pour l'ensemble de la région». 

Inquiétude chez les défenseurs du patrimoine

Un enthousiasme ambiant qui tranche avec la position des associations de défense du patrimoine, qui ont combattu ce projet et continuent de le voir d’un très mauvais œil. «De manière générale, nous pensons que le PAV est comparable au quartier de la Défense et ses nombreux bureaux, pourtant construits dans les années 70–80. A ce titre, le projet genevois est clairement retardataire et anachronique, surtout quand on sait que les bureaux peinent aujourd’hui à trouver preneur. Un tel projet en 2024 pour une ville de moyenne importance ne peut s’expliquer que par le complexe de certaines villes provinciales qui veulent gagner en importance», dénonce Leïla el-Wakil au nom de l’association SOS Patrimoine CEG. 
Pour elle, c’est la densification même qui pose problème, en lien avec les importantes tours prévues. «De nombreuses enquêtes sociologiques ont déjà démontré que l’on vit moins bien à 150 mètres de hauteur. Ce sont des choses que l’on connaît depuis l’époque de la construction du Lignon et les travaux de théoriciens de l’architecture comme Charles Jencks ou Peter Blake par exemple. On ne peut que s’étonner de retomber dans les mêmes travers», considère la défenseuse du patrimoine. Qui regrette également l’utilisation massive de béton, pourtant réputé pour son mauvais impact sur l’environnement. 
Sa solution? Rénover les bâtiments existants lorsque c’est possible, réhabiliter les surfaces commerciales et mieux encadrer le marché locatif, notamment en matière de spéculation. «La construction de nouveaux bâtiments est particulièrement polluante et on estime qu’il faut attendre 60 ans pour en amortir les coûts énergétiques. Détruire des bâtiments existants et raser des espaces verts pour de nouvelles constructions est donc une aberration complète. Il faudrait suivre l’exemple de Bâle, où l’on a reconverti avec beaucoup de discernement des friches industrielles analogues à celles de la zone du PAV», estime Leïla el-Wakil. 
Autre aspect pointé par SOS Patrimoine CEG, le risque de défigurer le visage de Genève, notamment depuis la Rade, pourtant protégée. «Ce qui manque dans les différentes présentations, c’est le profilage. Il s’agit d'une révolution urbanistique et aucune simulation n’a été montrée au public de la nouvelle silhouette de la ville, notamment depuis la Rade. Verra-t-on les tours du PAV derrière Saint-Pierre?» interroge Liliane Roskopf, elle aussi membre de l’association. 

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