Balade sulfureuse de la Vieille-Ville aux Rues-Basses

Rédigé par
Viviane Scaramiglia
Genève

PATRIMOINE • Qui eût cru le passé de la Cité de Calvin aussi canaille? Du «red light district» moyenâgeux en Vieille-Ville jusqu’à la Belle Epoque en basse ville subsistent des traces et des noms de rues. Découverte avec Catherine Hubert Girod, guide passionnée d’Histoire et d’histoires.

A deux pas de la cathédrale, la Genève d’autrefois a eu sa Regina Bordelli, reine des mères maquerelles qui dirigeait le quasi-monopole des maisons closes au 15e siècle. Une époque canaille sous la gouverne du prince-évêque qui restreignit ce commerce grivois mais très lucratif en le limitant à la haute-ville. Les noms des rues évoquaient d’ailleurs très bien le site: la rue des Belles-Filles, celle de la rue Chausse-Con, l’impasse du Vieux-Bordel… Au fil du temps, les nouveaux habitants désirant des adresses plus décentes, la rue des Belles-Filles a pris l’appellation du pasteur Etienne Dumont et la rue Maurice a remplacé l’impasse du Vieux-Bordel. Bizarrement, seule la rue Chausse-Con a conservé sa vocation première en devenant la rue Chausse-Coq, en rappel, dit-on, aux jeunes libertins de bonne famille chaussés par les cordonniers du quartier. C’est du reste à l’angle de cette rue qu’une lanterne installée ultérieurement éclaire ce pan d’histoire. Notre guide en évoque une trace plus authentique à la Maison Tavel où est exposée une lourde porte en bois sculpté d’une maison close, ornée d’une femme, jupe levée, et d’un homme prêt à la payer. Sur le parcours, notre balade fait sa pause au Café du Bourg-de-Four, l’un des plus vieux bistrots de Genève dont la deuxième entrée à l’arrière, donnait alors accès à un bordel. 
Siècle du libertinage
Cette activité perdurera jusqu’à la Réforme et l’arrivée de Jean Calvin en 1536. Le commerce des charmes est alors banni entre les remparts. L’activité se déplace vers les faubourgs, loin du regard des autorités. Mais la ville basse n’est pas en reste. Réglementées ou clandestines, les maisons closes, dites «maisons de tolérance», feront plus tard florès dans les rues commerçantes des Rues-Basses. Celles de la Croix-d’Or sont les plus connues. «Au no 5, la maison de Madame Adèle est très importante et paie les plus lourds impôts», note Catherine Hubert Girod. Les femmes galantes du centre-ville ne décolleront pas de sitôt. «Le siècle des Lumières est aussi celui du libertinage», rappelle notre guide, en faisant notamment référence aux mémoires de Casanova et à ses épisodes érotico-galants à Genève. A la fin du 19e siècle, le secteur compte une vingtaine de maisons closes et des maisons de passe subsistent à la rue Neuve-du-Molard vers 1960.
D’un «red light district» à l’autre
Au nombre des faubourgs, Saint-Gervais est resté longtemps un lieu propice à la débauche. Il suffit de passer d’une rive à l’autre pour imaginer l’ancienne rue des Etuves, avec ses bains chauds publics et mixtes qui attirent les filles de joie. Suite à diverses épidémies, ces établissements finiront par disparaître au 17e siècle.
C’est en 1925 que les maisons closes sont frappées d’interdiction, provoquant le déplacement progressif des filles des Rues-Basses vers les Pâquis. «Avec l’existence de la gare Cornavin, il fallait de quoi loger, nourrir et divertir les voyageurs», détaille notre guide. C’est ainsi que, petit à petit cabarets et hôtels de passe vont proliférer dans le quartier. 

En savoir plus