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Climat: quand les extrêmes défient la vigne

Société

LOCAL ET DURABLE • Face à des phénomènes météorologiques de plus en plus extrêmes, les vigneronnes et vignerons s’adaptent et trouvent des solutions. En partenariat avec la terre, ils accomplissent un véritable numéro d’équilibriste sur des terrains parfois vertigineux.

Si l’adaptabilité n’est pas nouvelle dans la viticulture, le dérèglement climatique et ses épisodes extrêmes de plus en plus fréquents posent un défi croissant aux vigneronnes et vignerons, les obligeant à revisiter et modifier sans cesse leurs solutions.

Nouveaux cépages face à l’excès de pluie

Pour faire face aux maladies fongiques, très présentes lors d’années pluvieuses, la recherche développe depuis plus de cinquante ans des cépages résistants, permettant de réduire de 70 à 90% l’usage des traitements chimiques et préservant l’environnement, notamment les sols. Ces cépages désormais encouragés par la Confédération sont aussi dits robustes ou PIWI (acronyme de Pilzwiderstandsfähig). 

Changements de goûts 

Mais changer de cépage n’est pas sans risques commerciaux. Si le Divico, le Divona et le Souvignier gris gagnent aujourd’hui en popularité, de nombreux cépages restent méconnus. «Adopter un nouveau cépage résistant comporte des risques pour les vignerons, notamment quant aux préférences des consommateurs», explique Jean-Philippe Burdet, de la Haute École de viticulture et œnologie de Changins. L’école mène actuellement un travail de recherche financé par l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) afin d’évaluer le potentiel agronomique autant qu’œnologique de ces cépages en Suisse, car changer une vigne coûte environ 100 000 francs par hectare. Un goût non conforme aux attentes entraînerait des pertes importantes, les vignes devant durer au moins le temps d’une génération. 

50 ans

La recherche développe depuis plus de cinquante ans des cépages résistants, permettant de réduire de 70 à 90% l’usage des traitements chimiques et préservant l’environnement, notamment les sols.

Porte-greffes: un choix difficile et capital

Lors de la plantation de nouvelles vignes, les viticultrices et viticulteurs doivent faire un double choix crucial: celui du cépage et celui du porte-greffe. Certains d’entre eux, couramment utilisés dans le bassin méditerranéen, permettent par exemple un enracinement profond qui aide désormais les vignes – sous nos latitudes aussi – à mieux résister aux sécheresses et aux conditions arides. Jusqu’à présent, le domaine de la Maison Carrée, à Auvernier, n’a pas encore eu à changer de cépage ou à choisir de nouveaux porte-greffes pour faire face aux dérèglements climatiques.

Ne pas arracher sans raison

«La première solution serait de mettre en place un système d’irrigation qui puiserait l’eau désormais nécessaire à l’arrosage des vignes dans le lac de Neuchâtel. La deuxième serait d’arracher pour replanter des porte-greffes adaptés. Sans oublier qu’ils le seraient beaucoup moins durant les années pluvieuses, le temps de maturation étant retardé. Nous devrons peut-être faire les deux», explique Jean-Denis Perrochet, du domaine de la Maison Carrée, illustrant l’exercice délicat auquel la profession est habituée.

Que ce soit en production conventionnelle ou biologique, le choix du cépage et du porte-greffes est compliqué et a des répercussions sur les trente, voire cinquante prochaines années. «Avant cela, tous les jours, nous devons veiller à nos gestes. Être juste, pondéré et réfléchi pour prendre soin de nos sols», explique Blaise Duboux, vigneron à Épesses. «En élevant, par exemple, les haies de palissage pour que l’herbe puisse pousser librement, sans ajouter un surplus d’humidité proche des feuilles de la vigne. Et en permettant, grâce à cet enherbement, une meilleure infiltration de l’eau afin d’éviter le ruissellement de surface», poursuit Blaise Duboux.

Les cépages résistants aux champignons gagnent en popularité dans le pays, la surface du cépage rouge Divico a augmenté de 12,8% et celle du cépage blanc Souvignier Gris a même augmenté de 31% en 2023.

Photo Swiss Wine Promotion

Nouveau climat, nouveaux avantages?

Les productrices et producteurs de vins suisses le constatent: leur clientèle est de plus en plus soucieuse et exigeante en matière d’environnement. Reste à souhaiter que cette prise de conscience prenne également en compte le bilan carbone qu’alourdit le transport de produits étrangers, lesquels représentent, encore aujourd’hui, les deux tiers des vins consommés en Suisse. L’espoir est aussi que la clientèle s’ouvre, avec toujours plus de curiosité, aux nouveaux goûts, nouvelles audaces et diversités auxquels travaillent, avec constance, les vignerons d’ici.

www.swisswine.ch/fr/durabilite

In memoriam 

Au moment de faire paraître son témoignage, c’est avec une grande tristesse que nous apprenons le décès soudain de Jean-Denis Perrochet survenu dimanche dernier, à l’âge de 63 ans. Héritier d'une longue tradition viticole, il était la sixième génération à diriger le domaine familial La Maison Carrée à Auvernier. Nous rendons hommage à cet homme exceptionnel, figure incontournable du vin neuchâtelois, dont l’engagement a profondément marqué la profession. Nos pensées vont à sa famille, à ses proches, et à celles et ceux qui ont eu la chance de croiser son chemin. 

 

 

Viticulture bio, l’harmonie entre l’homme et la vigne

Pour Blaise Duboux, produire en bio n’est pas compliqué. «Il suffit d’intégrer l’idée que nous sommes des humains qui travaillons en partenariat avec la nature.» 

Blaise Duboux est certifié en agriculture biologique depuis 2016.

«Cette année, l’enherbement de nos parchets nous a beaucoup aidés à les maintenir en place, l’eau s’infiltrant dans le sol plutôt que de ruisseler en surface. Voyez ce qui s’est passé à Valence; nous réalisons tous aujourd’hui l’importance de

la perméabilité des sols», explique Blaise Duboux, vigneron à Épesses. S’ajoute aussi une meilleure oxygénation de la terre, qui nourrit les micro-organismes et favorise la minéralisation et la déminéralisation, profitables aux vins. De l’autre côté de la balance, pour faire face aux épisodes de sécheresse, un syndicat d’amélioration foncière pour l’irrigation est en cours de création à Lavaux. Il prévoit par exemple de récupérer des eaux de ruissellement. 

Proche de l'être humain

«La vigne est très proche de l’être humain: elle a des racines dans le sol et la tête dans les étoiles. Le raisin qu’elle produit est de quelque part», observe
le vigneron. De là à envisager que les vins aient le goût des paysages qui leur permettent de s’épanouir, il n’y a qu’un pas. Et c’est quelque chose en quoi le
vigneron croit complètement. «Si un jour mes vins pouvaient, à la dégustation, évoquer pleinement l’énergie et la force de ce paysage exceptionnel, ce serait génial!»

Au travail plus important d’une production biologique s’ajoute ici un travail exclusivement manuel, très coûteux. «Notre plus grande difficulté aujourd’hui est de réussir à répercuter ces coûts sur notre vin tout en restant concurrentiels», ne cache pas Blaise Duboux.

Patrimoine de l'UNESCO

Sa famille travaille la vigne depuis 600 ans. Avec d’autres, il est l’actuel gardien du vignoble en terrasses inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO. «Ce paysage façonné par l’humain fait désormais partie intégrante de la nature, nous devons tout faire pour le garder vivant. Et pour ma part, cela commence par faire évoluer les techniques du passé en travaillant main dans la main avec la nature, sans perturber son équilibre.»

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