SANTÉ • L’entreprise Toujours+, a baptisé ses e-cigarettes à usage unique au nom de localités genevoises. Un choix marketing qui fait bondir habitants et autorités.
Nos autorités seraient-elles devenues pro tabac? C’est en tout cas la question que se posent de nombreux Genevois, qui ont découvert ces derniers temps des puffs – cigarettes électroniques à usage unique – portant le nom de lieux où ils habitent. Sur ces vapoteuses en plastique contenant de la nicotine, le fabricant a apposé les noms des différentes localités: «Lancy», «Meyrin», mais aussi «Jonction», «Pâquis» ou «Eaux-Vives». Parmi elles, on trouve même un spécimen nommé «Baby Plage», ce qui est d’autant plus problématique que cet espace est prisé des plus jeunes.
Ce marketing à la sauce genevoise n’est guère du goût des habitants concernés, qui refusent de voir l’image de leur quartier ou de leur commune assimilée à ces produits qui nuisent gravement à la santé. «Comment nos élus peuvent-ils laisser faire un truc pareil? C’est un scandale», s’insurge une habitante de Meyrin qui a découvert deux e-cigarettes estampillées au nom de sa commune dans un parc proche de chez elle. Même agacement chez cette Lancéenne: «J’espère que notre Municipalité s’opposera à ce fabricant qui détourne notre nom pour vendre ses produits et faire retirer ces articles. D’autant qu’on sait que ces puffs sont pensés pour séduire les jeunes. Avec leurs saveurs fruitées, on est moins méfiants. Mais le danger est là.»
Cette gamme de vaporettes associe un parfum à chaque lieu, en l’occurrence un mélange de fruits rouges pour Meyrin ou un goût pastèque pour Jonction.
Produits addictifs?
Que rétorquent les autorités? «Je déplore l’utilisation des noms de quartiers genevois pour vendre des cigarettes électroniques jetables. La Ville de Genève n’a évidemment aucun lien avec ce commerce, dont on sait combien il est nocif à la santé. Notamment des plus jeunes, qui peuvent être attirés par les arômes sucrés des puffs, les rendant d’autant plus addictives. Et nuisibles pour la planète», s’indigne la maire de Genève, Christina Kitsos.
Aspects légaux
Pour l’heure, impossible d’affirmer avec certitude si le procédé utilisé par ce fabricant est autorisé par la loi. «Concernant les aspects légaux, il nous est difficile de vous donner une réponse définitive sans une analyse plus poussée. Les juristes de la Ville ont été informés et évalueront ce cas avec attention. Il est bien évident que nous nous réservons le droit de lancer toutes les actions appropriées s’il apparaît que ces produits contreviennent à la loi, nuisent à notre image et à nos valeurs ou s’ils trompent le consommateur en lui faisant penser que nous sommes liés à ce produit», prévient Yannick Richter, chargé de l’information du Conseil administratif de la Ville de Genève. Du côté des communes, Lancy et Meyrin disent ne pas cautionner l’utilisation de leur nom et étudier la situation et les éventuelles actions juridiques qu’elles pourraient entreprendre.
Bon enfant
Contacté, le fabricant défend sa démarche. Basé aux Eaux-Vives, il a imaginé ce concept après la demande de certains de ses clients très attachés au quartier lacustre. C’est bon enfant et puis nous n’avons rien fait d’illégal. Mais il y a toujours des gens pour se plaindre», constate Ahmadi au nom de l’entreprise. Pourtant, après avoir été contactée par la commune de Lancy, la société a retiré les noms des localités, dans une démarche d’apaisement. «Nous avons cessé d’utiliser ces noms, même si nous n’y étions pas obligés. Il nous reste encore quelques stocks, mais les derniers produits de ce type devraient être vendus ces prochaines semaines», rassure l’entrepreneur.