Trouver un appartement à Genève? Une gageure: la proportion d’appartements vides est de 0,34%. Pour que le marché locatif fonctionne, il faudrait que le taux de vacance soit à 1 voire 1,5%. Etat des lieux avec Christophe Aumeunier, secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière.
«Tous les feux d'avertissement clignotent en rouge, relève d’emblée Christophe Aumeunier, secrétaire général de la Chambre genevoise immobilière (CGI). Pour la faîtière, la préoccupation est que la pénurie ne s'aggrave pas et qu'elle ne s'inscrive pas dans la durée. Cette préoccupation est encore peu partagée, parce que cette situation est peu visible pour l'ensemble de la population et les acteurs économiques. Il y a à peu près trois logements vacants sur mille, c'est donc une crise aiguë.» La CGI représente les propriétaires et le secrétaire général donne un exemple: «Voir des queues s'allonger dans les escaliers d'un immeuble, voire jusque dans la rue, pour la visite d'un appartement libre, cela nous fait mal au cœur et c'est extrêmement frustrant parce que nous souhaitons construire plus d’appartements.
– GHI:Comment expliquer qu'on en soit arrivé là?
Christophe Aumeunier: Cela vient d'un défaut de planification. Les chiffres les plus récents montrent que la construction de logements plonge de 25% à Genève par rapport à l'an passé. C'est alarmant parce que, même s'il peut y avoir des variations en fonction de l’avancement des projets, et c'est normal, les périmètres disponibles pour construire sont très rares. Je tiens à dire que la pénurie ne profite pas aux propriétaires, car c'est souvent un reproche qui surgit dans ces périodes. Il n'y a pas lieu de nourrir une dissension entre propriétaires et locataires. Car d'un autre côté, la pénurie permet des sous-locations abusives, et des pratiques de marchands de sommeil. Nous désirons une économie immobilière qui fonctionne, avec une offre et une demande à l’équilibre.
– Que faudrait-il faire?
Pour qu'il y ait moins de tensions, nous devons reprendre en main la question de la planification territoriale et retrouver des périmètres de construction à Genève, car aujourd'hui ils sont épuisés. Nous souhaitons un marché du logement qui soit équilibré, qu'il y ait moins de tensions, pour que la population y trouve son compte.
– Est-ce un tabou?
Non, pas du tout. Cette situation critique est peu connue de la population parce qu'on a pas mal construit ces dernières années, sur de grands périmètres, c'était assez spectaculaire. Il y a eu les Communaux d'Ambilly, une partie des Grands Esserts est réalisée, une portion de Praille-Acacias-Vernets, des Cherpines. Derrière ces projets, il n'y a rien, c'est particulièrement alarmant. Nous avons une forte inquiétude sur l'avenir et le manque de planification, de prévision foncière, une absence de plans localisés de quartier, ce qui veut dire qu'il y aura moins de constructions possibles.
- Est-ce dû à une absence de volonté politique?
Nous ressentons une absence effective de volonté de poursuivre une croissance, qui soit mesurée et qui est nécessaire au maintien de la prospérité genevoise. Au départ, je dirais qu'il y a un facteur technocratique. Les services de l'Etat sont occupés par des fonctionnaires qui, comme nous, sont tous bien logés, je le dis sans malice, donc peu sensibles à la tension de ce marché. Ce qui est choquant c'est que dans les premiers travaux du nouveau Plan directeur, et jusqu’à ce jour, pas une seule fois la pénurie de logements n'a été mentionnée. Comme si cela n'existait pas.
– D'où proviennent ces freins?
Il y a un lien évident entre la capacité de logement, le nombre de collaborateurs des entreprises genevoises et une dynamique modérée qui assure la prospérité de l'ensemble de la société genevoise. Il y a une tentation de vouloir une maîtrise, pour ne pas dire une décroissance. Pour simplement maintenir ce que nous avons, il s'agit de produire des logements en suffisance. Nous observons que les travaux sur le Plan directeur ne permettent pas cela. Tout cela ressemble à un paquebot et on se demande comment il est piloté.
– Est-ce dû à une désaffection des patrons, notamment de PME, vis-à-vis de la politique?
Oui, il y a encore de rares personnes qui s’y impliquent comme, par exemple, Diane Barbier-Muller (réd: de la régie Pilet Renaud) mais ils sont trop peu nombreux. C'est un problème.
– Comment voyez-vous l'avenir pour 2026 et les suivantes?
C'est un peu général en Suisse, mais à Genève en particulier, les délais pour obtenir une autorisation de construire sont immensément longs. Nous en sommes à une moyenne de 650 jours, au moins deux fois plus que n'importe quel autre canton. On a beaucoup insisté sur la numérisation, et naïvement nous pensions que cela allait améliorer les choses. En fait, l'administration l'a intégrée et elle est simplement devenue encore plus pointilleuse.