Un élève sur huit se dit victime de harcèlement

Rédigé par
Tadeusz Roth
Société

 Parfois, ces souffrances se poursuivent pendant  de nombreux mois: de nombreux écoliers genevois sont ciblés  par les dénigrements et les humiliations, alors que des solutions existent pour enrayer le phénomène. 

«Toute ma classe m’embête à cause d’une fille qui ne m’aime pas. Mes camarades se moquent de moi et disent que je suis trop petite. Ou que mes cheveux sont moches. Moi, je suis triste. Et je ne veux plus aller à l’école», raconte Sandra*, une élève de 6 ans, scolarisée dans une école primaire de la campagne genevoise. Des dénigrements qui ne s’arrêtent pas là, puisque parmi les harceleurs, plusieurs s’en sont pris physiquement à elle, en la poussant, en lui bloquant le passage, ou en la touchant. Autre cas, même réalité: Nicolas*, 8 ans, est lui aussi la cible de moqueries continues de la part de trois camarades. Ici, les élèves n’hésitent pas à lui mettre des claques, à le menacer de violences, parfois à son encontre ou à celle de sa famille.  Dans le canton de Genève, les cas de harcèlement scolaire sont monnaie courante, comme en attestent les chiffres: d’après un sondage réalisé au printemps 2024, baptisé «Comment va l’école», pas moins de 13% des élèves du primaire et 6% de ceux du Cycle d’orientation ont déclaré se sentir harcelés. 
Identifier le phénomène...
Mais le problème ne s’arrête pas là. Alors que les faits durent depuis des mois, les enseignants peinent à identifier le phénomène et tardent à prendre des mesures efficaces. Dans le cas de Sandra, sa mère est allée se plaindre auprès de la maîtresse et de la direction de l’établissement une dizaine de fois. Sans succès. «On m’a dit que la petite harceleuse était confrontée à des difficultés familiales. Alors que c’est elle le bourreau de ma fille, l’école la présente comme une victime et hésite à intervenir», déplore la mère de Sandra. Après des mois de souffrance, l’établissement a finalement proposé de changer une des deux élèves de classe… En l’occurrence, c’est Sandra qui a été transférée dans une autre école. Une décision qui renforce le sentiment d’injustice: «J’ai l’impression qu’elle subit une double peine, tandis que ceux qui la harcelaient peuvent continuer impunément», s’indigne la maman. Heureusement, depuis le changement de classe la situation s’est largement améliorée pour sa fille, qui a pu prendre un nouveau départ et faire de nouvelles rencontres. «Mais les blessures restent vives, il faudra du temps», observe la mère de famille. Nicolas, lui, a intégré une école privée, ce qui lui a permis de reprendre goût à la vie. Mais les parents s’interrogent: les autorités ne pourraient-elles pas en faire davantage? 
Contacté, le Département de l’instruction publique (DIP) défend son approche et met en avant les nombreuses mesures déjà mises en place. «Depuis 2024, tout le personnel enseignant et encadrant les élèves doit suivre une formation contre le harcèlement. Il s’agit d’un nouveau dispositif de grande ampleur et qui concrétise la forte volonté de se mobiliser sur cette thématique. Les établissements déploient aussi une importante activité de prévention dans le but de développer un climat scolaire propice aux apprentissages et au bien vivre ensemble. Il est important de considérer que tous les adultes actifs dans un établissement, quelle que soit leur fonction, sont mobilisés», détaille Claire Alhanko, chargée d’information et de communication au DIP. Qui ajoute que lorsqu’un cas de harcèlement (même potentiel) est détecté par un prof, celui-ci en informe les personnes de références selon un protocole précis. «Ce mode opératoire est appliqué par tous les établissements scolaires. Il prévoit notamment la constitution d'une cellule d'intervention. Une prise en charge qui vise principalement les objectifs suivants: faire immédiatement cesser les comportements et agissements portant atteinte à la victime; reconnaître à celle-ci son statut de victime et lui assurer des mesures de protection; rappeler la loi et les comportements attendus; apporter une réponse éducative visant à la réparation des actes (sanctions, mesures de protection, mesures réparatrices); apporter une réponse proportionnée et conforme au cadre scolaire. Enfin, un suivi post-événement est assuré pour vérifier que le harcèlement a cessé et soutenir la victime», reprend Claire Alhanko. 
Témoigner rapidement 
De manière générale, élèves et parents sont invités à signaler les faits sans tarder, à ne pas rester isolés ou murés dans le silence. «Il est important de ne pas agir seul en contactant les élèves ou les parents d’autres élèves pour défendre ou accuser, car cela risque d’envenimer la situation.» Enfin, le DIP fait appel à une technique dite d’entretien de «préoccupation partagée», qui consiste à recevoir et écouter les différents acteurs d’une situation pour réaliser une analyse détaillée. «Un changement d’école est possible si les parents le demandent. Cette mesure peut être envisagée dans l'intérêt supérieur et le bien-être des élèves. Des mesures de sécurité, dont le changement d’école, sont aussi prévues, dans les cas  complexes», conclut la chargée de  communication. 
*prénoms d’emprunts.

Consultations enfants adolescents familles

Le centre est destiné aux enfants, aux adolescents, aux jeunes adultes vivant sous le même toit que leurs parents ou encore aux familles. Sur place, le CCEAF effectue des évaluations et des bilans de situations, et propose des thérapies de familles et des interventions de proximité (à domicile, en extérieur ou à l’école par exemple). Le centre propose également des psychothérapies individuelles ou des activités médiatrices. 
Tél: 022 566 54 66 

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