DÉPÔTS • La petite classe moyenne qui ne parvient pas à joindre les deux bouts recourt de plus en plus à la Caisse publique garantie par l’Etat.
Si ses rayonnages sont garnis de bijoux en or, de montres ou de maroquinerie de luxe, la Caisse publique de prêts sur gages (CPPG) n’a rien d’un symbole d’opulence. Au contraire, l’institution, créée il y a plus de 150 ans, constitue un véritable marqueur de l’état des finances d’une population en désarroi. Depuis 2022, le nombre de personnes qui se présentent aux guichets de la rue des Glacis-de-Rive est en constante augmentation.Tandis que le montant global mis à disposition atteint cette année plus de 10 millions de francs. Dans la moitié des cas, les quelques centaines de francs provenant du dépôt permettront l’achat de nourriture, le règlement d’une facture de dentiste ou du solde fiscal. L’organisme financièrement autonome – son activité couvre la totalité de ses frais de fonctionnement – est conçu pour offrir des prêts équitables prévenant ainsi les pratiques usurières. Rencontre avec Lynn Bertholet, administratrice déléguée de la CPPG.
GHI: Depuis 2022, le nombre de prêts sur gages augmente. Pouvez-vous donner quelques chiffres?
Lynn Bertholet: 2745 prêts ont été accordés durant l’année 2022, 3290 l’ont été en 2023 et 3569 en 2024. Dans le même temps, les sommes totales engagées sont passées de plus de 7,8 à plus de 8,3 millions. Et la tendance à la hausse se poursuit. Il faut aussi relever que 60% des demandes émanent de femmes.
Si les personnes en difficulté s’adressent à la CPPG, c’est que les taux d’intérêt défient toute concurrence?
Le quart des personnes qui viennent chez nous empruntent (contre un objet d’une valeur équivalente ou supérieure en gage) une somme qui n’excède pas 350 francs. Somme que nous octroyons sans percevoir d’intérêts. Pour un autre quart, les montants se situent entre 350 et 700 francs avec un taux préférentiel de 5%. Dès lors, la moitié de nos prêts sont dits sociaux.
Quel est le profil des emprunteurs?
Pour l’instant, nous ne tenons pas de données statistiques précises. Toutefois, force est de constater que le nombre de prêts sociaux est en hausse depuis plusieurs années. En décembre dernier, la file d’attente emplissait la montée d’escalier de l’immeuble que nous occupons. A cet égard et pour faire face à la croissance du nombre de demandeurs, deux guichets supplémentaires devraient être créés prochainement. Il faut savoir en outre que les personnes que nous recevons ont pour une large part un besoin urgent de liquidités afin de régler leurs courses. Ou pour ceux, qui ont souscrit une importante franchise afin d’obtenir une diminution du montant de la prime maladie, pour s’acquitter des factures d’assurance. Il s’agit de salariés, de personnes qui relèvent de la petite classe moyenne. Maintes fois nos collaboratrices et collaborateurs – dont il faut souligner le sens de l’engagement – ont les larmes aux yeux en découvrant les difficultés auxquelles sont confrontés ceux qui ont recours à notre caisse.
Quels objets les usagers de la Caisse publique de prêt sur gages mettent-ils en dépôt?
Il s’agit principalement de bijoux en or, avec parfois une ou des pierres dont nous considérons la valeur intrinsèque. Nous prenons aussi en dépôt de nombreuses montres, toujours avec boîte et facture d’origine pour celles de valeur. Nous prenons aussi de la maroquinerie de grandes marques avec facture et/ou certificat. Plus rarement, nous acceptons l’argenterie poinçonnée et les tapis de soie. Pour les tapis, nous nous basons sur une expertise externe.
Combien de temps, les objets peuvent-ils rester en dépôt?
Pour faire simple, les prêts sociaux ont une échéance à 6 mois, les autres (au-delà de 700 francs avec taux d’intérêt à 7,5%) d’un an. A l’échéance, le client doit rembourser au moins 20% (plus s’il le souhaite) et payer l’intérêt de la période. Dès que la moitié du prêt a été remboursée, le client peut rembourser le tout, donc y compris les intérêts et frais d’engagement, et réengager selon notre nouvelle estimation. A noter que contrairement aux pratiques des autres prêteurs sur gages, le remboursement (intégralité ou par acompte) peut s’effectuer à tout moment. Il y a une grande flexibilité dès lors que l’amortissement est d’au moins 20% tous les 6 mois pour les prêts sociaux, et 20% tous les ans pour les autres prêts. Le calcul des intérêts est réalisé sur le solde dû et selon la période réelle.
Que se passe-t-il ensuite?
Dans environ 95% des cas, la personne parvient à rembourser le prêt et récupère alors son bien. S’agissant des 5% restants après deux rappels, l’objet est vendu aux enchères, en général pour un prix qui couvre la créance de la CPPG, les frais de vente et la TVA. Jusqu’à la veille de la vente, le client peut reprendre sa propriété contre paiement du solde.
A quoi est affecté l’éventuel surplus (boni) obtenu lors la vente aux enchères d’un bien?
Il est versé au propriétaire qui a cinq ans dès le jour de la vente pour récupérer son boni. Il est informé par deux courriers successifs. Passé le délai de 5 ans, les bonis périmés deviennent des fonds propriétés de la CPPG conformément au Code civil
