Urgences pédiatriques des HUG: une si longue attente

Rédigé par
Adélita Genoud
Société

DÉLAIS - C'est un problème récurrent: hors cas graves, aux urgences pédiatriques des HUG, les enfants doivent patienter des heures durant avant d’être examinés par  un médecin. En assurant des gardes jusqu’à 22h, les pédiatres privés tentent de décharger les Hôpitaux universitaires.

Raphaël, 11 ans se plaint de douleurs abdominales. Il pleure, sa tête lui fait mal et il est pris de vomissements. Vers 21h, son père le conduit aux Urgences pédiatriques. L’enfant est enregistré et vu par une infirmière affectée au tri des patients. «Nous prenons place dans la salle d’attente. D’autres enfants sont là, dont une petite fille. Une blessure couvre sa jambe, elle semble stressée, sa maman la réconforte. Les écrans projettent un reportage sur le secret des centenaires puis un sur l’industrie atomique en Iran», explique le père du pré adolescent. Le temps s’écoule. Aux alentours de minuit, un membre du personnel annonce que l’attente va encore durer environ deux heures, indiquant qu’il y a un manque de personnel. «L’infirmière m’a expliqué que je pouvais quitter les lieux et que le service m’adresserait un texto lorsqu’un médecin serait disponible. Mais aller où à une heure avancée de la nuit avec un jeune enfant? Regagner mon domicile? J’habite dans la campagne genevoise, à coup sûr trop loin de l’hôpital pour être là au moment opportun.» 
Des heures interminables
Raphaël n’est de toute évidence pas  le seul à avoir dû prendre son mal  en patience. Romain, 12 ans, a vécu une expérience identique. «Quand je suis rentrée à la maison après ma journée de travail, j’ai retrouvé mon fils  en sanglots. Nous avons attendu près de 5 heures avant qu’un médecin  ne l’examine et préconise une  radiographie de la colonne  vertébrale. Il y avait bel et bien une atteinte et je suis revenue le lendemain pour une nouvelle prise en charge», détaille sa mère.
Les témoignages de ces deux parents n’ont rien d’exceptionnels. D’autres familles décrivent des situations identiques.
Alors, comment expliquer les délais d’attente? Les Urgences pédiatriques
ploient-elles sous l’ampleur de la tâche? Doivent-elles faire face à un manque récurrent de personnel?
Pratique privée différente
Pour Laurence Lacroix-Ducardonnoy, médecin adjointe agrégée du Service d’accueil et d’urgences pédiatriques, le délai d’attente pour les patients, qui ne présentent pas de risque vital ni immédiat ni différé, n’est pas imputable à un manque de volonté des soignants, pas plus qu’à une insuffisance organisationnelle.
Il faut savoir que chaque admission relève d’un protocole précis adossé à différentes catégories, selon un triage effectué à l’arrivée. «La première entraîne une prise en charge immédiate (cas nécessitant une réanimation), pour la seconde, l’enfant est ausculté dans les 15 minutes et dans la demi-heure pour la troisième.» Il reste les quatrièmes et cinquièmes profils. «En principe, ils devraient être traités dans l’heure ou dans les deux heures. Ceci se vérifie d’ailleurs en journée, sous réserve que plusieurs cas urgents arrivent dans le service. Ce qui évidemment bouscule les délais pour les patients plus légèrement atteints. Délais que nous ne pouvons dès lors pas mesurer.»
Comment expliquer l’afflux nocturne vers le centre hospitalier? «Soumis à une certaine pression, des parents renoncent à quitter leur poste de travail pour s’adresser à un pédiatre, le jour et se tournent alors vers des centres ouverts le soir et la nuit. Il faut savoir que près de 50% des admissions concernent des pathologies ou traumatismes mineurs. Par conséquent, et nous en faisons le constat, c’est en fin de journée que l’affluence est la plus importante. Et puis, il faut aussi noter que la pratique pédiatrique a changé. Il y a 20 ans, les spécialistes privés exerçaient jusqu’en début de soirée. Et puis, ceux qui partageaient un cabinet organisaient, durant les vacances ou les week-ends, un système d’astreinte, qu’ils assuraient à tour de rôle. Ce n’est plus le cas. Les médecins, qui ont beaucoup investi en termes de temps durant leur longue période de formation, optent légitimement pour des horaires plus conformes à une vie de famille lorsqu’ils pratiquent dans le domaine privé», précise encore la praticienne.
Combien de médecins sur le pont?
Soit. Mais, le service est-il soumis à un manque de médecins? Deux chefs de clinique sont sur le pont de 18 à 23h30, un seul est présent entre 23h30 et  7 h30 tandis que trois à quatre internes sont mobilisés jusqu’à 2h du matin  et seulement deux, au-delà.  Cela est-il suffisant dans un canton aussi peuplé que Genève?  «Ce d’autant que notre service accueille également les cas graves en provenance de l’Ain et de la Haute-Savoie. Et que les médecins, outre la prise en charge des patients, effectuent aussi la supervision des enfants hospitalisés (en dehors de la néonatologie et des soins intensifs), ainsi que les sorties en ambulances (SMUR) pour les patients pédiatriques qui nécessitent une prise en charge urgente à domicile puis un transfert médicalisé», affirme encore la Dre Lacroix-Ducardonnoy. Qui ajoute que cette situation de congestion a été rapportée aux instances décisionnaires.  «Un projet Réseau urgences Genève (RUG+ ) est en cours d’élaboration. Il devrait notamment optimiser la coordination avec les autres établissements de soins pédiatriques comme le Centre médical d’Onex, les Grangettes et l’Hôpital de la Tour. Ce dernier étant toutefois le seul avec les HUG à être accessible 7j/7 et 24h/24. Reste que pour certaines familles, il n’est pas évident de quitter notre service pour rejoindre une autre unité de soins à l’autre bout du canton.»
Interrogé, le directeur général des HUG, Robert Mardini précise pour sa part: 
«Le centre hospitalier fait tout ce qui est en son possible pour mettre du personnel médico-soignant de grande qualité, en suffisance, à la disposition de la population de la région genevoise. Il est souvent difficile d’anticiper les flux de patients et patientes, ainsi que la gravité de leurs motifs de consultation, ce qui peut générer des attentes quand il y a sur sollicitation du service des urgences pédiatriques. Nous nous efforçons de les réduire et, surtout, nous pouvons assurer que les urgences graves et vitales sont toujours traitées dans les délais.»

 

Une permanence chez les pédiatres privés 

Depuis 1993, la Société genevoise de pédiatrie, qui regroupe 180 praticiens privés, assure un service de garde sur la base d’un volontariat. Le point avec le co-président, le Dr Jean-Yves Corajod.
– Quelle est la couverture horaire de votre service de garde? 
En semaine, nous recevons les jeunes patients de 19 à 22h, le week-end et les jours fériés: de 9 à 22h, tous les jours de l'année.
– Avez-vous le sentiment que ce service est suffisamment connu de la population genevoise?
Oui, la fréquentation est très importante tout au long de l'année. Nous enregistrons 12'000 consultations/an pour les soirées. Nous ne disposons pas de chiffres s’agissant de l’affluence les week-ends et jours fériés.
– Sur votre site, il est précisé que la prise en charge (lors des permanences du soir ou du week-end) ne concerne pas les cas graves. Les parents sont-ils aptes à faire un diagnostic? 
Si un parent a le moindre doute, il peut téléphoner au numéro unique (associé à notre garde et mentionné sur le site Internet) et obtenir des réponses/conseils de la part d'une assistante médicale.

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